Chapitre 2

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L'enterrement finit, la famille de la jeune défunte s'isole avec le Prête pour discuter. Madame Briuve pleure encore toutes les larmes de son corps. Son mari, tant qu'à lui, essaie désespérément de calmer son épouse. Nicolas, le petit frère de Pauline âgé de 5 ans, tient la main de sa grande-sœur Louise, âgée de 15 ans. Le pauvre, il ne doit pas se rendre compte de ce qu'il se passe. Il ne doit même pas comprendre pourquoi il est là, devant une centaine de personnes habillées dans de sombres couleurs. Et devant sa mère qui pleure sans parvenir à s'arrêter. Vous imaginez vous ? Vous vous réveillez un matin, vous dîtes au revoir à vos deux grandes-sœurs et le soir, en  rentrant chez vous après l'école, vous ne voyez qu'une sœur sur les deux car votre aînée est décédée en pleine après-midi. Pauvre petit...

- Tout va bien mademoiselle Polvy ?

Je me retourne en sursautant et aperçois Monsieur Brooper, notre professeur de français.

- On peut dire ça monsieur. Et vous ?

- La perte d'une si bonne élève est quelque chose à laquelle nous avons du mal à réaliser.

- Je veux bien vous croire. Et encore plus quand il s'agit de votre meilleure amie.

Il hocha de la tête en fermant les yeux et partit. C'est seulement en le regardant faire que je me rendis compte qu'il avait pris un énorme coup de vieux. Ses joues étaient creuses, son visage fatigué, des rides faisaient leur apparition aux coins de ses yeux et sur son front. Il est voûté et marche avec une béquille. Je ne sais pas si c'est le décès de Pauline ou si c'est la vieillesse et ses problèmes de santé qui le rendent si faible mais il me fait beaucoup de peine.

Monsieur Brooper est un super prof. Cela fait 2 ans que je l'ai en français et mes notes sont excellentes. Ses cours sont riches, motivants et très bien expliqués. Le professeur de rêve !

- Athélaïs ? Dit une petite voix derrière moi.

Pourquoi tout le monde est décidé à me faire sursauter !

- Oui, c'est moi ?

Cette petite voix qui m'a appelé n'était pas celle d'une enfant comme je le pensais. Il s'agissait de Madame Briuve dans sa longue robe noire et son petit chapeau avec un voilage de cette même couleur. Sous ses torrents de larmes, tout son mascara avait coulé, ses yeux étaient gonflés et son visage boursoufflé.

- Je suis tellement contente que tu sois présente. Pauline n'aurait demandé que ça, que ta présence.

- Je serai venue même si elle n'avait pas eu envie que je sois là.

- Tu es une bonne fille Athélaïs. Une fille en or. Tes parents, quels qu'ils soient, pourraient être très fiers de leur fille, me dit-elle tout en posant ses fines et grandes mains sur mes épaules.

- Merci, ça me touche beaucoup.

La mère de Pauline est l'une des rares personnes – en dehors de mon entourage proche et de mes professeurs – à savoir que je suis orpheline de naissance et que je vis chez mes parents adoptifs depuis presque toujours. Il n'y a pas si longtemps, j'ai essayé de retrouver mes parents biologiques. J'ai fais de nombreuses recherches sur mon acte de naissance, l'hôpital dans lequel je suis née, des articles de journaux. J'en ai même discuter avec la directrice du foyer dans lequel je me trouvais mais rien. Rien de concret mise à part mon nom de famille qui vient de mon père biologique et le fait que j'ai été retrouvé dans mon lit de nourrisson un matin alors que je hurlais de faim avec une lettre portant mon prénom et une peluche. Apparemment mes parents étaient jeunes. Ils n'étaient même pas majeurs ou allaient bientôt l'être. Ma mère se serait enfui dans la nuit, 12 h après son accouchement. Je pense qu'élever une enfant lui faisait peur et que la seule solution pour elle est qu'elle m'abandonne dans un lieu où quelqu'un m'aurait forcément trouvé. Et c'est ce qu'il s'est passé. Mes parents adoptifs à l'heure d'aujourd'hui sont la jeune sage-femme qui devait s'occuper de ma génitrice et son mari. Au moins je n'ai pas finis dans la rue.. La procédure d'adoption a été longue. Trop longue même. Je suis officiellement devenue leur première fille – et premier enfant – à mes 2 ans. Il ne m'ont jamais caché qui j'étais réellement et ont toujours accepté mes décisions vis-à-vis de mes véritables parents. D'ailleurs, quand j'ai posé des questions sur ma génitrice à ma mère, celle-ci m'a répondu qu'elle ne savait rien d'elle car elle est arrivée en urgence pour l'accouchement et quand elle est arrivée avec le médecin pour remplir les papiers de naissance elle dormait en me tenant dans les bras. Alors ils sont repassés plus tard car il n'y avait pas le père et quand ils sont à nouveau entrés il n'y avait que moi qui hurlais et cette lettre. Tout était rangé et le lit était fait. On aurait dit que personne n'avait passé la journée dans cette chambre. Elle s'était volatilisée en ne laissant aucune trace.
Je n'ai jamais eu le courage d'ouvrir cette lettre mais je compte le faire bientôt. Pour mes 18 ans.

Des fois je la hais. Je la hais qu'elle m'ait abandonnée comme une lâche et qu'elle ne m'a pas assumé. Mais d'autres fois, je la comprends et j'espère juste qu'elle est heureuse et qu'elle ne regrette en rien sa décision.

Soudain, une idée me vient en tête.

- Madame Briuve, vous travaillez toujours à la mairie ?

- Bien sûr, mais pour l'instant je ne travaille pas. Pas après la mort si brutale de Pauline.

- Je comprends absolument mais quand vous irez travailler vous pourrez jeter un œil à la liste d'habitants ?

- Tout dépends en quoi cela consiste ma petite Athé, me dit-elle en ayant un petit sourire.

- Je pense que vous devez le savoir. Maman a du vous en parler il n'y pas si longtemps. S'il vous plaît, aidez-moi à retrouver mes parents biologiques.

- Je n'ai normalement pas le droit de faire cela.

- Je vous en prie, dis-je en joignant mes deux mains de manière à la supplier.

- Bien, je vais voir ce que je peux faire mademoiselle Polvy.

- Merci beaucoup madame Briuve !

- Je ne te promet rien mais des Polvy il ne doit pas y en avoir tant que ça. Mais je me doutais que tu me solliciterais tôt ou tard.

- Je vous avoue qu'à la base je ne voulais pas vous mêler à cette histoire et n'avais donc pas pensé à vous demander votre aide.

- Je comprends. Ne t'en fais pas, je ferai de mon mieux.

- Merci beaucoup.

- C'est normal de vouloir voir à quoi ressemble ses parents biologiques.

Sur ses dires, elle me prit dans ses bras. On continue à parler ainsi puis un long silence s'installe. La mère de Pauline se remit à pleurer. Encore et encore. La voir s'effondrer comme cela me brise le coeur car je me sens impuissante. Je ne pouvais que la serrer dans mes bras même si je pense que ça représentait beaucoup pour elle. Que ce n'était pas juste un petit câlin mais que c'était bien plus que ça.

Le ciel s'assombrit soudainement et des trombes de pluie commencèrent à tomber. Les parapluies commencèrent à s'ouvrir quand je réalise que je n'ai pas le mien. Merde mon parapluie ! J'essaie de couvrir madame Briuve de mes bras mais rien ne fonctionne. Je mets ma tête dans son cou et la serre fort. Je sens la pluie froide atterrir sur mes cheveux blonds relevés en chignon et glisser dans ma nuque. Mon manteau est trempé. Mouillé pour mouillé, tant pis.

Quelques instants plus tard, je ne sens plus une goutte de pluie. Pourtant le bruit y est toujours et l'humidité dans l'air se sent. Je lève la tête vers les cieux mais à la place d'être arrosée d'eau de pluie, je ne vois que les fourchettes du haut d'un parapluie. Je suis des yeux le mât de ce dernier et croise le regard de Luis.

- Tu ne crois pas que j'allais te laisser là et finir par être trempé jusqu'aux os ? Me sourit-il.

- Il est un peu trop tard mon ami, lui souris-je en retour.

- Je peux donc me permettre de vous réchauffer madame Briuve et toi ?

- ça ne serait pas de refus !

Il s'approcha, coinça le parapluie entre nous pour le maintenir au-dessus de nos tête et me prit – ou plutôt, nous prit – dans ses bras. Il posa sa tête sur mon épaule et je fis de même. Entre temps, madame Briuve s'était arrêtée de pleurer et recula en chuchotant.

- Je m'en vais Athélaïs et je vais t'aider. Je te rappellerai dans les plus brefs délais.

Puis j'entendis les bruit de ses talons s'éloigner peu à peu, me laissant seule dans les bras de mon bel inconnu, Luis.

Athélaïs PolvyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant