- Maman, papa ! Je suis rentrée !
Personne ne me répond. J'avance dans la cuisine.
- Maman ? Papa ?
Toujours rien. J'enlève mes talons noirs brillants, les range dans le placard en bois en face de l'entrée et en sors mes doux chaussons à moumoutes aux couleurs claires. Un genre de beige foncé teinté de blanc et noir. C'est beaucoup plus confortable que les aiguilles ! J'enlève mon manteau en cuir et le pose sur une chaise que je place devant un des radiateurs, en dessous de la fenêtre qui se trouve à côté de la gazinière. Je me bats avec les barrettes à chignon pendant une bonne dizaine de minutes puis finis par toutes les retirer. Mes cheveux, encore attachés en queue de cheval, m'effleurent les épaules. J'enlève l'élastique. Libération ! Je me masse le cuir chevelu en fermant les yeux puis monte à la salle de bain pour les démêler. Je me démaquille et vais à la douche. J'en ai rudement besoin avec la journée que je viens de passer. Je laisse l'eau bouillante glisser le long de mon corps nu. D'abord sur mes épaules puis sur mes seins, mon ventre et pour terminer mes jambes. Je passe mes longs doigts dans mes cheveux et relève la tête pour que l'eau atterrisse sur mon visage. Je me lave, me rince puis éteins l'eau. Mais au lieu de sortir à cause de cette vapeur étouffante, je m'assis en repliant les jambes contre ma poitrine et me mis à pleurer. Encore et encore. Je me repasse la scène de sa mort en boucle. Je la vois encore là, enfermée dans les toilettes du bahut assise par terre. On voyait la semelle de ses converses dépassées par le jour entre le sol et le bas de la porte. Je m'entends encore l'appeler maintes fois, lui disant que faire la morte n'était pas intéressant. Je m'entends encore rigoler à sa "blague pourrie". Je me vois encore forcer sur la porte pour l'ouvrir. Je sens encore mon corps s'effondrer quand je la vois assise avec des tonnes de médicaments étalés au sol. Quand je vois tout ce sang coulait de sa bouche. Suicidée. Morte. Je l'ai secoué. J'ai crier son prénom. J'ai pleuré. J'ai hurlé...
Pourquoi a-t-elle fait ça ? Pourquoi a-t-elle mis fin à ses jours ? Pourquoi ne pas m'en avoir parlé ? A moi, sa meilleure amie ? Pourquoi m'avoir menti ? Pourquoi souriait-elle tout le temps ? Pourquoi tout ça !
Je finis par sortir une trentaine de minutes après. J'enfile mon peignoir et jette un coup d'oeil à mon téléphone. 20h30. Au total, cela fait une heure que je suis dans la douche et je pense que à présent maman et papa sont rentrés pour le dîner. Je me dépêche de me mettre en pyjama et descends dans le salon.
- Maman ? Papa ? Vous êtes rentrés ?
- Oui chérie, nous sommes dans la cuisine ! Me répondit mon père.
- Vous êtes rentrés il y a longtemps ? Dis-je tout en me dirigeant vers eux.
- Non, il y a un quart d'heure seulement, dit-il en tournant la page de son journal.
- Votre journée c'est bien passée ?
- Relativement bien. J'ai eu une journée chargée, me répondit mon père.
- Personnellement elle fut fatigante.. dis maman.
Mon père est assis sur la chaise en bout de table. La place du roi comme il dit souvent. Il a la peau assez foncée et des cheveux noirs avec un début de calvitie sur le devant de son crâne. Derrière ses lunettes carrées noires de vieux – il déteste quand maman et moi disons ça – il a de grand yeux vert avec de longs de cils noirs légèrement recourbés. Habituellement, il a une fine barbe mais on dirait bien que maman l'a forcé à se raser car elle n'aime pas ça. Il vient de rentrer du travail, ça se voit. Il porte encore sa chemise blanche à carreaux bleus, sa cravate bleu marine, son pantalon beige et ses chaussures vernies noires. Il travaille dans l'administration de notre ville. Avant il était assistant du Maire il me semble mais ses journées étaient beaucoup trop remplies et il voulait absolument s'occuper de moi alors il a demande à travailler dans l'administration.
Maman se presse à faire le souper. Elle n'a même pas encore eu le temps de se déshabiller de sa tenue de travail. Elle porte sa blouse blanche avec son badge où son prénom y est inscrit et son pantalon blanc. Seul ses crocs ont été remplacé par ses converses rouges.
Je m'approche d'elle pour lui faire un baiser sur la joue puis recule pour la regarder. Elle se tourne vers moi et me sourit. Malgré son visage blanc et cerné je sais qu'elle attends que je lui parle de ces derniers instants avec Pauline et que je lui donne des nouvelles de madame et monsieur Briuve. Ce que j'apprécie chez ma mère c'est qu'elle ne pose pas de questions. Elle attend que le sujet vienne tout seul, sans forcer. Elle m'ouvre ses bras et je m'y jette dedans au bord des larmes. Elle me serre contre elle et dépose un baiser sur le haut de mon front tout en me caressant les cheveux. J'entends mon père plier son journal, reculer sa chaise et venir nous rejoindre. Qu'est-ce que ça fait du bien de se sentir entourée...
- ça va aller ma chérie. Elle sera toujours là pour toi. Elle tiendra sa promesse, me chuchota maman.
- Non c'est faux ! Elle m'a abandonné maman ! Et pour toujours en plus de ça ! Répondis-je entre deux sanglots.
- Elle t'abandonnera seulement si tu l'oublies ici et là dit papa en pointant du doigt mon cerveau puis mon coeur.
- Pourquoi ne m'a t-elle pas parlé de ses soucis ? Choisir la mort pour les régler est tout simplement inutile !
- Il y a certains problèmes qui sont durs à exprimer. Des problèmes où nous avons peur que la personne à qui nous en parlons ne comprenne pas et nous juge... alors on se tait. On accumule encore et encore sans jamais se livrer à quelqu'un puis on craque. Certaines personnes explosent en larmes, d'autres écrivent et pour finir il y a ceux qui décident de mettre fin à tous ces soucis de façon radicale en disparaissant...
- Mais j'étais quand même sa meilleure amie maman ! Depuis plus de 10 ans ! On été élevé ensemble, dans les mêmes écoles. On passait notre temps ensemble dès que possible !
- Je sais chérie.. je le sais ...
« - Jamais je ne t'abandonnerai Athé. Jamais jamais !
- Moi non plus Pauline. On est les meilleures amies !
- Des BFF for life !
- Oui ! Pour toujours ! »
Ce souvenir me mit les larmes aux yeux à nouveau. C'était la première fois qu'on se faisait la promesse de ne jamais s'abandonner. La première fois qu'on se le disait pour de vrai. À cette époque là nous venions tout juste d'avoir 7 ans. On venait de rentré en CP et pour la première fois depuis notre scolarité nous étions séparées. Pauline se trouvait au premier étage du bâtiment A tandis que moi je me trouvais en face de son bâtiment. Dans celui du B. Mais fort heureusement – ou malheureusement pour nos maîtresses – elles nous avaient toutes les deux placé à côté de la fenêtre ce qui nous permettait de quand même se voir et de se faire des grimaces. C'était vraiment quelque chose d'amusant. À deux, nous étions de vraies chipies à faire les 400 coups sans jamais se faire disputer ! Deux sœurs séparé car Dieu savait que s'il nous mettait dans la même famille avec de vrais liens de sang, notre mère serait foutu. J'eus un petit sourire rien qu'à cette pensée. Mais il disparut aussitôt qu'il fut arrivé car je me suis souvenue que plus jamais je ne pourrais me remémorer ces moments en sa présence...
Pauline, pourquoi es-tu partie ? Quels étaient tes problèmes ? Qu'as-tu fuie en te tuant ? Que caches-tu ? Pourquoi ne pas m'en avoir parlé ?
Je ne le saurai jamais ...
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Athélaïs Polvy
VampireAthélaïs Polvy est une lycéenne de 17 ans. Enfant recueillie dans un hôpital dès sa naissance, elle vit avec la sage-femme de sa génitrice et son mari. Elle n'a aucun renseignement sur ses parents biologiques mais cherche à les retrouver. Sauf que l...