l'Oiseau.

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De grâce, cessez de croire, malheureux,
Que l'Oiseau n'est qu'un homme
C'est un collet funeste, mortel
Dans lequel est attiré mon âme
Il se rapproche, en somme
D'un démon tombé des cieux.

Vous qui ne voyez que sa laideur
Regardez-le ! Plus près encore
Regardez-le, simples amateurs
Et déployez vos efforts
Pour trouver en ses traits
Une délicatesse : la beauté

Ses yeux, tout d'abord
Deux châtaignes des forêts, sombres
Pourtant ni perçants ni profonds
Mais captivant intensément les ombres
Avec une telle discrétion
Que s'y trompe même la mort

Son regard est semblable à un chant embrumé
Ses lèvres sont une plume veloutée
Et ses mains, agiles, toujours en mouvement
Paraissent comme les ailes d'un rapace volatile
Et ses cheveux, boucles à la forme versatile
Ont la couleur sublime d'un crépuscule naissant

Sa voix, d'une douceur incomparable
Est tel le sable fin presque poussière
Glissant et s'évaporant dans l'atmosphère
Son nom : un mythe, un secret
Quelques perles d'eau frappant les feuilles d'un érable
Et dont les accents lunaires tiennent d'Antiopé.

Et son esprit ! Son esprit...plus riche qu'on ne le pense
Tantôt une flaque se mouvant avec grâce
Signe d'une cachée mais brillante intelligence
Et pourtant modeste par son expression lasse
Si harmonieuse qu'on n'en trouve pas d'égale

Cette vague, pauvres gueux, traduit une subtilité
Que vous, insensibles ne sauraient déceler
Le jour, elle reflète la lumière du soleil
Resplendissant de mille couleurs de jade
La nuit, son écume devient muscade
Et sa teinte d'émeraude prend des reflets vermeilles

Voyez-vous, malheureux, avec quelle beauté
Est fait cet ange de Thanatos
Est-il un aigle ? Un geai, un colibri ?
Un placide goéland ou une dangereuse harpie ?
Qu'il demeure moineau ou albatros
L'Oiseau mêle malédiction et bienfait

C'est un piège ! Un crime, une embuscade
Et mon âme charmée par son parfum
Vapeur d'un feu insoumis et divin
S'est laissée emporter lors d'une simple ballade
A succombé à l'irrésistible aura
Qu'émanait cet Oiseau qui jamais ne le saura

Dans ce gouffre, ne tombez jamais !
Car - et c'est le plus cruel - il n'a rien d'infernal
Drogué par la passion, à l'appât vous cèderez
Et pour rien au monde vous ne voudrez sortir
Contre cet intense supplice vous préférerez consentir
Au désir impossible de ce tourment fatal.

Cette nuit j'ai fait un rêve... (recueil de poèmes)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant