Chapitre premier

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La Mort est toujours un évènement traumatisant dans une vie. Il arrive qu'elle prévienne son arrivée grâce à certains signes visuels. Les principales personnes touchées restent d'âge mûr. Elles pâlissent, mangent de moins en moins, tombent malades... Mais il arrive aussi que la Mort ne prévienne pas et qu'elle frappe sans que qui que se soit ne s'en aperçoive. Ces morts là sont douloureuses. Encore plus que ci elles étaient attendues. La veille, votre vie vous paraît sublime. Vous êtes entourés de vos proches et de vos amies. Vous assistez à vos cours tels des élèves normaux. Vous subissez des contrôles, des responsabilités, des engueulades. Puis le lendemain, sans que vous ne vous y rendez compte, votre vie subit un changement radical. Un simple coup de fil peut tout faire basculer. Une simple intervention de votre principal en plein milieu de votre cours peut vous faire sombrer dans une profonde tristesse. Ces morts là, si subites, sont celles où nous avons le plus de mal à guérir. Celles qui vous laissent des cicatrices à vie. Surtout quand il s'agit d'une personne avec qui vous étiez proche. Qui était comme votre sœur.

-... que Dieu l'excuse de tout ses péchés et qu'il lui ouvre les portes de Paradis. Amen.

Ces paroles me font subitement sortir de mes pensées. Je regarde le cercueil noir recouvert de mots d'adieux écrits au marqueur blanc descendre dans le trou qui lui est réservé. Je jette un regard circulaire à ce qui m'entoure pour ne pas le regarder. Il me donne la chair de poule.

Le temps est froid, aussi froid que les personnes qui sont présentes. Elles sont toutes vêtues de noir et ont toutes la tête baissé. La famille proche – le père, la mère, le frère et la sœur – de la jeune défunte se tiennent à côté du prête qui, lui, est vêtu de sa robe noire et de son écharpe symbolique. Ils se trouvent tous les cinq à droite de la fosse. Le restant de la famille se trouve du côté gauche. Moi je me trouve devant avec mes autres camarades, professeurs et autres personnes que je ne connais pas.

Le cercueil sombre n'est plus du tout visible quand je pose à nouveaux les yeux dessus. Il ne reste que la pierre tombal et un portrait de notre amie qui est posé sur un chevalet en bois sombre. La photo choisie est vraiment magnifique. Elle est assise sur un banc, sur son banc comme elle dirait. Son corps mince est habillé d'une jupe plissée noire et d'une chemise blanche rentrée dans son bas et laissée ouverte sur les premiers boutons de son col. À ses pieds, elle porte ses converses hautes blanches préférées. Ses ongles longs sont peints de vernis blanc et elle porte de petits bracelets en or et un collier croissant de lune qui lui avait été offert par sa grand-mère lors de son 15ème anniversaire. Ses longs cheveux blonds ondulés sont relevés en une queue de cheval haute avec quelques mèches rebelles qui s'échappent aux niveaux de ses oreilles et sur le haut de son visage. Elle affiche un sourire d'une blancheur éclatante et des yeux rieurs de couleur bleu clair. Le soleil fait ressortir le peu de maquillage qu'elle a mit ce jour-là. Le jour de ses 17 ans, il y a moins de deux mois. En bas de cette représentation, son nom et son prénom sont écrits en grand. Pauline Briuve.

Lors de cette photo, j'étais présente et je m'en souviens comme si c'était hier. Le jour des 17 ans de Pauline, personne ne le lui a souhaité. Pourtant tous le monde savait que c'était un jour très spécial pour elle. Pauline est arrivé au lycée souriante et exactement dans cette tenue. Elle s'est dirigée vers notre groupe d'amies et attendait sûrement que l'on lui souhaite. Mais nous ne l'avons pas fait. Pas parce que nous n'avions pas envie mais parce que le soir nous lui avions organisé un anniversaire surprise dans une salle. Notre but était donc qu'elle pense que nous avions tous oublié cet évènement. Toute la matinée elle a attendu que quelqu'un le lui souhaite. Même les professeurs, qui étaient dans la confidence, ont joué le jeu. Pareil le midi. Elle a commencé à perdre sa bonne humeur en début d'après-midi alors qu'elle n'avait toujours pas reçu de « joyeux anniversaire ». Après la fin des cours, on l'a emmené en ville le temps que la décoration de la salle se termine. Vers 17 heures j'ai reçu un message de la mère de Pauline, Amélia :

La décoration est terminée et tous vos camarades sont là. Vous pouvez la ramener !!

