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Il était compliqué à Toyosu de dissimuler les liens qui se tissaient entre eux. Ils retrouvaient le vouvoiement, les manières de commerciaux bien que les sourires secrets qu'ils s'échangeaient restaient faciles à déchiffrer. Quand ils étaient dans un recoin faussement discret, Jimin posait une main ici, Jeongguk déchiffrait ses paroles directement dans ses lèvres et la simple présence du chef appelait sa plus crue personnalité à faire surface.

Il était compliqué dans son lit, de ne pas penser à Jimin. Dans les transports sur le trajet pour la maison, aussi. Un peu là, et par ici aussi. Ce maudit Park Jimin était partout.

Il existait dans le magasin d'airsoft sur le chemin entre la bouche de métro et son immeuble, car Jimin lui avait confié qu'il adorait et qu'il avait pour habitude d'en faire quelques parties avec des amis avant l'ouverture du restaurant. Jeongguk se demandait qu'est-ce que ça faisait, d'être cerné par la mire de Park Jimin, puis s'était dit qu'il connaissait peut-être la réponse.

Il existait aussi dans les bottines en cuir à petit talons que Jeongguk voyait partout en cette fin de printemps. Le chef devait bien en avoir deux-trois paires, une avec une espèce de harnais, l'autre avec un élastique et celle en cuir simple qu'il portait le plus souvent. Comme si sa démarche avait fait l'objet d'une éducation aussi rigoureuse que le façonnage du riz, il marchait avec une grâce et une précision digne d'un mannequin. Peut-être étaient-ce ces cours de service et d'hôtellerie, ses premières années d'école. Dans tous les cas, tout était si musical, Jimin était un orchestre à lui seul, ses bijoux tintant comme des fūrin, ses talons martelant le sol, et sa voix plus apaisante qu'un koto.

Il existait dans l'annonce de l'automne et les couleurs de ses feuilles.

Il existait dans les parfums, dans les touchers, dans les sons.

Il existait dans le gel que Jeongguk passait sur son genou après avoir couché avec Haru à la sortie du travail. Et peut-être que Jimin n'avait jamais autant existé que dans son union animale avec l'homme.

Haru était allongé dans les draps, une fine pellicule de transpiration le faisait luire et il avait posé une main sur le bas du dos du jeune homme.

Jeongguk se sentait plus à fleur de peau qu'à son habitude. L'engourdissement de l'orgasme fourmillait toujours sous sa peau mais il ressentait parfaitement l'invasion du malaise en métastase. Avec le bout de ses doigts, il se massait sous le genou, et puis autour et bien que ses grands yeux eût été dans le vide, les cercles répétitifs lui donnaient le tournis. Il y avait quelque chose qui l'empêchait de respirer plus fort, et une autre chose au fond de sa gorge. Alors il tournait, tournait, les doigts autour du genou comme pour faire disparaître le mal-être.

"Tu as mal ?"

"Hm."

"J'ai l'impression que tu ressors toujours estropié quand on baise."

Le noiraud eut un petit rire soufflé, il sentit des doigts grimper le long de son dos jusqu'à ce qu'ils pincent les cheveux humides dans sa nuque. L'odeur de menthe du gel embaumait petit à petit la pièce et travestissait l'odeur du sexe.

Peut-être que c'était la fatigue de ces derniers jours, ses après-midi étant des morceaux de ses nuits, passées sur son téléphone dans une discussion avec Monsieur Park Jimin. Peut-être que c'était qu'il n'avait plus le même appétit depuis quelque temps. Peut-être que c'était les balades avec le chef, peut-être que c'était l'avertissement de Rena, peut-être que c'était les remarques homophobes de la dernière fois, peut-être que c'était le vernis qui avait disparu du pouce de Jimin depuis quelques semaines, peut-être que c'était Haru, peut-être que c'était juste lui.

UMAMI. ::jikookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant