Tue-moi lentement

ÉPILOGUE

Il y eut, en 1893, une balle qui transperça le cœur de Théobald Cain. Une balle enchantée, ensorcelée par des êtres que nul ne connaissait plus. Une seule de leur création survécut jusque-là et elle rentra en possession de cet homme par de multiples concours de circonstances étranges. Il la déposa un jour dans l'un de ses coffres après qu'il l'ait eu forgé. 

   Mary en lui tirant dessus ne se douta pas que cette prière particulière adressée aux astres contribuerait à sa mort. Alors qu'elle souhaita qu'il revive et que lui, pria pour que ses enfants puissent toujours faire le choix du cœur.

Ses descendants, les premiers nés de chaque génération, firent, au fur et à mesure que le temps passait, le choix de l'amour aidés par la créature qui habitait l'objet. Car oui, le monstre qui naquit ce soir-là se transforma en une bête féroce, dévorant âme et cœur pour que l'être aimé puisse vivre et que le fruit de cet amour soit à lui. Il poursuivit son cheminement jusque-là, guidé par ce simple devoir qui devint pour lui une obligation.

    Or, trouver cette balle de nos jour était une tache dont nul ne s'imaginait le péril car elle était perdue et les Cain sombraient avec elle dans le néant... 

*****

Amérique-quelques part près des frontières canadiennes du sud de New York

1889

Théobald Cain ne s'imagina pas en tombant sur le sol qu'il entrainerait avec lui tous ses descendants. Il pensa juste à cette femme qui venait de lui apprendre une terrible nouvelle, une de celles qui l'éloignerait à jamais de celle qu'il aimait passionnément. Sila. 

C'est elle qui lui avait offert cette balle censée se retourner contre le plus cruel assaillant de sa lignée. Un cadeau que lui avait laissé son père dans la boite de Pandore dont il lui avait confié les clés... 

L'homme, les yeux mouillés de larmes, regarda sa tendre cadette afin de lui confier un cadeau des plus précieux. 

— Donne-le-lui! l'implora-t-il. Ce présent la protégera de tous ceux qui voudront lui faire du mal et lui procurera la vie éternelle. 

 Il tira sur son cou pour en tirer un petit objet scintillant.  Une chaine en or tressée, que lui avait léguée leur père, le plus grand combattant de leur tribu.  Il espérait ainsi que Wakiza vive pour l'éternité. En effet, dans ce bijou vivait leur plus grand Gardien. Isha, l'ombre protectrice redonnait vie aux morts en leur offrant la vie de ceux qui les leur avaient arrachées.  

En lui offrant ce collier, il en fut certain. Personne ne pourrait faire du mal à sa fille. Après avoir tiré la chaine rattachée à son cou. Ses yeux s'illuminèrent pour laisser partir la créature qui l'avait sauvé en ravivant ses forces à de multiples reprises. 

Comment aurait-il pu deviner qu'elle deviendrait son pire cauchemar ?

 Ce monstre accumulait les vies pour la redonner à ceux qui comptaient pour le mourant. Wakiza n'aurait jamais cru possible que ce bijou puisse se matérialiser en une bête vivante et consciente de son potentiel meurtrier. Il s'endormit, pensant préserver sa descendance et leur amour de toute mort subite et impitoyable. D'ailleurs se fut son dernier souhait.

- Il faut que ma fille reste sauve, dit-il à sa jeune sœur. Je sais que mon épouse m'a laissé mais je voudrais lui montrer à quel point je l'aimais et combien notre enfant comptait et compte encore pour moi.

En formulant ces mots, il remit l'offrande pour qu'elle en fasse bonne usage. Sa sœur le récupéra pour en faire cadeau à sa nièce, qui n'arriva hélas que la semaine suivant la mort de ce père qu'elle n'avait pas connu.