Taehyung

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« Jungkook ! »

C'est pris de panique et a bout de souffle que j'ouvre la porte de sa chambre, sans aucune délicatesse. J'avais oublié toutes notions de politesse suite à cet effroyable appel reçu plus tôt.

Ce qui me vient au yeux, ce n'est pas Jungkook, mais les médecins et infirmières éteignant et emportant les machines auxquelles il avait été branché peu après notre baiser. L'inquiétude se mélange alors à l'incompréhension, puis à la colère. Ils sont là, à parler et agir comme s' ils faisaient les courses, sans aucun respect pour le principale concerné.

« Qu'est-ce que vous faites ? Arrêtez !, cris-je affolé et nerveux. Il en a besoin ! »

Tout ce que je reçu comme réponse c'est de piètres excuses et des regards faussement compatissant tandis qu'ils s'en vont un par un. La pièce s'est alors vidé, plongée à présent dans un silence de mort.

Lorsque la porte se referme derrière moi, mes yeux se permettent enfin, de se poser sur Jungkook et l'image qu'il m'offre resserre davantage le nœud présent dans ma poitrine. Son sourire rayonne encore malgré son teint fade, ses joues creuses et ses yeux, ses si jolis yeux noisettes qui ont perdu de leurs éclats. Il tend sa main en ma direction et, posant rapidement mon étuis de violon au bout du lit, je la saisis sans attendre non sans délicatesse, la peur de le briser étant bien plus forte.

Mon être entier est tiraillé par trop d'émotions. Je crains qu'à tout moment, je n'explose et je ne veux pas, pas devant lui.

« Hé, monsieur le violoniste, dit-il d'une voix presque éteinte. »

Ses premiers mots me brisent, je les sens me casser en un millier de morceaux. La douleur que je ressens monte soudain dans mes yeux, c'est si rapide et puissant que je ne peux rien contrôler. J'embrasse sa main, cherchant du réconfort et tentant de reprendre le contrôle sur mes émotions.

Mais rien n'y fait, je ne peux retenir cette souffrance qui afflue sur mes joues.

« Ne pleure pas. »

Je serre sa main, comme si sa vie en dépendait, si je continue de la tenir fermement alors il ne me quittera pas. Je lui partage ma chaleur et ma douceur dans l'espoir de lui redonner des couleurs, la vie qui semble petit à petit s'échapper de son être.

Je me berce d'illusion car c'est presque tout ce qu'il me reste pour pouvoir affronter la réalité qui nous frappe soudainement.

« Jungkook... je...

- C'est ma décision. »

Mon étreinte autour de ses doigts lâches, je ravale mes larmes et mes oreilles sifflent. L'incompréhension s'intensifie, mon esprit se brouille et je ressens comme de l'amertume me retourner l'estomac.

Jungkook garde un léger sourire sur son visage tandis qu'il se redresse péniblement, il aborde une expression sérieuse et tendre à la fois. Depuis mon arrivée, il ne perd pas son sourire, un sourire qui l'accompagne depuis le début de notre histoire.

« C'est mon choix Taehyung, il n'y a à blâmer personne, ni toi, ni moi. Je suis seulement... réaliste ou peut-être juste lâche ?, rit-il.

- Enfin, Jungkook... Pourquoi ? »

Cette fois, c'est lui qui attrape ma main et la serre de ses maigres forces. Je vois ses yeux se remettre à briller tandis que son sourire s'agrandit. Cependant, le bord de ses lèvres qui tire vers le bas trahit ses émotions, il baisse la tête pour le cacher mais je sais, je sais qu'une envie irrépressible de déverser sa peine lui prend la gorge.

« Je ne veux pas mourir seul. »

Il chuchote ses mots, comme s' il avait honte de ses paroles. Les minutes passent, je n'entends ni sanglots ni balbutiement, il a toujours la tête baissée et tient ma main contre son front. Ses fortes respirations laissent entendre un léger tremblement dans le fond de sa voix, je ne sais que dire. Je le regarde seulement et je me sens impuissant car pour la première fois je ne sais pas quoi faire. Lui qui ne semble pourtant chercher que chaleur et réconfort.

« Jungkook.

- Depuis toi, murmure-t-il en relevant la tête. Depuis toi, j'ai pris peur.

- Peur ?

- Non pas de la mort elle-même, mais de mourir seul avec moi-même. »

Ça devient insoutenable, son regard brisé et ses paroles, ce flot d'émotions incontrôlable qui me tord les tripes. Je n'en peux plus. Je n'ai plus rien à quoi m'accrocher, il faut que je stoppe ça.

Je me jette sur ses lèvres, ses lèvres que je n'ai embrassées que cette fois dans ce qui était devenu notre jardin secret. Mes mains entourent ses joues, je ne sais dire si ce baiser est plus intense que le premier que nous avons partagés. Mais il est clair que nous échangeons tous nos sentiments à travers ce dernier.

C'est à la fois fiévreux et passionné puis fragile et délicat.

Je le retiens, je le retiens de toutes mes forces. Ce baiser est un remède, il va le sauver n'est-ce-pas ? Je veux y croire, je suis certain que Jungkook y croit.

Je m'éloigne de lui sentant ses mains tremblantes glisser le long de mon cou. Il me sourit d'un air amusé alors qu'il peine à reprendre sa respiration.

« Mon dieu, je suis désolé !

- C'était magnifique Taehyung. »

Il parvient a m'arracher un sourire, un sourire sincère que je n'avais pas su lui offrir depuis mon entrée dans la chambre. Mon cœur est plus paisible, bien que la mort soit aux aguets. Nous nous regardons les yeux dans les yeux, c'est comme si j'appréciais un couché de soleil dans la Savane.

Il me quitte alors, pour laisser son corps se reposer au fond du lit, une expression soulagée flottant sur son visage.

Mon cœur tombe de haut en sentant la fin approcher, j'imagine que lui même la sens car c'est doucement qu'il pointe l'étui à violon.

« S'il te plaît Taehyung, interprète moi une de tes compositions. »

La peur de lâcher sa main, de détourner les yeux seulement un instant de lui et ainsi de le perdre, me prend à la gorge. Mais, je me plonge dans son regard rempli d'envie et même mon égoïsme ne saurait refuser.

Alors, doucement je me lève, les oreilles fixés sur sa respiration et sort mon violon. Je me prépare, me positionne face à lui, prend une grande respiration et je laisse la mélodie animer la pièce.

A aucun moment le contact de nos yeux ne rompt, à aucun moment il ne montre un signe de faiblesse, il semble si serein et apaisé. Nos premiers cours me reviennent en mémoire, son expression si attentive et fascinée lorsqu'il me regardait jouer, la façon qu'il avait de bouger la tête au rythme de la mélodie et ce comportement enfantin lorsqu'il m'applaudit.

Tous ces souvenirs, tout ce qui a fait que je suis tombé amoureux de ce jeune homme, notre histoire est courte mais éternelle.

Ce n'est que vers la fin, que ses paupières tombent doucement, simplement comme s' il s'était endormi, le sourire aux lèvres.

Pour ma part, je ne possède qu'un sourire triste et quelques larmes pour cette fin.

Le silence retombe à la dernière note, puis je reste un instant debout à le fixer. Mon corps entier tremble car il sait, je sais. Mais, c'est calmement sans trop de bruit que je m'approche de lui. Mes doigts caressent sa main gelée que je porte à mes lèvres, puis de mon autre main je dégage une mèche de ses cheveux, admirant l'homme que j'aime. Je laisse mes larmes se déverser car de tout manière, je n'ai plus aucune raison de tout retenir.

« Bonne nuit, Jungkook. »

J'embrasse ses douces lèvres une dernière fois.

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