Chapitre 2

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Après avoir fini la vaisselle, Piper remplit son sac à dos de toutes sortes de bonnes choses : sandwichs, fruits, barres de céréales... Elle y ajouta son iPod, une paire de chaussettes propres ainsi que son portable et une veste de jogging. Lunettes de soleil sur le nez, Piper faisait le pied de grue derrière la porte d'entrée bien qu'il ne soit que 10h45. Pour faire passer le temps, elle observait par la fenêtre Jules et Timothé, ses deux voisins de 7 et 5 ans, qui faisaient une partie acharnée de badmington dans leur jardin. Tout se déroulait parfaitement normalement jusqu'à ce que Timothé (le plus jeune) envoie malencontreusement son volant dans le jardin de Piper. Sur le vieux platane. En plein sur le corbeau qui commençait à s'ennuyer ferme. C'est à ce moment là que les choses commencèrent à dégénérer. C'est aussi à cet instant que Piper remarqua qu'il était trois fois plus gros qu'un bon vieux corbeau standard. Et qu'il avait vraiment l'air furax. Indigné, l'imposant volatile déplia ses ailes et descendit en piquée, droit sur Timothé qui ne put pousser qu'un hurlement de chaton quand il fut soulevé et emmené à 5 mètres du sol.

- Ne refais plus jamais ça, compris ? hurla le corbeau de sa voix croassante.

Terrifié, Timothé se tortilla comme un vers, arrachant des touffes de plumes à l'oiseau furieux. Sans savoir comment, Piper se retrouva dehors à menacer du doigt le corbeau, qui commençait à être sérieusement déplumé :

- Toi là-bas, cria la jeune fille pour couvrir les hurlements du petit garçon, lâche le tout de suite !

Tout le monde se tut et Timothé arrêta momentanément d'arracher des plumes au corbeau en criant. L'oiseau tourna sa grosse tête soyeuse vers Piper et plissa les yeux.

- Très bien Élue, dit-il, je le lâche.

Et avec un ricanement digne des meilleurs films d'horreur, il ouvrit ses serres et laissa tomber le petit garçon. Piper poussa un cri et tendit la main. Retenant un hoquet de stupeur, elle vit, à la place du corps inanimé auquel elle s'attendait, Timothé suspendu à environ cinquante centimètres du sol, riant aux éclats. C'était dingue. Une idée folle lui traversa l'esprit. Et si... La jeune fille n'avait pas bougé la main. Elle la leva de quelques centimètres et le petit garçon s'éleva aussi ! À la fois terrifiée et fascinée, Piper abaissa lentement sa main jusqu'à ce que Timothé, rapidement remis de ses émotions, touche le sol le sourire aux lèvres en une touffe de plumes à la main. Piper resta un instant bouche bée, fixant sa main, fixée elle aussi par le corbeau tout aussi stupéfait. Soudain, Jules, qui n'avait pas dit un mot depuis l'envol de son frère se mit à hurler :

- MAMAAAAAANNNNNN !!!!!!!!!!!!!

Piper et le corbeau se figèrent, sauf que le corbeau s'aperçut vite qu'il ne pouvait pas rester en l'air sans battre des ailes. Avec un croassement, il réussit de justesse à se maintenir en l'air. C'est alors que Mme Lemoine, la mère des garçons, fit son apparition. Affolée par les cris de son fils aîné, elle déboula sur le perron. C'était un drôle de spectacle que cette grande femme rousse toute inquiète, les lunettes de travers et des aiguilles à tricoter dans une main tandis que dans son salon, sa pelote de laine se déroulait lentement au rythme de sa course. Tout à coup, elle trébucha sur le paillasson et s'étala dans l'herbe. Avec un grognement, elle se releva avant de tomber nez à nez avec le corbeau qui avait finalement décidé de se poser sur la clôture. Mme Lemoine poussa un hurlement terrifié avant de reculer. C'est là qu'elle se prit de nouveau les pieds dans le paillasson, à l'envers cette fois, et tomba dans son hall d'entrée avec un bruit sourd. Piper vit trois choses passer dans le ciel et atterir dans le jardin : une charentaise, une chaussette à moitié tricotée et une paire d'aiguilles.

- Elle s'est encore assomée, constata Timothé avec un soupir en jetant une poignée de plumes en l'air.

Le corbeau regardait avec dépit ses belles plumes entre les mains du petit garçon. Un gémissement en provenance du hall d'entrée leur appris que Mme Lemoine se réveillait. Après s'être remise debout, elle considéra avec étonnement ce qui se passait dans son jardin : Jules n'avait pas bougé d'un millimètre, sa raquette à la main, Timothé s'amusait avec les plumes du corbeau tandis que ce dernier regardait avec un air desespéré quasi humain ses plumes arrachées. Quand à Piper, elle fixait si intensément sa main qu'on aurait dit qu'elle voulait la trouer avec les yeux. Mme Lemoine ouvrit la bouche pour demander des explications mais son fils aîné la devança :

-Timothéaenvoyélevollantsurlecorbeau
quil'aprisentresesserresetl'aemmenédanslecieletPiperestarrivéeetlecorbeaul'alâchéetPiperl'amaintenuenl'airavecsamain.

- Je ne comprends rien Jules. Piper peux-tu m'expliquer ce que signifie... tout ça ?

Piper s'éclaircit la gorge avant de sortir le plus gros mensonge qu'elle ai jamais dit de sa vie :

- Vos fils jouaient au badmington quand le vollant a percuté cet adorable corbeau qui passait au dessus de votre jardin. Le pauvre oiseau est tombé sur Timothé qui lui a (sans faire exprès bien sûr !!!) arraché quelques plumes. Mais ce corbeau ne ferait pas de mal à une mouche, j'en suis sûre !

Sur ce, elle s'approcha du corbeau et lui tapota la tête. Pour que Mme Lemoine gobe l'histoire de Piper, l'oiseau resta sagement sans bouger. Peu convaincue, la femme finit tout de même par rentrer chez elle en tirant ses deux fils par la main. Soulagée, Piper s'appuya sur la clôture en soufflant.

- On l'a échappé belle, grogna le corbeau. Qu'est-ce qui t'as pris de me tapoter la tête ?! Je suis pas une saleté de caniche !

- Désolée, mais tu voulais qu'on se fasse prendre ? Tu n'avais qu'à proposer autre chose si tu te crois si malin !

- Ça va...

Piper ferma un instant les yeux. Un corbeau qui parle ! Dingue mais réel ! Elle venait de parler à un oiseau et pouvait faire des... des trucs avec sa main. Plongée dans ses pensées, elle ne vit même pas le corbeau s'envoler à tire d'ailes.

Chroniques d'Outre Monde : la Pierre d'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant