Chapitre 22

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Yoongi avait proposé qu'ils rentrent chez lui et Taehyung, soulagé, avait acquiescé. Ils se dirigeaient à présent d'un pas tranquille dans les rues de la capitale japonaise, l'un à côté de l'autre, chacun muré dans le silence. Ce n'était pas particulièrement désagréable, l'étudiant avait conscience qu'il leur fallait réfléchir au sujet de ce qui venait de se passer.

Lui, surtout, devait réfléchir au sujet de sa réaction à ces messages. Il ne pouvait plus laisser à sa famille un tel pouvoir sur ses émotions, ça devenait dangereux pour lui – et, de ce fait, pour Yoongi également. Parvenir à se défaire complètement de l'emprise qu'ils exerçaient encore sur lui allait s'avérer long et complexe, mais... au fond de lui, il était convaincu qu'avec son petit ami à ses côtés, il suffirait de temps et d'efforts pour y arriver. Il pouvait se détacher d'eux, définitivement.

Une fois chez l'aîné, les deux garçons retirèrent leurs chaussures avant d'échanger un regard. À présent seuls, ils pouvaient parler, mais pour dire quoi ? Ils se tenaient toujours dans l'entrée, avec l'impression d'être deux idiots incapables d'engager la conversation. Taehyung releva les yeux en entendant Yoongi inspirer profondément.

« Tae, est-ce que... tu voudrais bien qu'on en discute ?

- Discuter de quoi ? osa timidement son cadet.

- De tes proches.

- Oh...

- Viens. »

Il lui attrapa la main avec une telle délicatesse que l'autre le suivit sans résister. L'aîné l'amena au salon. Taehyung frémit en apercevant son portable sur le canapé, là où il l'avait laissé. Yoongi le lâcha pour aller prendre l'appareil. Debout au milieu de la petite pièce, son compagnon l'observait d'un air inquisiteur.

« C'est bien à cause de ça, hein ? demanda Yoongi en désignant le téléphone. C'est à cause de ces messages que t'as craqué. »

Taehyung opina, presque honteux d'admettre à quel point sa famille le rendait faible. Il s'en voulait, alors même qu'il avait bien conscience qu'il n'y pouvait rien. Il avait si longtemps subi des sévices psychologiques qu'il ne réussirait pas si aisément à reprendre le contrôle de ses émotions ou de sa vie.

« J'aimerais qu'ils ne soient plus capables de te faire du mal, souffla Yoongi. Est-ce que tu me fais confiance ?

- Oui, pourquoi ?

- Qui que soit la personne qui te fait du mal, tu dois la laisser derrière toi. Même si un jour, c'est moi cette personne. Vis ta vie, vis pour toi-même.

- Je comprends pas, qu'est-ce que... hyung ! »

Trop tard : Yoongi venait de faire volte-face et, sans la moindre trace d'hésitation, il avait projeté le portable de son cadet contre le mur. L'appareil vola en éclats, si bien que les garçons détournèrent les yeux en levant les mains devant leur visage, de crainte de recevoir un débris.

Ébahi, Taehyung redirigea aussitôt son regard sur le sol pour y découvrir tous les morceaux de son smartphone.

« Hyung, balbutia-t-il, t-tu...

- Désolé, Tae. Avant de partir, en voyant les messages que t'avais reçus, ça m'a tellement foutu en colère... mais j'ai vu que t'avais aucune photo dans ton téléphone, et presque aucune application. Alors si ton portable te sert uniquement à recevoir les insultes de tes parents... autant que tu t'en débarrasses. Un geste fort pour les oublier.

- Oui, murmura le plus jeune sans quitter des yeux les restes de son portable, c'était un portable que mes parents m'avaient acheté quelques semaines avant mon départ. J'avais cassé le mien... un soir, quand ça allait pas fort. »

À la croisée des suicides [Taegi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant