𝒆́𝒑𝒊𝒔𝒐𝒅𝒆 𝟐. "feel and understand"

264 28 42
                                    

J'attrape nerveusement un jean large bleu ainsi qu'un sweat Nike blanc appartenant, anciennement à mon grand-père, dans ses années folles

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

J'attrape nerveusement un jean large bleu ainsi qu'un sweat Nike blanc appartenant, anciennement à mon grand-père, dans ses années folles. J'ai décidé de ne pas rester ici ce soir, il est vingt-et-une heures, c'est totalement irresponsable de sortir à cette heure-ci, surtout sans prévenir ses parents, mais cette maison m'étouffe. Je n'arrive pas à respirer ici, malgré toute la bonne volonté que j'y mets. Je n'arrive plus à reprendre mon souffle, alors j'ouvre la fenêtre de ma chambre après avoir bloqué ma porte avec le verrou. Avant de sauter (parce que oui, je vais sauter), j'attache mes cheveux avec une pince crocodile, et puis surtout, je regarde la hauteur. Je dirais qu'il y a environ trois mètres entre moi et le sol. Un peu haut, tout de même. J'aimerais ne pas me casser les deux jambes. Même une, en fait.

Je ferme les yeux, et laisse mes jambes tomber en premières. Mes pieds claquent alors contre le sol, me faisant atrocement, mal aux deux chevilles. Je réprime donc un petit cri, puisque je suis à, à peine deux mètres de la cuisine. Et si mes parents me trouvent en train de faire le mur, alors les cris de tout à l'heure ne seront qu'un doux souvenir.

— Putain, chuchoté-je en frottant doucement mes chevilles.

Cependant, il ne me faut pas des heures avant de finalement m'engager dans les petites rues d'Isle Of Palms, une petite île en Caroline du Sud. J'ai grandi ici, et je crois d'ailleurs que si un jour, nous devions déménager, je me retrouverais sans une partie de moi. Parce que j'aime cette ville, et que je suis attaché à tout ce que j'aime, comme tout le monde, je suppose, finalement.

Inconsciemment, je me dirige vers le bruit, puisqu'on est samedi soir, le centre-ville reste ouvert, y compris les petits commerces ayant décidé de veiller pour une raison totalement aléatoire à chacun. Mes pas sont un peu hésitants, mon corps tremble toujours et ma respiration subit encore ces spasmes incessants, ce qui m'énerve. Mais le plus dérangeant reste ma vue brouillée par l'humidité de mes yeux. Je n'arrive pas à me débarrasser de ces foutues larmes.

J'ai faim, mon ventre gargouille, et rien que le fait de penser à la façon dont mon repas s'est terminé, c'est à dire mal, me renvoi quelques larmes dans les yeux que je n'ai pas le temps de retenir avant qu'elles ne s'écrasent sur mes joues. Un petit café attire mon attention, que j'aimerais tellement défaire de cette soirée catastrophique. Alors, de mes doigts froids, je pousse lentement la porte en regardant vers le bas. J'ai légèrement honte de la façon je suis si peu présentable, mais à vrai dire, j'essaye de ne pas y faire trop attention, parce que ça aussi, ça pourrait me faire pleurer, tomber un peu plus en lambeaux encore. Juste un peu plus, juste assez pour laisser un dernier reste de moi. Comme le dernier souffle, dans un sens. Tout me ferait pleurer ce soir, de toute façon.

— Qu'est-ce que je vous sers, la miss ? Me demande alors la dame âgée, derrière son comptoir.

— Je... Ma gorge est encore nouée, alors je tousse légèrement sous son regard attendrissant, je vais vous prendre un chocolat chaud et umh... Un brownie, s'il vous plaît.

— Dure soirée, n'est-ce-pas ? Me demande-t-elle en souriant gentiment.

Elle me tourne le dos en préparant ma commande, un peu comme si elle savait à quel point c'est dur pour moi, tout de suite. Surtout dans cet état. Comme si... comme si lire en moi était aussi simple que comprendre un livre pour enfant.

— Disons que j'aurais aimé ne pas avoir été à cet endroit-là, soupiré-je doucement, tout en payant ce que je viens de prendre.

Heureusement que j'ai toujours un peu d'argent sur moi.

— Bonne soirée, madame, souris-je alors avant de m'éclipser, en traînant tristement les pieds.

Je ne suis resté que quelques minutes dans ce café, et pourtant, le fait de ressortir est comme une bouffée d'air frais, comme si, pour la première fois depuis des heures, mes poumons se remplissaient pour de vrai et prenaient ce dont ils avaient besoin. Même si mon corps est encore légèrement tremblant et tendu, à cause, de la tension qu'il renferme en lui-même, qu'il garde en cage, je me sens presque apaisée. Je ne pense pas au fait que je vais devoir rentrer chez moi tôt ou tard, non. Je ne veux pas y penser. La seule chose qui me traverse l'esprit, actuellement, c'est bien cette boisson chaude, et ce brownie que j'ai entre les mains.

Mon esprit me guide inconsciemment vers le bruit des vagues de la mer, et j'ai envie de m'y asseoir, alors j'y vais, parce que ce soir, cette nuit, je ne veux penser qu'à moi et seulement moi, Aubrey Donnovan. Parce que, au fond, je ne suis pas que cette gamine de dix-neuf ans qui subit toutes les tensions de ses parents, je suis aussi la jeune fille qui les ressent, et les comprend. Je sais pourquoi ma mère est en colère contre mon père, et je lui en veux aussi, parce que je ne me souviens pas de la dernière fois qu'il m'a embrassé le front, prit dans ses bras ou simplement de la dernière fois qu'il m'a dit à quel point il était fier de moi ; l'a-t-il été au moins ? Peu-importe, sûrement pas. J'enlève mes chaussures et mes chaussettes d'une main, en tentant de garder l'équilibre, puis me dirige enfin sur le sable. Il est humide. Ou froid, je ne sais pas. Je m'en fiche, disons simplement qu'il glace le sang chaud de mon corps, et que ça me fait du bien. Que ça m'apaise.

𝐎𝐍𝐄 𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐒𝐓𝐀𝐍𝐃 - mini sérieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant