Chapitre 3 : David-Noémie

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Scène 1 (David.)

En entrant sur le terrain, on perçoit beaucoup plus les cris venant des gradins. Les supporters complètement dingues brandissent leurs pancartes. Le commentateur annonce l'arrivée des Cheetah.

Les Cheetas, c'est nous. Les supporters nous acclament, nous encouragent. Voilà, on y est. À ce fameux terrain de final. Notre coach, Monsieur Georges, se trouve sur son côté. Avec les gars, on s'aligne, tout droit, dans nos tenues jaunes assorties. Comme à l'entrainement. Au début, c'était tellement galère : on avait aucune coordination. Et aujourd'hui, par le trac (l'angoisse surtout), l'adrénaline du moment, on ose plus dire un seul mot. On peut dire qu'on n'est pas vraiment là pour discuter.

Le commentateur annonce le moment tant attendu. Il annonce l'arrivée de l'équipe avec qui nous partageons le dernier match de la saison. La final, contre les Beavers.

Je ne sais pas si vous avez déjà vu un castor ? On pense à un « petit » rongeur avec de longues dents, et une longue queue. Eh bien là, ce sont tout sauf de « petits » rongeurs. Ce sont des putains de mecs qui font quatre fois notre taille et nos muscles. Pour ce qui est des dents, ils n'en ont pas d'aussi longues (heureusement, sinon j'aurais sûrement montré la vitesse maximale à laquelle je peux courir). Ils sont tous sauf accueillants (après, y a-t-il vraiment une équipe accueillante dans le rugby, et encore plus dans ces circonstances ?).

Leurs supporters se mettent à hurler leurs noms. Ils sont plus nombreux et beaucoup plus brutaux que les nôtres. Les Beavers crient aussi. Leur capitaine, Jordan, en faisant un 360° sur lui-même, croise mon regard. Tout semble ralentir. Nos regards durent une éternité. J'ai le temps de tout ressentir, mes mains deviennent un peu moites en analysant la manière dont il me regarde. Un mélange de fascination et de stress m'envahit. C'est un regard menaçant, du style « je vais t'écraser, peu importe comment tu t'en sortiras, par la suite ». Pendant cette longue seconde, j'ai aussi l'occasion de croiser le regard de mon entraineur, qui se veut rassurant. Je me rends compte alors, que devant Jordan, je suis totalement recrobillé. J'étais en train de m'écraser devant lui. Je me redresse, et soulève son regard. Son petit sourire se crispe pendant une fraction de seconde. Il n'est pas confiant.

Les cercles se forment. Ce sont les derniers instants de discussion avant le « carnage ». Mon regard se voile pendant trois secondes. Mais quelque chose change, je ne saurai dire quoi. Mais ce n'est pas le moment d'y penser. On répète une dernière fois notre tactique, et partons en match.

Les premières passes se font envers et contre nous. Les supporters crient, tout en ne perdant aucune seconde au match. Les Beavers sont forts, mais nous le sommes aussi. Ils ont l'agressivité, nous avons la tactique. Quelque chose me dit que je ne sortirai pas indemne de ce match... Notre équipe marque treize points dont huit par mon jeu. Les Beavers prennent le rythme avec douze points : dix par le jeu de Jordan...

Il n'est pas là pour faire gagner son équipe, mais pour faire perdre la mienne. C'est lui ou moi. J'ai à peine le temps d'y penser, que la sonnerie de mi-temps résonne. Les spectateurs sont nerveux et donc, déchainés. Après quelques minutes à les chercher dans les gradins, j'aperçois ma mère et mon père. Tous les deux maires de la ville et parents du capitaine de l'équipe, ils ont plutôt une place privilégiée. Nous nous échangeons un sourire et quelques signes de mains, avant que j'aille rejoindre les Beavers.

C'est là que le temps semble s'arrêter. Tout ralenti autour de moi. Le même voile passe devant mes yeux. Une douleur s'installe dans ma gorge et se glisse dans mon torse. Ma respiration semble, elle aussi, s'être arrêtée. Là, sur le parking. Que je ne vois que grâce à une petite fente de quelques centimètres à peine, entre les deux gradins. Sur le parking, à côté de la voiture de ma mère, une silhouette dans l'ombre semble me fixer. Je cligne des yeux et le temps reprend son court. La douleur est toujours présente dans mon torse et se traduit plus comme un poids. Je respire profondément. J'aurais aimé aller jeter un coup d'œil, mais le match ne m'attendra pas. Ce n'était sûrement qu'un gros chien.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 19, 2021 ⏰

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