Chapitre 3

804 65 47
                                    

C'est la première fois que je ressens un truc pareil. Ma première rencontre avec Edward n'a pas été aussi intense en émotions. 

J'étais étudiante en deuxième année de licence en psychologie à l'université de Paris. Comme à mon habitude, je rentrais chez moi en métro après une dure journée de cours. Je n'ai jamais aimé prendre ce transport, bien qu'il soit efficace pour se déplacer dans la capitale sans se retrouver piégé dans les bouchons quotidiens. Ce que je détestais le plus étaient les "pisteurs" comme nous les appelions avec Mad. Ces chasseurs de femmes, dont les techniques d'approche laissaient à désirer, étaient notre ennemi numéro un.

Ce soir-là j'ai été victime de l'un d'eux. D'habitude debout essayant de ne pas m'accrocher sur la barre métallique remplie de microbe, je me suis cette fois-ci assise sur un siège pliable du métro à côté de la porte. La fatigue avait eu raison de moi. Je me souviens qu'il faisait chaud. En plus de la pollution, l'air était devenu vite étouffant. J'étais vêtue d'une robe rouge à fleurs avec des chaussures ouvertes plates. Affalée sur le siège les jambes croisées, je ne me suis pas rendue compte qu'une partie de mon sous-vêtement se voyait. Un bel inconnu blond se place devant moi en me regardant. J'ai commencé à me dire qu'il voulait me draguer comme beaucoup d'autres ont déjà tenté dans ces lieux souterrains. Il n'avait pourtant rien de ce genre. Il était habillé en smoking bleu nuit, avec la cravate desserrée et son blazer posé sur le bras. Il avait l'air d'avoir lui aussi passé une longue journée. Je l'ai regardé à mon tour d'un air interrogateur. Il a détourné les yeux pour me faire comprendre de regarder derrière lui. Je me suis penchée doucement sur le côté pour voir ce qu'il se passait. Le flash du téléphone de l'homme en face de moi était encore allumé. Il venait juste de le redresser. J'ai alors compris. L'individu répugnant qui a raté son coup essayait de prendre une capture de mon intimité. Je suis restée sans voix. Malgré mon silence, Edward est resté debout entre l'individu et moi en plein milieu du wagon. Il essayait de ne pas perdre l'équilibre à chaque fois que le métro tournait. Quand je me suis levée à l'annonce de ma station, je me suis retrouvée face à lui. Il a tenté de briser la glace. 

- Voulez-vous que je vous raccompagne ?

- Vous n'attendez pas de sortir à votre station ? avais-je répondu un peu gênée.

- Je l'ai déjà raté, avait-il affirmé avec un sourire en coin.

J'ai su à ce moment précis que cet homme pouvait me rendre heureuse. Ce bel inconnu dont je ne connaissais ni le nom, ni la situation. Il aurait très bien pu être marié mais j'ai quand même pris le risque de sortir boire un verre avec lui. Nous avions passé une merveilleuse soirée à parler de tout et de rien toute la nuit. Après le rendez-vous, j'avais appelé rapidement ma meilleure amie Madison qui était à l'époque ma colocataire. Elle était tellement heureuse que je rencontre enfin un homme digne de ce nom, aussi gentil et attentionné avec moi. Après l'avoir vu plusieurs autres fois, nous avons commencé à sortir ensemble. Il m'a avoué qu'il était tombé amoureux et j'ai fait de même. 

Je me rends compte à présent qu'être amoureuse est un bien grand mot. J'étais persuadée de l'être à cette époque et je commence aujourd'hui à me poser des questions. Serait-ce pour cette raison que j'étais dans la lune aujourd'hui ?

Ce que je viens de ressentir pour cet homme qui se tient toujours sur le porche en face de moi est différent des sentiments que j'ai pour mon compagnon. J'ai appris à aimer Edward au fil du temps mais l'attirance soudaine pour ce beau brun est irrésistible et incontrôlable. Je suis incapable de bouger. C'est comme s'il avait le pouvoir de Méduse, aussi immobile qu'une statue de pierre au moindre regard. Mon corps et mes pensées ne m'obéissent plus. J'essaie de relativiser en me disant qu'après tout, nous sommes humains. Il y a des réactions auxquelles nous ne pouvons pas nous attendre. Il faut juste savoir les contrôler. Plus facile de dire qu'à faire ma petite Gaby.

Il faut que je réagisse rapidement avant que quelqu'un nous remarque.

Le beau brun descend du porche, sans me quitter des yeux. Je commence à paniquer. Il s'approche de plus en plus avec un petit sourire au coin des lèvres qui me fait littéralement craquer. Je devrais reculer et mettre de la distance entre nous mais je suis totalement paralysée. Il finit par arriver à ma hauteur et me scrute avec attention. Je sens une once d'excitation surgir en moi. Bon sang, il faut que je me reprenne ... ce n'est pas bien !

Avant que je n'aie le temps de réagir, l'homme se redresse et me tend mon téléphone. 

- Vous l'avez fait tomber. 

Oh mon dieu. Je sens mes joues chauffer. J'ai dû avoir l'air pathétique à fixer cet homme la bouche grande ouverte tout en faisant tomber mon téléphone. Mes yeux quittent les siens pour me concentrer sur la main qu'il me tend.

- Tenez, il n'est pas cassé.

Qu'il l'ait été ou pas, je ne m'en serais pas préoccupée à cause de vous.

- Je... je ne m'en suis pas rendue compte, bafouillé-je, n'osant plus le regarder. 

- Oui, j'ai vu.

Il sourit toujours. La situation a l'air de l'amuser. Je ne sais pas vraiment s'il se moque de moi ou non. J'aimerais savoir ce qu'il pense là, tout de suite.

L'homme finit par se retirer tout en continuant à me regarder jusqu'à ce qu'il me tourne le dos. Je le regarde s'éloigner. Je prends conscience que mes yeux sont toujours rivés vers lui, mon téléphone en main. Il faudrait vraiment que je pense à le ranger avant de le faire tomber une seconde fois.

J'aperçois mon compagnon sortir de la tente et marcher dans ma direction. La culpabilité de mes pensées vient me ronger. Désirer un autre homme que lui est impardonnable de mon point de vue. Je ne savais pas avant aujourd'hui qu'il existait des sentiments difficiles à contrôler. Il va pourtant bien falloir.

- Tout va bien ma chérie ? me demande Edward après avoir déposé un rapide baiser sur ma joue.

- Très bien, j'étais au téléphone avec Madison. 

- Elle va bien ? Il y a un souci ?

- Non aucun. Je ne voulais pas interrompre votre conversation. 

Edward sourit. Décidément, ils n'ont pas le même sourire. 

- Ne dis pas ça, tu ne déranges personne voyons. Je me suis inquiété de te voir partir. J'ai cru que quelque chose n'allait pas. Bon, tu viens nous rejoindre ? Elisa et Marc ne vont plus tarder. 

- J'arrive. 

Mon compagnon me tend à nouveau son bras pour me raccompagner auprès de la foule. Je suis soulagée qu'il n'est pas vu ma rencontre avec l'inconnu du porche. Si c'est le cas, il a sûrement décidé d'en faire abstraction, loin de se douter de l'attraction invisible qui a chamboulé mon être.

J'ai l'impression que tout le monde me regarde, comme s'il y avait écrit "infidèle" sur mon front. Je ne peux m'empêcher de scruter les alentours, heureuse de savoir que ce n'est pas le cas. Ils sont pourtant loin de se douter que je viens à l'instant de vivre mon premier coup de foudre. 

Between you two [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant