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pour la première fois,
il avait peur.
peur qu'elle n'aime plus
lui servir de latte,
peur qu'elle ne veuille plus
dessiner,
peur que ce soit comme s'ils
ne s'étaient jamais
rencontrés








LE MÊME JOUR,
Kei restait assis sur son siège, le nez plongé dans ses cahiers. Pourtant, il avait beau lire et relire ces formules, elles ne rentraient pas dans sa tête. Ses pensées étaient occupées par deux mots : Matsuda Mira. Matsuda et ses boucles noires. Matsuda et son accent d'ailleurs. Matsuda et son regard pur. Matsuda, Matsuda, Matsuda. Il se frappe la tête contre la table, désespéré. On dirait que les révisions étaient finies pour aujourd'hui. Ça ne servait à rien de se torturer l'esprit encore plus longtemps, si ce n'est encore plus le stresser. Et qui dit stress dit caféine. Et qui dit caféine dit Matsuda.





Et voilà, encore une fois qu'il revenait à elle comme un demeuré ! Qu'est-ce qui lui prenait, bon sang. Ça ne lui ressemblait pas. Tout ça était ridicule, totalement ridicule. Elle ne voulait pas lui parler ? Bien. Soit. Il avait eu tord d'éprouver une once de sympathie avec elle, puisqu'apparemment elle avait décider de bouder, elle le ferait dans son coin. Il ramasse rapidement ses affaires et quitte sur le champ le café.





Tsukishima marche quelques mètres avant de s'arrêter. Au loin, il aperçoit une silhouette qu'il reconnaît entre mille. C'est pas vrai, pourquoi le destin s'acharnait tant contre lui ? Il ne pouvait que la croiser, et faire demi-tour n'était pas envisageable. Il visse son casque orange contre ses oreilles et augmente le son de sa musique. Ce n'est pas passer devant une fille qui allait l'effrayer, encore moins Matsuda Mira. Elle ne semblait pas l'avoir vu, au bout de la rue, et c'était tant mieux. Il ne savait de toute façon pas quoi lui dire, ou faire. Au fond, il ne l'a jamais su.





Arrivé à sa hauteur, il se rends compte de deux choses. Premièrement, elle parlait au téléphone, les sourcils froncés. Elle se rongeait l'ongle de son pouce nerveusement et regardait autour d'elle, agitée. Deuxièmement, elle pleurait. Elle pleurait à chaudes larmes, silencieusement, sans sangloter. Une rivière d'eau salée coulaient le long de ses joues et rougissait ses yeux clairs. Ses mains tremblaient légèrement en tenant fermement le cellulaire contre son oreille.





Le cœur de Kei bondit dans sa poitrine, et il s'arrêta sous le choc. Il ne l'avait jamais vu si triste, il ne pensait même pas qu'une fille comme elle pouvait avoir de mauvais jours. Pour lui, elle n'était qu'une boule d'énergie qui distribuait de la bonne humeur partout où elle allait. Voir qu'il s'était trompé lui tordait le ventre. Comme lui pouvait rire, elle pouvait pleurer. Inconsciemment, il se faisait discret et tentait de cacher sa présence. Ce n'était pas bien de l'espionner, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Et ce n'est pas comme s'il comprenait un mot de ce qu'elle disait, de toute façon. Elle ne parlait pas japonais, mais une autre langue.





Au bout de quelques minutes, elle raccrocha et s'assit au bout du trottoir. Ses cheveux noirs étaient complètement défaits, et quelques mèches masquaient son visage lui même déformé par ce sentiment qu'il ne lui avait jamais connu avant. Sans réfléchir, il se rapprocha doucement, pour se placer face à elle. Elle leva la tête et ses pupilles claires se plantait dans ses yeux noisettes. En le voyant, ses pleurs reprirent depuis belle.





— Tu viens te moquer
de moi, c'est ça ?
souffle Matsuda
en reniflant.





Même si son ton paraissait agressif, elle se jeta dans ses bras. Le corps de Tsukishima se paralysa. Qu'est-ce qu'il était en train de se passer ? Il ne bougeait pas, ne parlait pas, n'essayait même pas de respirer. Il détestait les contacts physiques plus que tout, mais pourtant... Il devait avouer que ça lui faisait de la peine de la voir comme ça. Il sentait ses larmes mouiller son t-shirt et son torse par la même occasion, et le corps de la jeune fille en transe se calmer petit à petit. Il ne manquerait plus que la pluie commence à tomber, et il aurait l'impression d'être dans une foutue série romancée.





— Désolée, bafouille
la noiraude en séchant
ses larmes.





Déjà ?
Il ne répondit rien d'autre qu'un hochement de tête. S'il y avait bien une chose que Tsukishima Kei avait compris au cours de sa pauvre existence, c'est qu'il était médiocre pour consoler les autres. Garder sa bouche fermée vaudrait mieux pour lui comme pour elle. Un silence qui en aurait dérangé plus d'un ne semblait étrangement pas la mettre mal à l'aise, au contraire. C'était comme si, de toute façon, elle n'attendait pas de réponse. C'était toujours comme ça avec elle. Elle s'arrangeait toujours pour enjoliver le moindre de ses défauts, et les rendre magnifique.





— J'ai... des problèmes
familiaux. C'est pour
ça que j'ai disparu.
Désolée.





Pourquoi s'excusait-t-elle ? Les problèmes familiaux, Tsukishima les avait plus ou moins connus. Il savait à quel point ça pouvait ruiner une après-midi, ou une journée entière. Au fond, c'était lui qui était désolé d'être comme il était. Mais ça, il ne lui dira jamais.





— C'est drôle, non ?
Tu te retrouves toujours
dans des positions
inconfortables avec moi.
Désolée.





C'est vrai, et c'était l'une des choses qu'il détestait le plus. Mais d'une certaine manière, ça ne le dérangeait pas. Elle rendait sa vie un peu moins banale, même ses pauses café. C'était probablement la qualité qu'il préférait chez elle après faire le meilleur latte. Rendre n'importe quelle chose unique, n'importe quel moment extraordinaire. Si elle continue de s'excuser, il serait capable de... De quoi serait-il capable, pour ne plus la voir triste ? Probablement de beaucoup de choses.





— Je suppose qu'il
faudra que je te fasse
des litres de latte
pour me racheter...





Et la voilà faire un long discours sur toutes les manières possibles et imaginables qu'il utiliserait pour se venger, mais il n'écoutait déjà plus. En quelques secondes, elle avait reprit son attitude habituelle, comme si rien ne s'était passé. Comme si elle ne venait pas d'encore une fois emmêler ses pensées, à tel point qu'il lui était incapable de réfléchir correctement.





— Ça tient toujours, pour
le parc d'attraction ?





Elle lève la tête pour lui faire face, surprise d'entendre sa voix et encore plus par ce qu'il venait de demander. Pendant qu'elle le regarde, il sourit. Il en était sûr, maintenant. Ses yeux étaient bleu comme le ciel. Un ciel pur, sans nuage, où l'on se perds pour ne plus jamais se retrouver. Bleu ciel.








Elle ne lui dira jamais
qu'elle entendait les battements
de son cœur
cogner fort dans sa poitrine
comme une mélodie fracassante,
comme un feu d'artifice,
comme un coup de foudre.

UN CAFFÈ LATTE, S'IL VOUS PLAÎTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant