Le poison du Yao Ren

Chapitre 6

oOoOoOoOo

Telle la brume, la fumée emplissait la spacieuse calèche, et le parfum chaud s'épaississait.

Bai Tan était nonchalamment allongé sur la banquette. Une pipe dans la bouche, il inhalait et exhalait des volutes de fumée avec insouciance. Il avait résolu un problème énorme et délicat ; de fait, même si les jours à venir n'étaient sans doute pas exempts de soucis, le feu qui aurait pu le brûler n'était plus une menace.

Cela concernait plus particulièrement la peinture sur peau humaine que Wu Yanfu avait cachée dans la poignée de Shi Yue.

Celle-ci était un portrait de Vishnu, mais ses mystères n'étaient pas simplement cachés en surface.

Si elle était inspectée de plus près, tenue à la lumière avec une loupe après avoir été immergée dans l'eau, il était possible de remarquer que le siège en forme de lotus sous Vishnu cachait une salle céleste. Imitant le paradis dont il rêvait, celle-ci avait été construite des centaines d'années plus tôt par un des rois de Tian Zhu sur son lit de mort. Il était regrettable que la salle ait été détruite par une avalanche peu de temps après son achèvement et qu'elle n'ait plus jamais été revue.

Selon l'artisan qui avait réussi à s'échapper, d'innombrables trésors y étaient enterrés. Et, parmi eux, le plus précieux était un chakra en or incrusté d'un "Oeil de Vishnu". La rumeur disait que l'objet était capable d'absorber et d'utiliser les pouvoirs du soleil et de la lune.

Avec une telle arme en sa possession, son détenteur devenait invincible ; capable de perturber le flux de la vie, et de contrôler cette dernière ainsi que la mort.

Depuis que son cruel père avait transmis la carte au trésor à Wu Yanfu, lui ordonnant de trouver la salle, d'innombrables conflits étaient nés au sein du Wu Lin [1]. Il avait perdu le compte du nombre de personnes qui avaient essayé de voler cet objet ; néanmoins, qui était capable de vaincre Wu Yanfu, l'homme le plus fort de tous les royaumes occidentaux ? Ceux qui avaient essayé étaient soit décédés d'une mort horrible, soit repartis les mains vides.

Wu Yanfu était loin d'être stupide ; et encore moins prêt à se laisser devenir une cible facile pour la population.

C'était la raison pour laquelle il avait extrait la carte au trésor de la poignée de Shi Yue et l'avait brûlée devant tout le monde. Ceux qui avaient assisté au spectacle avaient été atterrés ; leurs yeux s'étaient écarquillés et ils en étaient restés muets. Même la mâchoire de Li Wuzhang s'était décrochée sous le choc.

Leurs réactions avaient donné envie de rire à Bai Tan.

La carte au trésor n'existait désormais plus que dans sa mémoire.

Observer et ne rien oublier était sa plus grande capacité.

Ce n'était qu'en s'appuyant sur cette capacité qu'il avait pu apprendre secrètement les arts martiaux à partir du Cang Jing Ge [2]. Cela lui avait permis d'ouvrir les deux canaux méridiens de Ren et Du [3] par lui-même. Après dix ans de dur labeur et un apprentissage dans le plus grand secret, il avait ainsi acquis une lueur d'espoir.

— Wu Yanfu, Wu Yanfu, tu ne devais pas t'attendre à ce que je bénéficie des secrets de la carte que tu as mis des années à découvrir. Si tu venais à l'apprendre dans le monde souterrain, ton âme se disperserait sans doute sous la colère, n'est-ce pas ?

Perdu dans ses pensées, Bai Tan marmonnait tout seul. Cependant, à un premier sentiment de joie suivit une pointe de malheur. C'était comme s'il avait perdu quelque chose, et le tout était surmonté d'une tristesse inexplicable. Ses émotions étaient contradictoires et compliquées. Il se convainquit que cela était dû au fait que son ennemi ne pouvait le voir se réjouir de son succès, puis tira une bouffée de sa pipe et la recracha ; il n'y réfléchirait pas davantage.