Bienvenue au Sweetenstein - Tome 1 - Edité

4.

Bjorn et moi avons accompli un travail de dingue. Jour et nuit, pendant plus d'une semaine, nous avons effectué une étude complète dont l'objectif était de connaître le terrain quasiment par cœur. En parallèle, nous avons fourni le même effort pour faire illusion aux yeux de nos abonnés et du gouvernement – mon ami est persuadé que nous sommes sous surveillance depuis qu'il a épluché le règlement d'entrée au Sweetenstein. J'avoue que j'ai mis de côté les quarante-deux pages qui régissent mon accueil là-bas. Je sais déjà que je vais enfreindre leurs lois, alors à quoi bon me faire encore plus peur ?

Il nous reste un problème de taille à résoudre : trouver un complice sur place qui pourra se charger de récupérer tout le matériel nécessaire. Ce n'est pas comme si l'on pouvait publier une story sur Instagram pour demander à un habitant du Sweetenstein de se signaler afin de trahir son pays. Ivar est sur le coup, mais c'est un nounours très gentil ce qui m'apporte des doutes quant à son succès et titille mon impatience, car notre expédition a de grandes chances de capoter. Tant que je ne me trouverai pas au sommet du Mont Candy, je n'y croirai pas. Je m'accroche à l'infime espoir que le hasard m'a accordé en me sélectionnant pour les festivités données en l'honneur du prince Alessandro.

D'ailleurs, je me suis amusée à réaliser une recherche sur lui et je dois dire qu'il est plutôt bel homme. Loin d'un gars en collants et chemise à jabot, il semble classe et sportif. Les médias ne tarissent pas d'éloges à son sujet. Fils aîné d'une fratrie de trois, il a accédé au pouvoir il y a deux ans lorsque son père est tombé gravement malade. Aucune information n'a été communiquée sur son état de santé depuis, mais aucun avis de décès n'a été rédigé non plus. L'ancien prince régent est probablement encore vivant. Alessandro De Luca semble avoir conquis le cœur des sweeties et tous louent ses qualités humbles et prospères.

Depuis sa naissance, ses parents organisent quatre jours de festivités pour son anniversaire. C'est à cette occasion que les frontières s'ouvrent pour laisser passer quelques étrangers triés sur le volet. Leur volonté de raréfier les allées et venues sur leur île est liée à un souci de protéger leur écosystème. Ces trentièmes réjouissances vont me permettre de fouler ce sol relativement indemne de pollution. Bien sûr, le Sweetenstein s'est modernisé et les infrastructures ressemblent aux nôtres. Mais avec seulement trente mille habitants et une unique grande ville, la faune et la flore sont incroyablement préservées.

Les photos que j'ai pu trouver sur le net m'emplissent d'exaltation. Ma hâte surpasse toutes celles que j'ai pu éprouver par le passé. C'est vrai que chaque expédition apporte une émulation indescriptible, mais cette fois-ci, les interdits liés à l'aventure lui donnent une saveur bien particulière. Je dois aller au bout du projet, ce serait une véritable déception que d'échouer si près du but.

— Ivar, des nouvelles ? m'impatienté-je en pénétrant dans le studio d'où il n'est pas sorti depuis une semaine.

— Pas plus qu'il y a une heure, Charlie !

— Bon sang, ils ne fréquentent pas internet, les sweeties, ou quoi ?

— J'ai épluché tous les discords, tous les blogs, tous les forums, toutes les pages Facebook, tout ce qui existe, Charlie. Bien sûr qu'ils vont sur le web, mais le trekking est tellement réglementé chez eux qu'ils sont peu nombreux à être experts. Aucun ne m'a semblé pouvoir devenir un complice sérieux donc je n'ai même pas essayé d'entrer en contact avec l'un d'entre eux.

— Fais chier !

— Regarde ma gueule, Charlie : c'est la désespérance que tu vois sur mon visage.

— Pardonne-moi, Ivar. Toute l'expédition dépend du matériel que j'aurai sur place. Je pourrai partir en free-style, mais...

— Il en est hors de question ! s'énerve mon Viking.