Pinceau qui s'afute, alors elle pose les bols blancs des autres. Marie coeur quand marie tangue. si l'oubli est immoral , marie range. si elle même oublie, marie mange.
elle pose les bols des autres. et par habitude en remplit trois.
un pour toi un pour moi un pour la petite marie.
Mais la petite marie n'est plus petite. on sait d'elle qu'elle a grandit. es-ce que grandir ce n'est que prendre plus de place? Es-ce que ce n'est que regarder dehors et ne voir que son reflet sur la vitre? es-ce que c'est vivre inutile?
si oui, alors marie a grandit, comme on le dit.
parfois la douce lumière dans la salle à manger de chez elle lui manque. elle lui manque parce-que ce matin, dans son petit studio, marie n'arrive pas à romancer sa vie. elle se dit que peut-être, ce serait plus simple avec une lueur dorée du matin qui se déposerait sur son müsli fatigué, une couette d'illusions transparente.
Parce-que là, marie laisse tomber ses yeux sur sa bouillie matinale, grise. Et elle ne se sent pas très glamour.
Ce n'est pas sa faute ni la faute aux flocons d'avoine, eux ils lui rendent de bons et loyaux services, sous forme de maximum de protéines pour le prix le plus bas. non, ce n'est pas de sa faute si elle n'a pas pu se payer les fruits et les noix qu'elle aurait rêvé d'y ajouter. ce n'est pas de sa faute si le matériel pour les études lui a coûté les trois quarts de ses économies, et que pour un semestre. Ce n'est pas de sa faute que les coûts du prochain seront pires.
de toute façon marie a abandonné l'idée de se sentir humaine dernièrement.
elle se sent machine, elle se sent vide, elle ne se sent pas.
et tout ce qui l'entoure fait bien de lui rappeler.
marie n'essaye plus de se poser de questions, mais elles viennent quand même.
qu'es-ce que tu aimes? Es-ce que tu aimes? Es-ce que tu es? qu'es-ce que tu es?
Elle ne sait pas et vous non plus. alors chut, on a servit le petit déjeuner.
on a mit de la musique en fond pour oublier que le studio est vide, vide, vide.
vide, dans une ville pleine. antimatière dans une fourmilière.
marie a toujours voulu un chat. un félin aux yeux gris, calculateurs, qui ronronnerait sur ses genoux et qui romancerait sa vie un peu au moins. qui ferait n'importe quoi mais elle ne lui en voudrait pas. Mais quelqu'un a décidé qu'elle n'en aurait pas le droit.
alors marie décide de fumer. marie décide de fumer alors qu'elle déteste ça. marie fume parce-que c'est plus simple que d'avoir un chat. marie fume et ouvre la fenêtre, et dans la grisaille elle souffle la sienne. Elle regarde dehors et essaye de voir les belles choses comme toujours, pour se faire croire que la vie qu'on lui a vendue elle est bien là.
parce-que marie est un peu artiste dans l'âme, mais il ne faut pas le dire à son papa.
il ne faut pas le dire à son temps, à ses cours, à son compte en banque.mais marie elle se dit que elle n'a pas de légitimité dans cette façon de penser.
elle n'y a pas le droit, elle ne sait même pas dessiner.
mais si elle avait un croissant là, un croissant qu'elle tremprait dans du café crème, peut-être que la fumée passerait dans le décor. Peut-être qu'elle serait dans un film français genre nouvelle vague, peut-être que les cris des voisins à 3h du mat n'auraient pas fait naître de cernes sous ses yeux.
marie est seule, seule, seule. et elle aime ça.
mais personne ne la croit. parce-que marie n'aime pas son monde, donc on croit qu'elle n'aime pas l'amour.
marie a du mal a être. grande, ou pas.
mais il lui reste deux bols en trop à boire, parce qu'il fut un temps, elle avait l'habitude de tout préparer pour partager des petits moments avec ses parents.parce-que le petit-déjeuner c'est le repas le plus important de la journée. normalement. si on peut se le payer.
si on ne doit pas courir au bout du temps pour son travail achevant, si on ne doit pas colmater les trous avec ce qu'on a sous la main.
parce-que personne est riche plus tard, à part les riches.
mais la vie et les prix ce sont les leurs.
ce ne sont pas les prix de marie.
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couverts pour trois
Poetryet tu m'oublieras comme toutes tes toiles, une fois que les couverts ne seront plus que pour trois, une fois que le froid engourdira ta lame, une fois que le vert triomphera du bleu.