ichi

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dans un soucis d'immersion et de style, j'ai décidé de conserver des termes japonais dans le texte, ils sont en italique. je vais définir certains de ces mots dans un commentaire associé à sa ligne afin que vous puissiez comprendre de quoi on parle!

si vous préférez lire en anglais, la fiction traduite est publiée sur ao3, au même nom, sur le profil "Ninaut"! elle est ajoutée en lien dans ma bio! bonne lecture <3



La mer était criblée de symbolismes.

Liberté, infini, mort, origine, vie.

Ses vagues et ses flots, régies par l'astre de la Nuit, rythmaient les berceuses.

Jeongguk se souvient comme les comptines de papa, assis sur le bord du matelas, coinçant la couette sous sa fesse comme pour border le garçon, étaient peuplées de récits sur les mers. L'infini le faisait rêver.

Et puis, Oncle Hiroshi, qui adorait poser son œil bigleux sur les documentaires des fonds marins en dévorant ses sushis de fast-food, glissant ceux qu'il était sûr que Jeongguk aimerait sur l'assiette du garçon. Puis, il tapotait ses baguettes sur la céramique pour que l'enfant, ramolli par la chaleur du kotatsu et fasciné par les ballets de sardines, remplisse son estomac.

Fruit de cette contrée où la mer borde toutes les terres, il semblait évident que Jeongguk soit attiré par ses étendues. Dès ses 7 ans, il s'était retrouvé dans l'embarcation brinquebalante de Yuuko, la vieille amie de son oncle, qui pêchait pour égayer sa retraite.

Aveuglé par le multicolore des bouées, des seaux, des filets, des cabas, des paniers, des imperméables, le gamin enroulait les deux bras autour de la corde fixée sur la tôle de la timonerie dans une peur au ventre.

Et puis, les deux pieds sur terre, Yuuko essuyait son visage trempé par la pluie et les flots ; et les poumons iodés, il déblatérait sans souffle la vilaine envie d'y retourner, et est-ce qu'il pourra pêcher lui aussi ? Est-ce qu'il peut toucher les poissons ? Est-ce que ça mord ?

Et le premier poisson pêché, le premier vidé, la première friture, le premier mal de mer.

Mer l'avait adoptée.

Il était passé du quai au bateau puis de la corde à la proue, et du filet au marché, de la paperasse aux boxes et du chariot élévateur aux planches à découper. Et aujourd'hui, du haut de ses 27 ans, Jeongguk était coincé entre deux comptoirs et il préparait toutes ces créatures de la mer pour les chefs et leurs commis venant récupérer l'or de leurs mets.

Le marché professionnel de Toyosu avait des airs de bazars aseptisés avec ses cuves aussi colorées que sur le bateau de Yuuko, ses néons blancs, ses milliers de caisses de polystyrène criblés de caractères au feutre rouge. Puisque Jeongguk enlaçait plus de boîtes que d'hommes, l'encre se retrouvait toujours sur le laiteux de ses bras après sa fin de journée. Parfois, l'empreinte était si nette où l'encre avait été si fraîche qu'il portait la marque du bétail, un simple nom de région cerclé d'un rond parfait. Et sous la pression impardonnable de son pommeau de douche, le garçon cultivait le malin plaisir à la voir s'effacer et ramper jusqu'au creux de ses poignets, jusqu'au bout de ses doigts pour disparaître dans l'évacuation de la baignoire.

Il retrouvait parfois aussi, dans le plis ou le revers d'un gilet, l'un de ces innombrables post-it jaune portant l'adresse d'un restaurant et un numéro de place de parking. Alors il se représentait avec une précision inquiétante la localisation de la place tant la perfection qu'il convoitait l'avait poussé à connaître le plan du parking sur le bout des doigts. Rien de toutes les technologies qui l'entouraient ne l'y avait forcé, mais la peur de faire mal, d'échouer, et la secrète envie d'un compliment, oui. Et même si cela faisait un an maintenant qu'il avait délaissée l'adrénaline stupide de ces chariots aux 12km/h pour les bassins d'eau, le quadrillage du parking s'était gravé dans son esprit.

UMAMI. ::jikookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant