J'ignorais combien de temps s'était écoulé depuis mon départ, mais une chose était sûre, ce n'était pas assez pour se faire oublier totalement. Mais je n'en pouvais plus, je devais rentrer chez moi, dans ma montagne. Je ne pouvais pas vivre trop longtemps éloignée d'elle, et je risquais d'effrayer les populations aux alentours. Les humains occupaient beaucoup de territoire depuis les dernières années... Je craignais qu'un jour, je ne puisse plus du tout vivre librement, seule sur la montagne. L'Homme était une espèce avide et curieuse. Maintenir l'histoire et les rumeurs à mon égard n'arrangerais rien au fil du temps. Ils viendraient certainement un jour me défier, voire plus... Après tout, je leur ressemblait beaucoup, mais j'étais à la fois très différente.
Après plusieurs années d'absence, je retrouvais la montagne et le lac qui m'avaient vu naitre, et constatai alors que la ville en face n'avait fait que croitre... Heureusement, elle et ses patients ne venaient pas faire le tour du lac, mais tout s'était étendu, avait pris de l'ampleur. Je pus apercevoir une chose nouvelle, qui malgré moi, attira toute mon attention : une sorte de pont qui traversait le lac et continuait par delà la montagne. Ce n'était pas un pont comme les autres, il était fait de bois et de métal, conduisant un serpent de fer rouge et noir, semblable à ces machines qu'ils appelaient « voiture ». Alors que je m'installai sur le sommet de l'un des arbres de la montagne, je regardai attentivement la scène sous mes yeux. Un groupe d'hommes se tenaient de part et d'autre du pont, criant des instructions que je ne comprenais pas vraiment, tandis que d'autres étaient à l'intérieur de la bête de fer qui traversait lentement le lac.
Je m'approchai davantage en prenant soin de ne pas être vue et tendis l'oreille pour mieux comprendre de quoi il s'agissait. Ils appelaient cette machine nouvelle un « train » et cet étrange pont « voie ferrée ». Ils parlaient également de « gare » ainsi que de « passagers », et je compris enfin à quoi servait tout ce remue ménage. Les humains avaient construit une route spéciale qui laisserait passer des trains au dessus du lac afin de connecter les villes entre elles. Ces trains feraient voyager les humains de ville en ville en leur offrant une belle vue durant leur trajet.
Je trouvais ça stupide, mais j'imaginais que pour les humains, c'était quelque chose d'utile et qu'ils y gagneraient de leur précieuse espérance de vie au lieu de contourner le lac. J'avais l'impression de ne jamais pouvoir comprendre ce qu'un humain pouvait ressentir.
En écoutant davantage les conversations des humains près du train, je compris qu'il envisageaient de faire la première traversée de ce dernier le lendemain. Plusieurs passagers prendraient place à l'intérieur du train pour se rendre à la ville voisine. J'avais intérêt à ne pas rester trop près de la voie ferrée lors de son passage... Après avoir attentivement écouté ces quelques information, je m'en retournai à la montagne en espérant trouver un peu de calme au pied d'un arbre.
Le soleil tournait petit à petit, et commença bientôt à se coucher, embrassant les sommets enneigés. Adossée contre un grand sapin, les jambes repliées sur l'herbe fraiche, j'écoutai paisiblement les oiseaux chanter, réfléchissant à ma propre vie, passée, présente et future. Plus le temps passait, plus je me rendais compte à quel point ma vie était devenue ennuyeuse, lente, et vide de sens... Les humains prenaient de plus en plus de terrain, limitant mes mouvements les plus minimes sur la montagne. Pour moi, ils étaient comme un virus. Celui qui vous immobilise et vous déprime, celui qui fait de vous une créature inerte, ne trouvant plus aucun sens à votre vie. Rejetée depuis mon éveil, je n'avais jamais trouvé de place possible auprès de cette espèce stupide.
Puis, je me rappelai de cette enfant. La seule qui ne m'avait pas qualifié de monstre mais d'ange... Elle avait du grandir depuis la dernière fois. Elle avait du devenir comme les autres. Bêtes, avares, cupides, orgueilleux... Tels étaient les humains. Mais même en sachant cela mieux que quiconque, je gardait espoir en cette petite. Cette flamme que je voulais protéger tant bien que mal en vue de ma situation. Je ne voulais pas qu'elle s'éteigne.
VOUS LISEZ
L'Ange du Lac
ParanormalIl fut un temps, dans une ville comme les autres, une rumeur parlant d'une créature régnait sur le lac qui longeait cette même ville. Une femme aux yeux clairs et lumineux, à la chevelure sombre tel le noir de la nuit, et aux ailes noires si grande...