On était mercredi midi et comme chaque semaine je repris mon bus seule. La plupart des élèves mangeaient à la cantine car ils pratiquaient du sport dans l'association sportive du lycée. Personnellement, j'aurais bien fait du tennis, mais cela n'était pas proposé. Il y avait du football, du basket, de la gym, de la danse, de la muscu et de l'escalade. Rien qui ne méritait à mes yeux de passer une après-midi supplémentaire au lycée !
Sur le trajet, je repensais au mail de Paul. Ouvrir mon blog... Quelle idée ridicule ! Qui serait intéressé par ce que j'y raconterais ?! Surtout que je n'avais pas spécialement de talent en écriture. Non, c'était sûrement une idée qu'il proposait à tous ses lecteurs pour les flatter. Ou alors, il me prenait vraiment pour quelqu'un d'autre !
Lorsque j'arrivais chez moi, la table était déjà mise pour 7. Étrange : nous n'étions que 5 à vivre à la maison. Mais bon, cela n'avait rien d'exceptionnel, car Lucas ne savait pas compter (contrairement à ce que disaient mes parents) et il se trompait régulièrement lorsqu'il faisait ses corvées !
Je m'apprêtais à rectifier son erreur lorsque j'entendis une voiture se garer devant chez nous. En soit, une voiture qui s'arrête n'a rien d'exceptionnel. Mais dans mon village, c'est un peu l'événement de la journée. Je vis vraiment dans un trou paumé !
Ma suprise grandit encore quand les passagers vinrent sonner à notre porte. Recevoir des gens à manger un mercredi midi, c'était exceptionnel !
De la salle à manger, j'entendais mon père les saluer.
"Oh Jean, quel plaisir de te voir ! C'est Jonathan avec toi ? Waouh, comme il a grandit ! Isabelle, les enfants venaient dire bonjour."
Jonathan comme Jonathan Carter ? Si c'est le cas, je préfère m'étouffer avec un verre d'eau maintenant plutôt que de lui dire bonjour. Nous avons souvent été dans la même classe et je n'ai jamais pu le supporter. Beaucoup trop prétentieux à mon goût. Son père était directeur du seul supermarché de la ville. Autant dire que son salaire était monstrueux ! Et son fils ne se gênait pas pour étaler sa richesse !
Mais bon, ne pas aller le voir était vraiment malpoli alors je me rendis dans le couloir.
Le repas passa avec une lenteur inégalable. D'abord parce que la voix de Jean Carter était insupportable et qu'il parlait absolument tout le temps, mais surtout parce que lui et mes parents n'arrêtaient pas de dire que "Jonathan et moi, cela faisait vraiment un joli couple !"
Et ils s'y voyaient déjà ! Repas de famille, mariage, enfants... J'avais l'impression que ma vie était toute tracée ! Et je n'aimais pas cette impression. Surtout quand l'impression en question comprenait Jonathan Carter.
Mais heureusement pour moi, mes parents (enfin mon père surtout) étaient plutôt conservateurs et me jugeaient bien trop jeune pour avoir un copain.
C'est donc grâce à cela qu'à peine quelques heures plus tard, le sujet du gendre idéal était totalement tombé aux oubliettes (même si je savais qu'il reviendrait sur le tapis à chacune des rencontres entre mon père et Steve) et j'en étais ravie.
VOUS LISEZ
Emancipation difficile
Teen FictionChloé, 17 ans, rêve de devenir journaliste à l'étranger. Marc, son père, s'y oppose entièrement. Il a déjà tout planifié pour sa fille. Elle vivra à la maison pendant encore plusieurs années, épousera le fils du directeur du supermarché et travaille...