J'ai fais signe aux filles qu'il était temps de rejoindre la salle. Pauline ne se doutait toujours de rien, c'est à peine si elle nous faisait la tête. C'était assez drôle quand on y repense. Quand nous sommes arrivées à moins de 500 mètres de la salle des fêtes, nous lui avons bandées les yeux avec son foulard noir. Quand elle le retira, elle pleura de joie et elle passa le meilleur des anniversaires. À cette pensée, je pouffe et affiche un petit sourire. Un grand garçon qui se trouve devant moi et que je ne connais pas se tourne et me regarde bizarrement.

-Qu'est ce qui te fait pouffer comme ça ?

-Désolée, chuchotais-je, je me remémorais le jour où cette photo a été prise.

Il se tourne vers la photo et me regarde à nouveau mais cette fois-ci avec un regard plus amical.

-Tu connaissais Amanda ? Me dit-il.

-Amanda ? Non, elle c'est Pauline ! m'exclamai-je.

-Oui excuse-moi (il a l'air stressé) je voulais dire Pauline.

-Oui, c'était une fille géniale. Elle était le ciment de notre groupe d'amies. Depuis qu'elle ... j'eus une hésitation.

-Je comprends, ne t'inquiète pas.

- Désolée c'est juste que... elle est partie si vite.

Les larmes me montent aux yeux à une vitesse qui me prit par surprise. Je ne veux pas pleurer lors de son enterrement car je sais que si elle avait été présente elle m'aurait dit « non mais c'est quoi ça ? Tu va pas te mettre à pleurer pour moi ?! ». Je ne veux pas, je ne veux pas, je ne veux pas.

-Eh ! Ça va aller. Elle sera toujours là dans nos cœurs. Me dit-il en posant une main sur mon épaule.

-Je suis désolée, elle ne voudrait pas me voir dans cet état. Dis-je entre deux sanglots.

Je n'eus même pas le temps de me sécher les yeux que ce jeune homme que je ne me connais absolument pas me prit dans ses bras et me caressa le dos avec une de ses mains pour me consoler. Je sais qu'il est occupé de me dire quelque chose mais mon cerveau n'est pas apte à l'écouter. J'ai l'impression que le contact de ma tête sur son torse a formé une sorte de bulle anti-sons autour de moi. Tout ce que j'entends est le battement de son cœur régulier et tout ce que je sens est le parfum qu'il a mit. Très bon parfum d'ailleurs. Je faufile mes mains derrière son dos pour l'entourer de mes petits bras maigrichons, enlace mes doigts entre eux et ferme les yeux pour profiter de cette sécurité. J'enlace ce garçon comme si je le connaissais depuis toujours alors que j'ai fais sa rencontre il y a moins de 10 minutes. Tout va bien, j'enlace un inconnu. C'est tout à fait normal voyons !

-ça va mieux ? Me demande t-il.

Je me recule à contre cœur et hoche la tête avec un petit sourire pour le rassurer. Il me sourit et passe son bras autour de mes épaules pour me rapprocher de lui.

-N'oublie pas qu'elle sera toujours dans ton cœur, dit-il en regardant dans la direction de la tombe, et tu as raison. Elle ne voudrait pas te voir dans cet état. Tu es forte.

-Merci beaucoup. Tu t'appelles comment au fait ?

Il hésita avant de répondre puis dit :

-Luis et toi ?

-Athélaïs.

Son visage s'illumina et il sourit lui aussi. Il me serra plus fortement et dit tout en me fixant :

-C'est très jolie, dit-il en me regardant dans les yeux. C'est inspiré de la Déesse Athéna ?

-Absolument !

Puis le silence s'installe entre nous et nous regardons les gens jeter, un par un, une poignée de terre dans la fosse pour recouvrir le cercueil. Repose en paix Pauline, je t'aime.

Athélaïs PolvyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant