5 - L o r n

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Tired of feelin' like I'm trapped in my damn mind
Tired of feelin' like I'm wrapped in a damn lie
Everybody dies in their nightmare - Xxxtentacion

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— T'es vraiment chiant, Aslan. T'as pas d'humour, râla Célya.

Léonard reprit sèchement son cahier dans lequel ses trois camarades dessinaient des choses pour le moins explicites et tenta de faire s'effondrer leur confiance superficielle en les fusillant du regard. Mais il avouait qu'elle était loin d'avoir entièrement tort, peut-être n'avait-il plus d'humour, peut-être l'avait-il perdu en chemin.

En revanche, je me pense mature ; et je ne m'accroche pas à de telles absurdités.

Célya, Killian, Judith et lui formaient un quatuor — enfin plutôt un trio au vu de leurs relations inégales. Ils s'étaient retrouvés dans la même classe au début de l'année scolaire et, naturellement, ils avaient commencé à trainer ensemble ; Léonard avait volontairement créé une distance presque invisible, les considérant à peine comme ses amis. Il avait pourtant connu Célya au début du collège, dans une effervescence de rires cristallins et de regards pétillants, mais depuis leur relation avait bien changé. Ils avaient probablement merdé quelque part, au détour d'un coin sombre, et tout s'était alors effondré. Mais il était absolument certain que, ce qu'il passait son temps à constater, elle ne le remarquait pas. De nature extravertie – contrairement à lui – elle connaissait tout le monde ou presque et désirait rencontrer ceux qu'elle n'avait pas encore appris à connaître. Alors le fossé qu'il prenait soin de creuser entre eux ne semblait lui poser aucun problème, puisqu'elle ne le voyait pas.

Alors ses amis ne lui prêtèrent pas plus d'attention et retournèrent à leurs gamineries. Il se trouvait dans le fond de la salle, sa place préférée, mais cela constituait un problème pendant les cours de philosophie. Le vacarme que faisaient ses trois camarades couvrait la voix de leur professeur et il ne parvenait pas à suivre ce que celui-ci raconter à propos de la conscience et du temps, pourtant cela semblait si intéressant au vu des gestes passionnés qu'il effectuait. Il plissa les yeux et se concentra très fort sur son visage mais rien n'y faisait, il n'entendait rien. Il soupira et s'adossa au dossier de sa chaise lorsqu'il comprit qu'il ne pourrait pas connaître l'entière réponse à la question « qu'est-ce que le temps ? ». Il aurait aimé pouvoir profiter de son cours préféré, le seul qui plus est, mais cela semblait être trop demander.

— Fermez-la un peu, vous faites trop de bruit, grogna-t-il.

C'est à peine s'ils relevèrent la tête pour le dévisager, trop occupés à glousser dans une attitude plus qu'enfantine. Ils marmonnèrent des « ouais, t'inquiète » vite oubliés. Il osa finalement se pencher au-dessus de la table pour regarder ce que faisait Killian dans le cahier de Judith. Il aperçut un dessin très mal réalisé représentant une femme et un homme dans une position sexuelle tout à fait particulière. Célya éclata de rire, et ce rire irrita les oreilles de Léonard. L'incompréhension peigna son visage et le dégoût d'une telle immaturité le submergea. Comment pouvait-on rire à cela ? Ces gens avaient un an de plus que lui.

C'est absolument ridicule... Désespérant et ridicule...

***

   — Je vous ai demandé un café, ça fait cinq minutes que j'attends.

   — Tout de suite, madame, promit Nolan, tâchant de garder le sourire.

La vieille femme grincheuse le regarda se mouvoir derrière le comptoir en marmonnant son exaspération face à « une telle incompétence », un peu plus et elle se mettait à taper du pied. Il lui jetait quelques regards tout en s'affairant à préparer sa demande, inquiet de la voir tourner les talons et sortir du bistrot.

ÉCLIPSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant