La Porte du Roi : Entrave Scellée - Tome II

Chapitre 1

MARIAGE

Coutumes et traditions

Dans la plus antique tradition élonite, la mariée est amenée au coucher du soleil au pied de l'autel de l'Union Sacrée, après s'être parée de rouge. Elle est conviée à se recueillir avant que son époux ne vienne la chercher au crépuscule. Dans une ultime prière aux dieux, le couple se retire dans la suite nuptiale. Toutefois, à l'inverse de certaines cultures, le mariage n'a pas à être consommé pour être valide. La présentation de leur alliance aux dieux constitue un acte suffisant pour légitimer leur engagement. On retrouve cependant une coutume parallèle dans les chroniques royales bahramite et ashkanite. Dans le cas d'un harem considérable, l'époux n'est pas toujours à même de témoigner de l'attention à sa nouvelle concubine. Auquel cas, si ce dernier communique son accord, un prêtre peut agir par procuration et conduire la jeune mariée dans la suite nuptiale où, le plus souvent, elle passe la nuit seule.

– Encyclopédie polymathe de la culture antique et des civilisations (1849)

***

Tout paraissait si grand. Si grand et si vide. Le bruit de ses pas résonnait sur les dalles poussiéreuses de la chambre. Ehsan inspira profondément. La pièce sentait le renfermé, et l'usure des volets en bois qui barraient les fenêtres laissait deviner qu'elles n'avaient pas été ouvertes depuis de très nombreuses années. Peut-être même que ce lieu n'avait pas servi depuis que Dastan était devenu roi et que les femmes de son gynécée avaient quitté ce harem pour celui, plus vaste et plus luxueux, de la Porte des Plaisirs.

Des servantes l'avaient conduite du Palais du Prince au sérail et lui avaient présenté cet endroit comme sa chambre. Une chambre démodée et sale, certes, mais un petit effort et elle lui conviendrait très bien.

Ehsan retira le manteau de Shahin qui reposait encore sur ses épaules. Elle l'abandonna sur la malle béante remplissant à elle seule la fonction de mobilier et de décoration de la pièce. Maintenant isolée, elle n'avait plus honte de dévoiler son corps. En effet, elle portait toujours ce maudit costume de danseuse qui venait de bouleverser toute son existence. Jusqu'alors, elle pensait avoir bien géré ce retournement de situation, mais désormais, les doutes l'envahissaient. Elle s'adossa à un mur d'un vert défraîchi et se laissa glisser au sol. Ses mains tremblaient et son estomac se tordait dans tous les sens. Elle avait confiance en Shahin, cependant, cette grande inconnue qu'était la vie au harem la terrifiait. Peut-être même craignait-elle aussi un peu ce mariage.

Alors qu'elle commençait à peine à réaliser ce dans quoi elle s'embarquait, trois coups retentirent sur la porte de sa chambre. Hésitante, elle balbutia un « entrez » peu persuasif. Le battant s'ouvrit sur un eunuque du sérail au visage familier. Elle fut immédiatement soulagée.

« Ben ! » s'exclama-t-elle.

Elle se précipita dans ses bras, mais il se dégagea. Sa mine était fermée, son sourire, absent.

« Ben... »

Cette fois-ci, elle s'était exprimée avec moins d'enthousiasme et davantage de douceur.

« Je peux tout t'expliquer. »

Ehsan connaissait bien son frère de cœur, et elle savait qu'à cet instant précis, il mourait d'envie de pleurer. La façon dont ses mâchoires se contractaient et dont ses narines se dilataient ne pouvait pas la tromper. Elle l'avait blessé.

« Pardon, Ben. Tout ça s'est déroulé si vite et j...

— Est-ce qu'il t'a laissé le choix ? la coupa-t-il.