Chapitre XX

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           (...) Mon cœur auprès de toi
          Est heureux de ses chaînes.
            Sans ennui, sans effroi,
Je vais où tu m'entraînes. (...)

(Eugène Laureys- Les romances et chansonnettes-1869)

   

    David s'était levé tôt mais, en voyant l'heure, il avait reposé la tête sur son oreiller. Il avait de moins en moins envie de dormir et resta dans la pénombre pour cogiter. Le manque de sommeil s'amplifiant, il s'assit un instant sur le lit.

      — Peut-être devrais-je aller la voir ? se disait-il. Dans ce cas, le risque serait grand qu'il ne la retrouve pas ou qu'elle soit avec quelqu'un d'autre. Si elle était partie le rejoindre ? Les détectives sont bons mais ils ne savent pas tout. Si elle avait eu un coup de cœur pour un homme dans la rue ou encore sur le net...et s'ils correspondaient ? Si elle l'aimait ? Ce genre d'histoires s'entendent fréquemment de nos jours.

       Après autant de jours, de mois et d'années passées, que pouvait-il espérer ? Le doute commençait à l'assaillir mais il devait le lui avouer. Comment faire ? La croirait-il après tout ce qui s'était passé entre eux ? Il ne cessait de penser à cet écart d'âge épouvantable qui les séparait. Or, ce vide dans son cœur était bien là, réel et il ne pouvait le nier davantage !

       Tanpis ! Il l'admettrait s'il était trop tard et tant mieux si elle était passée à autre chose.

        Oui, Tant mieux !

        C'était la première fois qu'il prenait un tel risque. La décision d'être ensemble était toujours venue d'elle-même. Soit il les aimait bien, soit-il ne les aimait pas. Et si elles n'étaient pas intéressées il passait à autre chose. L'affaire était réglée. Toutefois, dans le cas présent, ce n'était pas un choix mais un appel du cœur. Renoncer, oublier, il n'en avait plus envie. Car s'il était la nuit, elle était sa lumière, sa lune étincelante.

         Il claqua des doigts pour éclairer plus intensément la pièce, pendant qu'un robot domestique tirait un épais blouson de ses affaires et le posait sur le rebord de son lit. Il jeta un dernier regard sur cette couche où il avait toujours dormi seul. Après la mort de Leslie, rien n'avait plus eu d'importance. Lorsqu'il rentrait chez lui, las, saoul, drogué, blessé ou cabossé, il retrouvait toujours cette ambiance solitaire qui le rassurait et aujourd'hui, il se sentait prêt.

        Il tourna le mitigeur de la baignoire et attendit qu'elle se remplisse pour s'y glisser. Comment s'y prendrait-il ? Les enfants que diraient-ils cette fois ? Mia était leur amie et son phare. Il repoussa son corps et immergea la tête dans l'eau. Là, dans le silence que lui offrait l'onde, il tenta de réfléchir.

       Une minute, deux, trois... Progressivement il y arrivait. Au bout de cinq minutes, il manqua d'air et suffoqua en sortant du bassin.

        Une fois hors du bain, il s'habilla et dévala les marches du domaine. Le soleil ne s'était pas levé. Il faisait nuit noire malgré l'heure matinale. Il ouvrit la porte du garage et enfourcha sa moto alors que la demeure était endormie. Pas de footing ce matin, tout ce qu'il avait prévu de faire pendant ses quelques jours de répit, il le reporta à plus tard. Il était pressé d'y être et la route lui permettrait de plus y réfléchir. Une fois sur son bolide, il ne souhaita plus perdre de temps, guidé par cette volonté extrême, qui voulait en finir avec le mensonge.

        — Prends ça ! se fâcha la mère.

        Son fils bouda, il ne l'entendait pas de cette oreille. L'agacement de l'enfant se dégrada en cris stridents. Ce conflit le rendit fou. En entendant hurlait l'enfant, il en fut malade. Puis il pensa à Mia. Cette simple image suffit à apaiser l'autre.

Tue-moi lentementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant