Il y a une question que bien des membres d'ABK se posent: «est ce que nous naissons AB/DL ou bien tout ça n'est il que la conséquence d'un traumatisme ou d'une suite d'événements imprévisibles?» Pour ma part j'ai la réponse depuis bien longtemps. Je ne suis pas né ainsi mais je le suis devenu. Chaque soir où j'ai nettoyé mes slips en grimaçant, jamais je n'aurais cru qu'un jour j'aimerai porter des couches et retomber en enfance. Mes parents me conditionnaient tellement à grandir pour devenir l'adulte qui les rendrait fiers, la simple idée de perdre en maturité m'aurait probablement condamné à me prendre une violente fessée. Il a pourtant suffi d'un déclic, un petit rien qui a déclenché un big-bang, l'effet papillon qui a fait prendre un nouveau tournant à ma vie.
Lorsque je me suis levé ce matin là, je savais déjà que la journée allait être longue. Tous mes camarades de classe m'avaient vu consoler Amélie après son accident. J'étais même resté avec elle après la fin des cours. Il n'en faudrait pas plus à cette bande de crétins pour me sauter sur le poil. Et sachant pertinemment ce qui allait m'arriver, j'étais déjà de fort mauvaise humeur en quittant mon lit. J'avalais donc mon petit déjeuner sans dire un mot et je n'en prononçais pas beaucoup plus tandis que mon père me conduisait à l'école. A mon arrivée, Amélie m'attendait à l'entrée de la cour. Et par la même occasion elle évitait aussi d'entrer seule dans l'arène. Nous le fîmes donc ensemble et il ne nous fallut pas attendre plus de quinze secondes pour entendre les premières moqueries.
-''Regardez qui arrive? C'est la moufette qui pue le caca et son amoureux.''
Cette réplique provenait tout droit de la bouche de Damien, un des gars de ma classe qui ne brillait pas par son intelligence. Une fois encore il en faisait la preuve. Il s'approcha de nous en rigolant et continua ses railleries.
-''Alors la moufette, t'as mis une couche aujourd'hui?''
D'un seul coup je sentis mon sang bouillir dans mes veines et avant qu'il n'ait eu comprit ce qu'il lui arrivait, je lui avait balancé mon poing en plein milieu du visage. Ne s'attendant pas à une attaque si soudaine, il trébucha en arrière et se retrouva le cul par terre. Ce fut alors mon pied qui fusa dans sa direction et entra en collision avec sa mâchoire. Damien s'écroula au sol en pleurant et moi j'étais dans un état second. Jamais je n'aurais eu l'idée de m'en prendre à une personne à terre, jamais avant aujourd'hui. Me tenant à califourchon au dessus de lui, j'ai commencé à faire pleuvoir les coups sans me préoccuper de ce qu'il se passait autour de moi. Il n'y avait plus d'école, plus de camarades, plus de moufette et plus de toilettes à la turque. La rage m'aveuglait, me permettant juste de voir la proie sur laquelle je faisais s'abattre toute la tension que j'avais accumulé au cours de ces derniers jours. Et d'un seul coup je sentis mon corps se faire soulever sans rien comprendre de ce qu'il se passait. C'était monsieur Leroy, l'instit des CM2, qui était intervenu pour me séparer de Damien. D'un seul coup la réalité refit surface et je compris que j'étais allé un peu trop loin. Hélas c'était un peu tard pour y réfléchir.Lorsque le dirlo arriva, il ordonna à tous les élèves de se rendre dans leurs classes respectives et d'y attendre leurs instituteurs. Peu désireux de me prendre une engueulade dès huit heures du matin, je me glissais dans le troupeau comme si de rien n'était, mais quand madame Moreau fit son retour vingt bonnes minutes plus tard, elle était escortée par monsieur Lantier qui se planta devant ma table.
-''Alors, la Truffière. Si on discutais un peu, toi et moi?''
-''Je n'habite plus la Truffière et j'ai rien à vous dire!''
-''Il va pourtant falloir que tu m'expliques ce qu'il s'est passé.''
-''Damien m'a insulté, je me suis défendu. C'est tout.''
-''Si tu n'avais fait que te défendre, tu ne lui aurais pas cassé le nez et deux dents de devant.''
-''J'ai pas l'habitude de me laisser faire quand on me cherche!'' Répliquais je.
-''Sauf qu'on est plus au moyen âge. Et on n'est pas non plus dans ta campagne profonde, ici c'est le monde civilisé. Tu sais que je viens d'appeler ton père?'' Monsieur Lantier marqua une pause pour observer ma réaction. ''Et tu sais quoi, La Truffière? Il m'a répondu que si tu t'es battu c'était forcément pour une bonne raison et que du coup tu as bien fait de ne pas te laisser faire. Non mais c'est quoi le problème dans votre famille?''
J'aurai été dans mon état normal, je crois bien que j'aurais éclaté de rire sous le coup de la surprise. Ce n'était pas l'habitude de mon paternel de prendre ma défense et pour une fois que j'étais totalement coupable d'un cas de mauvais comportement, il était là pour me soutenir. Et tandis que je pensais à ce paradoxe, le dirlo plaqua sur ma table une feuille photocopiée.
-''Voici une partie du règlement intérieur que tes parents ont signé en même temps que ton inscription. Qu'est ce que tu lis ici?'' Grogna t-il en désignant du doigt un ensemble de lignes. D'une voix lente et hésitante d'élève de CE1, je fis l'effort de bien articuler et de n'écorcher aucun mots.
-''Article 12: toute violence physique ou morale dans l'enceinte de l'établissement est rigoureusement interdite et sera sévèrement sanctionnée.''
-''Et tu sais ce que ça veut dire? Ça veut dire que si tu te bats dans la cour de récré, tu te choppes aussitôt une punition. Alors tu vas commencer par écrire une lettre d'excuses pour ton petit camarade. Je vais te la dicter.''
-''Je ne m'excuserai pas!''
-''Comment?'' S'exclama le dirlo. ''J'ai du mal entendre?''
-''C'est lui qu'a commencé. Moi je me suis vengé. Y'a match nul. J'ai pas à m'excuser.''
-''C'est soit ça, soit tu me copies deux cent fois cet article du règlement intérieur.''
-''Je préfère encore le règlement intérieur.''
-''D'accord, on verra déjà si tu dis la même chose dans une heure. Madame Moreau va te donner une feuille blanche pour que tu commences tout de suite. Déjà quand tu l'auras copié cinquante fois, je parie que tu me demanderas de revenir en arrière. Et tant que tu n'auras pas terminé l'une ou l'autre, tu seras privé de récré. En voyant par la fenêtre tous tes copains qui s'amusent dans la cour, peut être que là aussi ça te fera changer d'avis.''

VOUS LISEZ
La moufette
Ficción GeneralAuteur original : JeffToddler Literature / Prose / Fiction / Family Life / Short Stories / ABDL