Plusieurs mois après cet incident, je remarquai que l'enfant revenait souvent au bord de l'eau, là où nous nous étions rencontré. Et c'est à chacune de ses venues que je me rendais compte à quel point l'humain vit très peu longtemps... Elle ne devait venir que deux à trois fois par an, elle grandissait si vite, et moi je gardais la même apparence, ayant l'impression que l'année précédente était la veille. Les Hommes avaient peut-être raison finalement : je n'étais qu'un monstre, figé dans le temps, éternel.
Plus l'enfant passait, plus je voulais en savoir plus sur elle et son espèce. Bien des fois, je m'étais surprise à m'approcher de la ville, pour voir comment se comportaient mes humains entre eux. Une fois même, j'avais pris le risque de survoler la ville. Et évidement, les autorités ont commencé à patrouiller autour du lac, presque tous les soirs. L'enfant arrivait à venir au bord de l'eau après leur passage, mais quelques fois, elle ne pouvait pas s'y attarder trop longtemps.
Je ne prenais plus le risque de descendre près de l'eau aux heures de ronde, de peur de tomber face aux autorités armée jusqu'aux dents, violentes, et sourdes aux moindres explications... Je restais en retrait, plus haut sur le flan de la montagne, et ne descendais me désaltérer et tremper mes pieds que lorsque le soleil était à son zénith.
Les années passaient et la petite n'étais plus aussi petite qu'elle ne l'était. L'enfant devenait adulte, et elle commençait à m'intriguer. En me remémorant notre rencontre, je réalisai qu'aucun humain jusqu'alors n'avait réagit aussi calmement à la vue de mes ailes et de mes yeux. Jamais je n'aurais pensé qu'un membre de cette espèce pouvait faire preuve d'un tel calme en me voyant.
Un de ces fameux jours où elle venait près du lac, je me tenais à quelques mètres au dessus, au sommet d'un arbre sur le flan de la montagne. Elle avait bien grandit. Ses cheveux, si courts à l'époque, recouvraient à présent le haut de son dos, et le regard de ses grands yeux avait mûri. Les traits de son visage étaient plus fins, son allure dévoilant une belle jeune femme, il ne s'agissait plus de l'enfant qui m'avait adressé la parole avec tant d'émerveillement. Sans m'en rendre compte, je m'étais approché davantage, en descendant le flan de la montagne à pas de velours. Elle ne m'avais pas remarqué, et c'était tant mieux, jusqu'au moment où je fis craquer une branche par mégarde.
La tête de la petite se tourna alors vers moi, sans pour autant me voir, puisque j'étais encore assez loin et cachée pour qu'on ne le distingue pas. J'avais arrêté de marcher, arrêté tout mouvement, je ne savais même plus comment respirer. Évidement, la jeune fille n'était pas bête : elle savais que j'étais là.
— Madame l'ange ? appela-t-elle alors.
Évidement, je ne bougeai pas, je dis rien. Hors de question de me faire remarquer. Elle avait beau dire que j'étais un ange, venir deux fois tous les ans et ne pas me craindre comme la peste, je ne me montrerais pas face à elle. Pourtant, même sans avoir de réponse, la jeune fille insista, appela encore un fois et commença à s'avancer vers les bois.
— Vous êtes là, madame l'ange ?
J'essayai tant bien que mal de rester la plus immobile possible, afin de ne pas émettre le moindre bruit qui pourrait me trahir. Mais même avec ça, elle continua d'avancer vers moi, sans ralentir son pas. Si elle ne s'arrêtait pas, elle finira par croiser mon regard, qui est déjà fixé sur elle. Alors que je peinais à garder mon calme tandis qu'elle s'avançait toujours, je cédai et dit d'une voix se voulant menaçante :
— Pars, humaine. Tu n'as rien à faire sur cette montagne.
Elle s'était arrêtée net, maintenant figée devant moi. Elle ne me voyait pas encore, mais si elle continuait à balayer le paysage des yeux, ce moment ne saurait que tarder. Un seul frémissement de ma part et la jeune fille ne partirait pas.
— Vous êtes là, n'est-ce pas ? fit-elle alors en souriant légèrement. Pourquoi vous cachez-vous ?
— Pars.
J'essayais de rester ferme, mais je compris bien vite que face à elle, tenir tête était vain.
— Je ne partirais pas, dit-elle. J'ai besoin de vous voir, de vous parler.
— Crois-tu vraiment que cette envie est partagée ? lui répondis-je alors d'une voix grave, en fronçant les sourcils.
Elle ne répondit rien à cela, restant toujours debout au même endroit, là où elle s'était arrêté. Elle semblait réfléchir à quoi me répondre, mais je ne lui en laissai pas le temps et répétai d'un voix plus ferme :
— Vas-t-en ! Retourne chez tes humains !
Mon ton était plus haut, et plus menaçant. Cette fois, je vis un mouvement de recul de la part de la jeune fille. Je donnai alors un grand battement d'ail pour partir, et au passage, la faire vaciller et l'inciter à en faire autant.
Je n'avais pas été douce, la petite était tombée et s'était éraflée la bras en se rattrapant... Mais si je voulais être tranquille, il ne fallait plus qu'elle vienne au bord du lac. Je devais me faire oublier de tous, et disparaitre pour de bon. Je pris alors la décision de quitter la montagne pour quelques mois, voire quelques années, le temps que les humains apprennent à ne plus se soucier de mon existence. Au coucher du soleil, je m'envolais vers l'ouest, de l'autre côté de la montagne.
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Voilà pour la deuxième partie de cette aventure ! N'hésitez pas à me dire vos avis en commentaire 😉 et aussi si la créature ailée vous fait penser à quelqu'un (personne réelle ou personnage fictif) quelques de mes amis m'ont déjà fait des comparaisons 😂 Ça m'intéresse !
À suivre...
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L'Ange du Lac
ParanormalIl fut un temps, dans une ville comme les autres, une rumeur parlant d'une créature régnait sur le lac qui longeait cette même ville. Une femme aux yeux clairs et lumineux, à la chevelure sombre tel le noir de la nuit, et aux ailes noires si grande...