Un jour comme les autres, au bord du lac, une biche se désaltérait par cette chaude journée d'été. Non loin de là, se tenait la petite ville d'Orilon, au pied de la montagne. Malgré le bon coeur des habitants de cette ville, je n'y étais pas la bienvenue. Moi, créature surnaturelle, à la fois proche et éloignée de l'Homme, j'étais crainte de tous, et persécutée par les autorités. Oui, j'étais recherchée. Pour avoir sois-disant volé la vie à bien d'entre eux, pour assouvir à ma soif de sang inexistante. J'étais une hors la loi pour quelque chose que je n'avais pas commis...
Je n'étais jamais entrée en contact avec un humain, je ne parlais pas beaucoup, et je n'avais aucune idée de comment ces êtres pouvaient penser. Abandonnée depuis ma plus tendre enfance, j'ai toujours vécu dans ces montagnes, de l'autre côté du lac, en paix, cachée, et silencieuse. Ce qui effrayait les humains, c'était bien l'inconnu. Mes ailes sombres et mes yeux anormalement clairs pour eux étaient l'image parfaite d'un monstre envoutant, qui ne cherche qu'à se jouer de la vie d'autrui. Mais je n'étais pas comme ça. Malgré tout le mal qu'on avait pu me faire, je n'ai jamais eu besoin d'avoir recours à la violence, ou même à la vengeance. Tout ce que je voulais, c'était vivre paisiblement, seule, sans problème ni responsabilité.
Laissant trainer mes grandes ailes noires derrière moi, marchant entre les arbres pour arriver près de l'eau, je respirai un grand coup avant de venir tremper mes pieds nus sur les petites vaguelettes. Là où les biches venaient habituellement boire, à quelques dizaines de mètres plus loin au bord de l'eau, se trouvait une petite famille humaine. Je prenais soin de rester cachée, et observai les trois personnes déjeuner sur l'herbe, à l'ombre d'un arbre. Un père, une mère et une jeune enfant : quelque chose que je n'avais jamais eu. L'enfant était la seule qui attirait toute mon attention, elle qui s'agitait dans tous les sens après chaque bouchée, qui s'amusait à aller voir çà et là. Ses parents étaient moins sereins en la voyant s'éloigner de trop vers la forêt.
Lassée de les voir se chamailler, je détournai la tête vers l'eau à mes pieds. Depuis quelques années déjà, je ne me montrais plus aux alentours de le ville, alors les familles et amis s'aventuraient plus dans la forêt et autour du lac. Comme si la menace que j'étais pour eux avait disparue. Au moins, j'étais tranquille.
Alors que je me relevais pour quitter le bord du lac, je sentis quelque chose me retenir la manche de ma tenue. Surprise, je me retournai pour voir ce qui m'empêchait d'aller plus loin, et c'est à ce moment que je croisai le regard noisette de l'enfant. Elle me regardait avec de grands yeux pétillants, sa petite bouche rose entrouverte indiquant son émerveillement. Son regard passait de mes ailes à mes yeux, sans pour autant bouger ou émettre le moindre son. Moi, je restai figée. Comment cette petite m'avait-elle vue ? Ses parents étaient-ils près d'ici ? Que faire à présent ?
— Dites, madame, dit alors la petite. Vos ailes, ce sont des vraies ?
À ce moment, je n'avais pas compris ce qu'il m'arrivait, et je restai là, presque pétrifiée devant cette enfant inoffensive. Elle insistait sur la prise de ma manche et me fixait de ses grands yeux, attendant que je lui réponde. Mais comme je n'avais jamais vraiment parlé à un humain au paravant, je ne savais pas comment me comporter, surtout face à un enfant de son âge. Elle ne devait pas avoir plus de dix ans... et elle tenait la manche de l'habit d'une créature ailée, dans une forêt et éloignée de ses parents. Était-elle courageuse ou complètement insouciante ? Ne sachant trop quoi faire, je lui dit d'une voix hésitante :
— Tu ne devrais pas être ici...
Elle continuait de me regarder, sans lâcher ma manche. Puis, ces petits sourcils fins vinrent se tordre et elle me demanda :
— Pourquoi ?
Son incompréhension se lisait parfaitement à l'expression de son petit visage.
— C'est dangereux, lui répondis-je en baissant la tête vers elle. Tes parents vont se faire du soucis. Tu ne dois pas m'approcher.
— Pourquoi ? Vous êtes un ange pourtant, non ?
Un ange ? On ne m'avais jamais dit une chose aussi tendre. Pour la première fois, on ne me traitait pas de monstre, mais bien d'ange. Je me sentais gênée, et je ne savais plus où me mettre.
— Je ne suis pas un ange-, mais je fus coupée.
— Élie !
C'était le père qui venait d'arriver près de nous, s'écriant de peur, voyant sa fille si proche de moi.
— Élie, éloigne toi ! s'écria la mère en se précipitant vers l'enfant, qui ne comprenait pas pourquoi ils criaient.
Prise de panique, je me reculai brusquement, faisant lâcher la petite qui tenait toujours ma manche. La mère en profita pour saisit son enfant et l'éloigner de moi, pendant que le père s'apprêtait à m'envoyer une pierre au visage. J'esquivai le projectile avant de prendre mon envol dans un grand battement d'aile et m'enfuir vers la montagne. Du coin de l'oeil, j'aperçus le père courir vers sa femme et sa fille et partir de là où ils étaient venus.
Pourquoi fallait-il toujours que les humains soient aussi violants envers moi...? À chaque fois, c'était la même chose. Des insultes, des pierres ou des branches, des cris, parfois même des pleurs... Faisais-je vraiment si peur ? Cette petite fille n'avait pourtant pas l'air de penser de cette manière.
En arrivant plus haut sur le flanc de la montagne, je me posai sur l'un des plus grands arbres, sur lesquels je passais mes nuits, et repris mon souffle pour calmer mon pouls. En regardant entre les branches d'arbres, je pus voir la ville de l'autre côté du lac, là où ces parents et leur enfant devaient se diriger à la hâte pour rentrer chez eux... Devais-je songer à partir d'ici ? Quitter le lac... jamais. J'étais née sur cette montagne, j'y resterais jusqu'à la fin. Même si l'Homme me méprise, la montagne est ma maison, ma famille, ce qui m'est cher, et ce que je protège. J'étais là bien avant que ces humains ne s'installent au bord de cette eau. Je ne quitterais pas ma maison, non, jamais.
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Voici pour la mise en bouche 😊
À suivre...
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L'Ange du Lac
ParanormalIl fut un temps, dans une ville comme les autres, une rumeur parlant d'une créature régnait sur le lac qui longeait cette même ville. Une femme aux yeux clairs et lumineux, à la chevelure sombre tel le noir de la nuit, et aux ailes noires si grande...