Le Journal de Jade : Un appel à la résistance

Chapitre 7 : L'engagement

Deuxième Partie 

Samedi 01 juillet 2017,

« Et si l'engagement donnait vie à notre âme ? Notre âme ne ferait qu'exister jusqu'à ce qu'on s'engage. Un engagement amoureux, artistique ou humain redonne le souffle, l'envie du risque, l'envie de vivre. » Jade Morgan.

Cinq mois après la découverte de ces secrets, tout semble être arrangé. Notre relation amoureuse existe mais seulement les volets fermés. Notre vie est une constante pièce de théâtre. Dès que le soleil se lève, nous ouvrons les volets de nos chambres respectives, lits défaits sans même y avoir mis les pieds. Il ne doit y avoir aucune trace d'une nuit, d'un baiser. Même nos amis ne doivent pas être au courant par peur d'un dérapage, mais cela me convient. Cependant, je pense que quelques-uns s'en doute. Afin que cette relation fonctionne, nous avons posé nos bases : l'honnêteté, le respect et l'amour. Après les évènement passés, je veux m'assurer de ne pas repartir dans ces mensonges et ces silences, surtout lorsqu'on doit œuvrer à deux pour que cela reste secret.

Cela ne nous a pas empêché de commettre des erreurs en cinq mois. La dernière date de quelques semaines. En plein processus de composition dans son espace musical, nous travaillions depuis des heures sans trouver la mélodie de notre prochain duo. Au piano, je lui proposais un énième accompagnement, une énième mélodie mais nous étions au bout de nos capacités attentionnelles. Em s'amusait à saboter tous mes élans créatifs en improvisant n'importe quoi à la guitare comme une enfant assise en tailleur au sol. Frustrée, j'ai tenté de lui arraché la guitare des mains, guitare qu'elle a retenu contre elle à m'en faire tomber du tabouret. Cette chute a initié son rire si puissant et sans fin. A coup de chatouillis j'ai réussi à me saisir de cette guitare pour la poser à côté de moi alors qu'elle me fixait du regard. Nos rires se sont stoppés et mon regard a glissé de ses yeux noisette vers ses lèvres rosées. Ses lèvres se sont approchées de moi cédant à un baiser trop langoureux. Le problème, c'est qu'il s'est effectué face à ces grandes vitres du premier étage. Un lieu où un journaliste avec un zoom assez puissant pouvait capturer et immortaliser vicieusement ce baiser interdit. C'est l'inconvénient de la notoriété, tout ce qu'on fait doit être contrôlé et nous avons fauté. Ce qui explique de plus en plus la personnalité d'Emelia.

Aujourd'hui, l'album est terminé et est même sorti sur les plateformes dont notre duo, « shining star ». Je devrais rentrer en France et pourtant, je m'apprête à partir en tournée nationale dans quelques jours avec la troupe d'Em. En tant qu'artiste, c'est bien plus agréable de travailler avec elle que ce que je pensais au début. Que ce soit avec moi comme avec l'équipe et les musiciens qui l'entourent. Si Emelia est intransigeante, c'est avec elle-même avant tout. Son perfectionnisme nous amuse plus qu'autre chose avec l'équipe. Un soir où nous devions quitter à 20h maximum, nous sommes restés jusqu'à 23 heures regardant Emelia, dans sa cabine, tentant de chanter « parfaitement » une phrase de sa chanson. Son ingénieur du son, Oli Feder, avait beau tomber amoureux d'une prise, ce n'était pas assez pour Emelia. Elle répétait :

― Non. C'est pas ce que je veux. Je veux que le rendu soit lisse entre la douceur du début, le crescendo vers la force pour finir dans un vibrato harmonieux. Je veux que cette phrase soit la transition qui emmène l'auditeur dans ce début de tempête vers la puissance qui l'entraînera au dernier refrain.

Non, elle n'a pas changé. Son discours commence toujours par « je veux ». Cependant elle a réussi à obtenir ce qu'elle voulait et ça valait la peine d'attendre. Je ne comprends toujours pas comment elle peut replacer l'émotion juste dans sa phrase lorsqu'elle l'a répété tant de fois sorti du contexte de la chanson. Si je faisais la même chose, Oli n'aurait qu'une voix de robot à mixer.