Chapitre 2

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Une petite semaine à passé depuis mon arrivée dans cette nouvelle école. D'un naturel sociable je n'ai pas traîné à m'y faire toute une bande d'amis, la plupart d'entre eux habitant dans le même quartier que moi. Il est aux alentours de 15h00 et madame Moreau nous fait apprendre la conjugaison des verbes du premier groupe au futur simple de l'indicatif. Et tandis qu'elle surveille que tout le monde prend bien en notes ce qu'elle vient d'inscrire sur le tableau, son attention est soudain retenue par un détail bien significatif: Amélie se dandine nerveusement sur sa chaise.
-''Amélie, est ce que tu as envie d'aller aux toilettes?'' Demande t'elle d'une voix compréhensive.
-''Oui...mais je peux pas y aller. Il y a encore du caca partout!'' Chouine aussitôt l'intéressée.
-''Tu es vraiment sure que tu ne peux pas faire un effort? Même les filles de CP elles y vont malgré tout.''
-''Oui mais moi je ne peux vraiment pas. Si j'y retourne je vais vomir.''
-''Bon, j'aurai au moins essayé. Alors puisque tu ne veux rien entendre, reste là à te retenir jusqu'à 16h. Moi je baisse les bras.''
Le cours de conjugaison reprit donc ses droits comme si de rien n'était. Plongés le nez dans nos cahiers, nous en oubliâmes totalement la détresse de notre camarade. Ce n'est que dix bonnes minutes plus tard que des rires et des chuchotements se mirent à envahir la salle.
-''Regarde, y'a la moufette qui chiale.'' Me fit remarquer mon ami Maxime.
Et en effet, seule à sa table, Amélie s'était mise à pleurer en silence. Et il ne fallut pas attendre trois secondes de plus pour apercevoir le filet d'urine qui commençait à dégouliner depuis sa chaise.
-''Elle a pissé dans sa culotte!'' Chantèrent en cœur tous les garçons présents dans la classe. D'autres remarques fusèrent aussitôt, telles que: ''Amélie est un bébé qui pue'' ou encore ''Amélie est une moufette.''
Mais l'intéressée ne broncha pas. Elle se contenta juste de continuer à pleurer, le visage caché dans ses mains tandis que ses pieds baignaient à présent dans la flaque qui s'était répandue sous elle. De son coté la maîtresse aussi semblait lassée par la situation, à un tel point qu'il n'y accordait plus la moindre attention. Elle avait fait ce qu'elle pouvait, un point c'est tout.
Il fallut dix autre minutes à Amélie pour arrêter de pleurer et lorsque la cloche de 16h annonça la fin des cours, elle ramassa ses affaires comme si de rien n'était tandis que tous les regards étaient braqués sur l'auréole sombre qui ornait à présent le leggings rose pale qu'elle portait sous sa robe. Oui, tout le monde rigolait d'elle et pour ne pas m'isoler du groupe je choisis délibérément de les imiter.

Était ce le karma, était ce le destin ou tout simplement la malchance? Toujours est il que ce jour là Amélie ne fut pas la seule à pleurer. Alors qu'avec mes parents nous venions de terminer de dîner, ma mère entreprit de trier le linge pour lancer une lessive. Elle poussa alors un cri strident que j'identifiais comme mon prénom et me demandant bien ce que j'avais pu faire, je m'approchais avec prudence de l'épicentre du hurlement pour connaître mon tort, bientôt talonné par mon paternel.
-''C'est quoi ça?'' Me demanda maman en pointant du doigt le fond d'un de mes caleçons très légèrement bruni.
-''Mais maman, je t'ai dit que les toilettes de l'école...''
-''Réponds à la question!'' Me coupa t-elle.
-''Une petite trace...''
-''Et ça?'' Continua t-elle en s'emparant d'un autre de mes sous vêtements. ''Et celui la? Tiens, et celui ci aussi!''
Avant que je n'ai eu le temps de comprendre ce qu'il m'arrivait, un violent impact claqua contre ma joue droite et totalement pris au dépourvu je me retournais en direction de mon père.
-''Non mais tu as quel âge pour chier dans ton froc?'' Gronda t'il.
-''Mais j'ai pas fait caca dans ma culotte...''
Avant que je n'ai eu le temps de terminer ma phrase, une deuxième taloche vint cette fois ci entrer en collision avec ma joue gauche et je ne pus rien faire d'autre que d'éclater en sanglots devant cette sanction autoritaire si injuste.
-''Baisse lui son pantalon.'' Ordonna maman alors que je n'osais plus bouger d'un cil ni émettre la moindre parole. Papa s'exécuta aussitôt, dévoilant à leurs yeux un nouveau caleçon qui n'avait rien à envier aux autres. ''Quelle honte! Tu n'es qu'un petit merdeux! File dans ta chambre!''
J'obéis sans demander mon reste tandis que maman continuait de hurler dans mon dos. Et une fois la porte fermée, alors que je commençais à me croire en sécurité, mon père débarqua pour me plaquer au matelas et me coller la fessée la plus douloureuse de toute ma vie. J'eus beau le supplier d'arrêter, il frappa encore et encore jusqu'à me mettre le postérieur en feu. Et lorsqu'il cessa enfin, il me promit que la prochaine fois serait encore pire si jamais il devait encore trouver une seule fois un caleçon souillé dans le panier à linge. Et en attendant j'avais ordre de nettoyer à la main toutes mes bêtises. Il m'escorta donc d'une main ferme jusqu'à la salle de bain où tous mes caleçons m'attendaient, formant un tas multicolore dans le fond du bidet, puisque c'était là que j'étais sensé accomplir ma besogne avec pour seule aide un peu de savon et beaucoup d'huile de coude.

Je passais donc la soirée à effectuer ma lessive ingrate, ma mère revenant me trouver toutes les cinq minutes pour inspecter mon travail tout en m'humiliant par ses petits commentaires cinglants. Elle me répéta sans cesse quel bébé j'étais et à quel point l'envie la démangeait de raconter à mes nouveaux camarades de classe que je faisais encore dans ma culotte comme un gosse. Et moi je frottais du mieux que possible pour effacer les traces de mon passage en ne comprenant pas ce que j'avais fait pour mériter ça. Depuis le début tout était de leur faute. Et d'une, pourquoi ce déménagement si soudain? Et de deux, pourquoi cette école minable? Et de trois, pourquoi refusaient t'ils de m'écouter à propos de la répugnance des toilettes? Et de quatre, pourquoi m'humilier ainsi alors que la machine à laver pouvait se charger de cette besogne aussi bien que moi? Tout ça était tellement injuste et mes larmes n'y changeraient rien. Et tandis que je continuais de pleurer, l'image d'Amélie me revint en mémoire. Au final je ne valais pas mieux qu'elle. Moi aussi j'étais une moufette qui ne parvenait pas à utiliser les toilettes. Et dire que j'avais osé me moquer d'elle...

La moufetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant