— Je ne suis pas heureuse.« Toutes les bonnes choses ont une fin. », disait-on souvent. Elle n'adhérait pas à ce dicton, pas complètement tout du moins. Petite fille, elle avait longtemps cru au grand amour, celui avec un grand A. Le crapaud changé en prince charmant, qui vous marie, vous fait plein d'enfants, et vous rend heureuse jusqu'à la fin des temps. Après trente-huit années d'une vie riche en expériences, elle n'y croyait plus vraiment, sans toutefois le rejeter catégoriquement. Il existait peut-être, elle ne l'avait simplement pas encore rencontré, il était encore possible qu'elle le croise sur son chemin. Malgré cet intime espoir de voir un jour naître un nouveau brasier, la femme gardait bien en tête qu'elle l'avait déjà vécu, cet amour avec un grand A. Parce que son prince charmant, elle l'avait rencontré. Il l'avait mariée, ne lui avait pas fait d'enfants, mais l'avait rendue folle de bonheur une bonne décennie durant. Seulement aujourd'hui, il ne la comblait plus. La joie s'en était allé, la passion n'était que poussière depuis longtemps, ne laissant derrière elle que l'affection inébranlable d'un amour d'antan, d'un être qui nous est cher, mais qui n'habite plus notre cœur que par habitude. Et quand au creux du ventre, le feu s'est éteint, parfois, les quelques braises restantes ne suffisent plus à raviver tout un foyer.
— Je ne suis pas heureuse, avait-elle donc annoncé.
Il était assis derrière son bureau, plongé dans son travail, comme toujours. Et elle était là, debout devant lui, bien décidée à lui confier ce qu'elle ressentait, ou plutôt ce qu'elle ne ressentait plus.
Il leva les yeux dans sa direction, de son air désinvolte, presque indifférent, il la regarda de haut en bas.
— Je te demande pardon ?
— Je ne suis pas heureuse.
— Tu n'es pas heureuse ?, releva-t-il.
— Non, je ne suis pas heureuse, répéta-t-elle pour la troisième fois, Je ne suis plus heureuse, plus heureuse depuis longtemps.
— Et qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ?, demanda-t-il alors, vexé par cette confession dont il se sentait coupable.
— Je crois que j'aimerais..., commença-t-elle avant de se reprendre, Je crois qu'il faudrait qu'on fasse une pause.
— Une pause ? Dix ans de mariage et tu veux faire une pause ? Autant divorcer directement, tant qu'on y est !, moqua-t-il.
— Tu as raison, divorçons. Je veux divorcer, déclara-t-elle d'une voix affirmée, sans pour autant savoir ce qu'elle voulait vraiment.
Elle était là, juste devant lui, si proche, mais infiniment loin en cet instant. Elle était belle, magnifique, elle l'avait toujours été et il serait sous son charme pour l'éternité, il en était persuadé.
— Tu es sûre de toi ? Tu veux divorcer ?, questionna-t-il, Tu veux divorcer alors qu'on s'aime ? Parce qu'on s'aime, n'est-ce pas ? En tout cas, moi je t'aime.
Elle abaissa les épaules dans un soupir de désespoir. Elle essayait de lui parler depuis des mois, il ne l'écoutait pas, il ne l'écoutait jamais vraiment, n'entendait que ce qu'il voulait bien entendre.
— Moi aussi je t'aime, mais—
— Alors la discussion est close. Je t'aime, tu m'aimes, nous ne divorçons pas, tout est réglé, décida-t-il, fuyant lâchement la peine et l'angoisse qui l'envahissaient à l'idée de perdre la femme qu'il aimait.
Parce qu'il l'aimait, il l'aimait toujours autant, comme un fou, comme au premier jour.
Elle l'aimait, bien sûr qu'elle l'aimait, mais plus comme avant, plus suffisamment.— Non, non, tout n'est pas réglé, protesta-t-elle.
— Oui j'ai compris, tu n'es pas heureuse, imita-t-il en levant les yeux au ciel, dépassé par la situation sans vouloir l'admettre, Alors sors, va t'amuser, fais quelque chose !
Elle était là, face à lui, celui qu'elle avait aimé à la folie, l'homme qu'elle avait chéri avec passion, qu'elle avait désiré ardemment jusqu'à ne plus en pouvoir, celui qui lui avait fait ressentir tant de choses, et qui à présent, lui paraissait cruellement insipide.
— Tu as raison, j'y vais, décréta-t-elle avant de tourner les talons.
Elle quitta le bureau et descendit les escaliers, le cœur vide, l'esprit égaré, mais la tête haute et l'allure fière, comme toujours.
— Regina attends !, l'appela-t-il en se levant enfin de son fauteuil.
Mais c'était déjà trop tard, elle avait claqué la porte et elle était partie, partie s'amuser, exactement comme il lui avait demandé. Elle était partie.
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Une fille dans un bar - [EN PAUSE]
FanfictionUne inconnue dans un bar, un coup d'un soir, tout aurait pu s'arrêter là, tout aurait dû s'arrêter là... Mais il suffit parfois d'un petit détail pour tout chambouler, et ce qui devait être très simple s'avère alors extrêmement compliqué. [SWANQUEE...