16 - Lyra -

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Lyra avançait sans bruit. Les muscles tendus, les doigts ressérés autour de son arc, elle progressait au milieu des arbres noirs. Il régnait dans la forêt un silence lourd qui pesait sur ses épaules comme un mauvais présage. Les hautes tours du palais de la Reine Noire semblaient transpercer le ciel. Un odeur d'humidité et de sang lui assaillit les narines. Elle y était presque. Elle s'arrêta à la lisière des arbres. Elle devrait ensuite avancer à découvert. Un escalier menait à une petite porte utilisée par les sentinelles pour rentrer et sortir de la forteresse. Lyra observa avec calme. Il y avait cinq hommes armés d'arbalètes postés sur les remparts. Lyra lut leur configuration cérébrale : des loups-garous. La guerrière prit une grande inspiration et ramassa un caillou. Avec précision, elle le lança à l'opposé de la porte. Avec des grondements sourds, les loups-garous s'éloignèrent en direction du bruit. Lyra s'élança immédiatement vers l'escalier. Ses pas ne faisaient aucun bruit sur la pierre humide. Elle gravit la vingtaine de marches qui la séparait de l'entrée. L'elfe posa sa main sur la serrure rouillée qui céda avec un claquement sec. Le couloir sombre sentait le moisi et la chair en décomposition. Elle s'arrêta un instant, à l'affut du moindre bruit. Rien. Elle n'aimait pas ça. À gauche, un escalier montait, à droite, un autre descendait. Ce qu'elle cherchait se trouvait sans aucun doute dans les souterrains. Lyra descendit les marches et se retrouva dans un long couloir faiblement éclairé par des torches. Un éclat de voix la fit sursauter. Elle se plaqua dans un renfoncement du mur, ne faisant plus qu'un avec les ombres. Deux hommes passèrent. Elle reconnut Vadim, un vampire autrefois contre la Reine Noire. L'homme qui l'accompagnait était un magicien.

- La fille est arrivée.

- Depuis le temps que je rêve de passer à l'action et de tuer ce misérable magicien blanc...

Lyra sentit son coeur bondir dans sa poitrine. Ainsi donc, elle ne s'était pas trompée. Dès qu'ils furent hors de sa vue, elle reprit sa descente dans ce qui lui semblait être les entrailles de la terre. Une deuxième porte massive et quelques dizaines de marches plus bas, Lyra trouva enfin ce qu'elle cherchait. Elle resta un instant figée sur place, la gorge nouée. Ses yeux se remplirent de larmes chose aussi étrange qu'inhabituelle pour une elfe, de plus guerrière. Elle n'arrivait pas à le croire. Elle ne pouvait pas croire que cet homme enfermé dans la cellule sombre et sale devant elle soit son ami et confident qu'elle aimait comme un frère. Elle regarda avec une peine et une rage intense les paupières closes, la peau sale, le corps décharné recroquevillé sur le sol. Que lui avait-on fait ? Elle l'avait cru libre et heureux pendant tout ce temps. Avec sa femme et sa fille, menant une existence paisible sur Terre. Il entrouvrit les paupières, dardant sur Lyra ses yeux aussi bleus que ceux de sa fille. L'elfe se rapprocha des barreaux d'acier qui la séparaient de lui.

- Lyra ? murmura-t-il d'une voix éraillée, à peine audible.

- Jake...

- Ma fille...

Lyra hocha la tête, souriant à travers les larmes qui dévalaient désormais sans retenue ses joues. Jake referma les paupière et ses lèvres desséchées s'étirèrent dans l'ébauche d'un sourire. Elle voulut lui dire qu'elle ne l'abandonnerait pas, qu'elle reviendrait, qu'elle l'aimait plus que tout, mais aucun son ne sortit de sa gorge. Le coeur au bord des lèvres Lyra s'enfuit avec le sentiment de culpabilité le plus fort qu'elle ait jamais connu.

Chroniques d'Outre Monde : la Pierre d'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant