Chapitre 2

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Je sors de l'amphithéâtre. Il fait nuit depuis un moment. Il y avait du monde ce soir.

Je lève le nez au ciel couvert de nuage. Je place mes mains dans les poches chaudes de mon blouson court. Je me suis dépêchée de sortir pour être à l'heure. J'ai même gardé mon chignon. Keith m'a dit qu'il passerait me chercher. Je regarde sur mon portable. Il est 22h05.

— Dépêche-toi, Keith... murmuré-je en trépignant sur place.

Je n'ai pas envie que les autres de la troupe le voient.

Il est 22h21 lorsque j'entends les portes battantes s'ouvrir derrière moi. Le groupe de danseuses me bouscule volontairement.

L'une d'elles se retourne et me fixe. Une manière de me provoquer.

— J'avais pas vu que t'étais là, fait-elle avec un accent hongrois terrible.

Je lui offre un sourire en réponse.

— Tarée ! crache la plus grande.

Je ne réponds pas car elles n'attendent que ça. Le directeur est au courant de leurs manigances et m'a dit de rester tranquille. « Tu sais très bien que c'est un milieu très concurrentiel », a-t-il exposé. « Une étoile qui se bat devant l'amphithéâtre, rien de mieux pour faire tomber la côte d'un ballet. »

Il évite de m'exposer car malgré le succès de la saison, je reste la seule sédentaire alors que le corps du ballet s'envolent pour d'autres villes, même la remplaçante de ma remplaçante. Je sais qu'on me met des bâtons dans les roues, mais je ne fais pas d'histoire, j'aime ma routine malgré tout.

La rivalité, je connais, je peux y faire face. Je n'ai pas peur de l'échec car contrairement à elles, je sais me relever. Je ne me mets pas la pression même pour les variations impossibles à tenir pour les plus expérimentées. J'ai la force, le physique et la niaque. Oui, j'ai le rôle titre alors que certaines mettent des années à l'obtenir, mais je ne l'ai pas volé. Alors au début, j'ai accepté que soit désagréable pour elles. J'ai passé outre leur regard de travers, cependant elles deviennent agressives. Ce qui est moins rassurant qu'un simple sentiment de jalousie.

J'ai rencontré des directeurs d'autres compagnies, mais je sais que ce sera pareil partout. Je veux juste danser sur scène, toucher mon salaire et mes cachets pendant encore deux ans. C'est ce que j'ai besoin d'économiser pour m'offrir la maison de mes rêves.

« — Quand est-ce qu'elle va partir cette sale pistonnée.

— En tout cas, elle a encore trop bouffé. Tu as vu le bourrelet sous son juste corps ?

— Vive les culottes amincissantes. »

Oui, je sors un peu des standards. Je ne suis pas à proprement parlé forte. J'ai des formes que j'aplatis comme je peux. Souvent avec du cellophane. Mais je ne triche pas quand je danse. Je donne absolument tout.

Je mâchouille un « pétasses » avant de regarder ailleurs. Je me place un peu plus à droite pour laisser la place au reste du staff qui ne tarde pas à sortir aussi.

Il est 22h30 lorsqu'il se met à pleuvoir et que je décide de quitter les lieux. Il n'y a plus personne dans les environs alors on peut officiellement dire qu'on m'a posé le lapin du siècle.

Bizarrement, ça ne me touche pas. Pourquoi ? Car ça fait un bail que je n'attends plus rien de personne.

Dès que je descends les escaliers, mon blouson en peluche aspire l'eau comme une éponge. La ligne de métro est encore ouverte à cette heure alors je ne cours pas et tant pis si je me prends l'averse. Ça m'apprendra.

In Love With Sun (Bonus : Amoureux d'Une Etoile)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant