Chapitre 19 ~ Les Décisions Stupides

214 16 6
                                    

Les vacances s'étaient terminées, et avec elles, les derniers beaux jours d'automne avaient disparu. Les nuages gris s'accordaient assez bien avec l'humeur maussade de Ben, qui aurait bien aimé resté un peu plus en vacances. Malheureusement, il allait devoir retourné en cours, alors qu'il avait l'impression de ne rien comprendre. En tous cas, retrouver ses nouveaux amis lui mettaient du baume au cœur.

Il n'avait pas repensé à ce moment (imaginé) d'intimité avec Pierre, le jour de l'audition de Guillaume. Pour tout dire, il s'était même forcé à ne pas y penser. Sa vie était parfaite telle qu'elle était maintenant. Il ne fallait pas qu'il la complique.

N'empêche qu'il aurait aimé être encore un peu plus en vacances...

Pierre, quant à lui, avait passé le dimanche soir avec son frère dans sa chambre, où ils avaient emballé ses affaires dans des cartons. Ils avaient ri, discuté et même si Pierre savait qu'il aurait dû se reposer pour être en forme pour sa rentrée, passer du temps avec son frère lui avait semblé plus important. Ils avaient fini par s'endormir dans le lit, épuisé par leur tri et leur rangement.

~oOo~

Le mois de novembre s'annonçait frais, donc Pierre avait revêtu un bonnet et une écharpe. Depuis son anniversaire, il n'avait pas reparlé à Kate, et il devait avouer qu'il ne savait pas s'ils étaient en bons termes ou non. Il aurait pu lui envoyer un message, mais il avait été bien occupé avec le départ de son frère et l'audition de Guillaume. Pour être tout à fait honnête, Pierre n'y avait pas du tout pensé.

Maintenant, il se sentait un peu bête à attendre devant son portail que la blonde pointe le bout de son nez. Toutefois, il préférait se sentir idiot que de passer pour un connard en n'étant pas présent si elle arrivait. Il ne voulait pas empirer les choses entre eux.

Finalement, il la vit arriver au loin, emmitouflée dans une doudoune bleue. Ses cheveux qui retombaient en cascade sur ses épaules courbées étaient en partie cachées par un bonnet sombre. Pierre sentit son estomac se serrer et eut un pincement au cœur. Il prit une grande inspiration et avança un peu plus sur le trottoir.

Quand elle releva la tête et qu'elle le vit, une étrange lueur dansa dans ses prunelles avant de s'en aller aussi vite qu'elle était apparue. Un sourire penaud s'installa sur ses lèvres, un peu bancal, mais Pierre le lui retourna. Bien que maladroit, ce geste était un pas vers lui. Qui était-il pour l'ignorer ?

_ Hey...

_Salut. Je ne savais pas si tu allais m'attendre aujourd'hui.

_ Je me demandais si tu allais venir, avoua Pierre.

Le regard de Kate alterna entre le sol goudronné et Pierre.

_ Tu sais, je  suis vraiment désol-...

_ Ne t'excuse pas, Kate. J'ai compris pourquoi tu as réagi comme ça. Et moi aussi je le suis.

Elle lui offrit un maigre sourire, puis ils commencèrent à faire la route pour se rendre au lycée.

~oOo~

Durant leur d'histoire, leur professeur parla à nouveau à la classe de la sortie qu'ils allaient le mercredi suivant. Les binômes avaient été constitués (Guillaume était avec Fred, tandis que Pierre et Ben étaient ensemble). Leur professeur ramassa leur autorisation de sortie et leur donna les derniers détails.

Ainsi, en milieu de semaine, toute la classe fut réunie sur le parking du lycée, vers huit heures du matin. Ben était arrivé dix minutes avant l'heure, alors que Pierre avait bien failli rater le bus. Finalement, grâce à Fred et Guillaume avaient posé plein de questions au prof après avoir été prévenu par SMS de son retard, Pierre ne l'avait pas loupé et était arrivé pile à l'heure.

Dans le bus, le groupe de quatre s'installa dans le fond, où ils pourraient être tranquilles. Fred lisait un livre en silence, Guillaume écoutait de la musique avec ses écouteurs, Pierre parcourait les réseaux sociaux et Ben...

Eh bien Ben s'ennuyait. Les premières minutes n'avaient pas été contraignantes mais au fur et à mesure, il ressentait ce besoin de bouger, de gigoter, de faire quelque chose. C'en était presque vital.

Pierre finit par le remarquer (après s'être pris un coup dans le tibia) et leva les yeux de l'écran.

_ Qu'est-ce que t'as ?

_ Je m'ennuie, répondit Ben avec une moue.

Pierre se retint de sourire puis se rapprocha de Ben (aussi difficile ce fut dans un bus). Il plaça l'écran de son portable entre eux.

_ Regarde, expliqua Pierre. Ce sont des gens qui ont pris des décisions très stupides sans forcément avoir d'argent.

_ Genre laisser une coupe de cheveux qui ne te va pas, fit-il en agitant les mains. Pardon, je t'ai coupé...

Ben se retenait à peine de rigoler.

_ C'est plus des constructions en fait, rétorqua Pierre en gloussant aussi. Des constructions.

Ils regardèrent quelques images jusqu'à tomber sur celle d'un pont dont l'ombre des trous sur les barrières, lorsque le soleil décline dans le ciel, dessinent sur les pavés des pénis. La première réaction des adolescents fut d'éclater de rire.

_ Mais pourquoi ? demanda Ben entre deux hoquets de rire.

_ Quand-est-ce que tu t'y rends à ce pont ?

_ Mise en contexte.

Pierre se tourna vers Ben et déclara, se mettant dans son rôle :

_ Ça fait deux ou trois soirs qu'on se voit, c'est bien entre nous au lit, mais je me dis qu'on peut peut-être... avoir une relation.

Ben désigna le sol d'un geste de la main.

_ Tu vois des cadenas ?

_ Tu vois des petits cœurs qui se dessinent ?

Ben éclata à nouveau de rire, se penchant en avant.

_ Tu crois que le soleil crée des petits cœurs ?

Ils firent glisser l'image et une nouvelle apparut : elle montrait deux urinoirs qui se suivaient dans l'angle d'un mur. Encore une fois les deux adolescents voulurent faire une mise en contexte.

Pierre se tourna un peu et Ben s'avança sur son siège se sorte qu'ils ne soient pas côte à côte mais que leurs bras se touchent toujours.

_ Et donc heu... Toi alors avec Kate ?

Pierre rit. Ses joues étaient un peu rouge d'embarras. Il ne savait pas pourquoi mais la mention de Kate lui avait mis un nœud à l'estomac. Il chassa rapidement ses pensées et préféra changer de conversation.

_ Surtout ce moment où le mec doit s'égoutter un petit peu...

_ Fais le mouvement d'épaule.

Pierre s'exécuta, se retenant de partir en fou rire.

_ Fais gaffe, parce que tu m'égouttes moi-même en même temps.

_ Tu m'égouttes mais j'ai pas fini.

_ Donc en fait j'en fous partout.

Les deux adolescents n'en pouvaient plus. Leurs rires (surtout celui de Ben) résonnèrent dans tout le bus. Quelques minutes après à peine, ils furent arrivés à destination. Ben se dit que finalement, le trajet ne lui avait pas paru si long grâce à Pierre.

Le Verrecroce... au lycée ?!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant