Chapitre I

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      Ses yeux perçants me brulent,

      Tes yeux brûlants me transpercent.

       (autodidacte)

        — Quelle horreur ! s'indigna Mégane Cain. C'est affligeant de voir des filles à peine plus vieilles que nous avec ces viocques tous ridés ! Ça se voit qu'elles en ont qu'après leur fric ! Ça me dégoute !

       En disant ces mots, l'adolescente jeta rageusement la revue féminine au sol. Son amie, Mia Pierson, la regarda déstabilisée par ses paroles. Elle poussa ses longues boucles rousses en arrière en considérant le papier, sans non plus comprendre le choix initial de cette starlette. Elle acquiesça juste, faisant mine d'être tout à fait à l'aise avec l'opinion de la belle brune. Elle ramassa le torchon et en tourna rapidement les pages sans s'arrêter pour revenir à la page concernée.

        - L'actrice Shay Harper se marie ! Quel titre ! pensa-t-elle en regardant les murs de la chambre de son amie criblés de posters de l'artiste.

        L'article incriminé: la rubrique nauséabonde d'une jeune star sur le déclin annonçant son prochain mariage avec son producteur de musique, un homme de trois fois l'âge de cette catherinette.

         Elle aussi, cette histoire l'avait interpelée plus que les autres. C'était si étrange, tellement irréaliste qu'une jeune femme de vingt ans puisse être amoureuse d'un vieillard, qu'elle vit cette image comme une imposture.

       -C'est terrible ! Elle vient à peine de se séparer de Norton Heames, souleva Mégane Cain. Il était super mignon et elle choisit ce type là ! Pourquoi ? Pourquoi elle me fait ce coup-là?

       -Je n'y comprends rien moi non plus, je te rassure, compléta Mia encore abasourdie par l'intitulé.

       Elle en conclut que cette coutume moyenâgeuse avait surement dû être établie par de vieux seigneurs qui souhaitaient faire étalage de leurs actifs, en mettant en avant la beauté et la jeunesse de leurs épouses. Avoir une femme jeune signifiait que l'on pouvait se l'offrir, qu'on en avait les moyens.   

          Mais, aujourd'hui que ces règles étaient révolues, cette célébration était-elle pour autant devenue un choix ? Mégane avait surement raison. Beaucoup de ces demoiselles ne calculaient leur compagnon qu'en fonction de leur compte en banque et de leur pouvoir politique. 

          La rouquine  jeta un dernier regard au périodique et sans être experte, elle tendit vers l'opinion de son amie. Le bougre, dans les soixante-dix ans, enlaçait chaleureusement sa jeune conjointe. Peu importe, le magazine les dépeignait en nouveau couple heureux, convoyant en justes noces. Encore une de ces hypocrisies bien rodées de ce système patriarcal qui avait tous les droits. S'il c'était agi d'une femme plus âgée, nul doute que la revue aurait été d'une toute autre opinion.

             -Si tu veux mon avis, Norton la trompait. Elle s'en est rendu compte et aura voulu d'un homme plus stable ou plus sérieux. Qui sait? se questionnait une Mégane encore sous le choc. 

            Mia se rassit et poussa plus loin le livret corrupteur.

           De toute façon c'était toujours pareil. Les femmes étaient des mères de substitution, tandis que pour les hommes, ces damoiselles étaient toutes vénales, en proie à la réussite. Le barbon ne cherchait que de la tendresse en s'acoquinant à une donzelle de cinquante ans sa cadette tandis que son épouse, elle, n'en voulait qu'à son argent.

         — La jeune chanteuse Shay Harper fait ses débuts sur le grand écran... pouvait-elle lire dans l'introduction. 

          La jeune anglaise détourna le regard, démoralisée par cette propagande qui ne cessait de faire du mal aux femmes depuis le début des temps et à laquelle tant d'elles adhéraient encore sans sourciller. Ce titre sous-entendait bel et bien, la corruption de la relation sans l'avouer clairement. Il laissait le lecteur faire le lien entre les deux. 

Tue-moi lentementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant