Versions de moi

6- Eliyah Luiz

Point de vue de Zoë.

Eliyah Luiz. La première chose que j'ai pensé en voyant cette fille était qu'il est cool d'avoir une voisine de mon âge. Et lorsqu'elle m'a dit qu'elle passait aussi en classe de première à Rosa Parks, j'étais ravie. Un repère. C'est vrai qu'il y a aussi Tess. Je l'adore, mais je la connais assez pour savoir qu'elle ne pourra pas se passer de ma présence pendant un moment, puis elle finira par se lasser de moi et en aura assez de sa chère cousine fraîchement débarquée.

Je ne sais pas vraiment si je suis une personne sociable. Les amis que j'avais dans mon ancienne ville m'avaient tous été présentés par le biais d'un autre. Les gens m'apprécies, en général. Alors je les laisse simplement venir à moi, et je me contente d'être moi même. Mais cela m'a fait me rendre compte que je n'ai pas réellement d'amis proches, et je me doute bien que mes amitiés actuelles ne tiendront pas la distance. Honnêtement, ça ne me fait rien. De toute façon, ici, le schéma se répète: Tess m'a présenté à des personnes de mon âge, je parie qu'ils m'ont appréciés et à la rentrée, j'aurais déjà mon petit cercle. Non, je ne peux pas penser comme ça, ça à l'air si superficiel, dit de cette manière. Je me dis simplement que j'ai de la chance de m'intégrer aussi aisément.

Le schéma a pourtant été légèrement modifié ici, étant donné que personne ne m'a présenté Eli. J'ai fais le premier pas, je me suis présentée à elle et je l'ai même invitée à une soirée, et c'était un bon début, il faut l'avouer. Mais j'ai fais n'importe-quoi juste après. Je l'ai laissée seule, je l'ai complétement oubliée, alors que je lui avais promis de revenir. Si elle s'amusait, elle ne serait pas venue me chercher. Puis il s'est passé cette scène étrange lorsqu'elle est monté. Sa réaction face à Thomas Harvey. Elle avait peur, une peur panique qu'elle avait bien trop de mal à dissimuler.

D'ailleurs, j'ai pu discuter un peu avec Thomas. C'est un terminal, il est plutôt sympa. J'avais juste cette vague impression qu'il tentait presque de flirter avec moi. Je me fais peut-être des idées, mais je me trompe rarement à propos de cela. Je me suis contentée de me montrer amicale et joviale, comme toujours, évitant de rentrer dans son jeu. Ensuite, un petit groupe est venu faire ma rencontre. Chaque fois qu'on venait me voir, on me demandait si j'étais bien "Zoë, la cousine de Tess.". Il faut dire qu'elle n'arrêtait pas de le répéter. A un moment, elle m'a même pointée du doigt, en clamant par dessus le bruit: "C'est la fille qui ressemble à une mannequin, juste là." Gênée, je me suis alors discrètement tournée, feignant de remplir de nouveau mon verre.

Je repense à ce moment où Tess a demandé à Eli si elle était sortit avec Thomas. Elle était comme figée. Moi j'ai tendu l'oreille, attendant une réponse. C'était étrange, aucun des deux n'a voulu dire quoi que ce soit. Pour moi, c'est comme avouer que oui, mais leur réaction m'intrigue.
Après ça, elle semblait tellement pressée de s'en aller qu'elle a ignoré son amie, une fille plutôt grande de taille, au cheveux raides et noirs, coupés au carré. Vraiment belle. Elle avait pourtant l'air contente de la revoir. Je ne veux pas la juger, Eli est sûrement du genre solitaire, et très introvertie. Tout cela l'a vraiment mise mal à l'aise, mais où se trouvait-il une quelconque menace? J'essaye vraiment de comprendre, ça a trop piqué ma curiosité.

Je lui jette un regard furtif. Elle est assise à côté de moi, tête baisée, la mine sombre. Il y aurait eu un silence de mort si mon père n'avait pas eu la bonne idée de lancer la playlist de son téléphone, connecté par Bluetooth à la voiture. Il me jette de temps à autres des regards complices à travers le rétroviseurs tout en enchaînant les fausses notes sur du ABBA. Je ne peux m'empêcher de pouffer de rire.

Je vérifie l'heure sur mon téléphone: il est à peine minuit. Je ne vais pas souvent en soirée, mais j'ai l'habitude d'y rester jusque plus tard encore, et d'en repartir beaucoup moins sobre que je ne le suis actuellement. Mais compte tenu des circonstances...
De toute façon, je devais au moins ça à Eli. Je dois trouver un moyen de me faire pardonner auprès d'elle. Elle aurait peut-être eu une meilleure soirée si j'en avais profité pour apprendre à la connaître, et non la laisser seule, presque livrée à elle même.