10 - S m o k e

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Help me I'm scared
'Cause the one thing on my mind
Is for me to disappear
if depression gets the best of me - Zevia

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Il était exagérément fatigué désormais, totalement éreinté par l'angoisse qui avait fait disparaître toute son énergie. Il se serait bien passé de cet état d'âme pour le moins désagréable, et tout à fait inutile. Alors pour chasser les quelques gouttes empoisonnées d'anxiété qu'il restait dans son corps, il sortit une cigarette et la plaça entre ses lèvres. Le bout commença à se consumer, soumis à la puissance de la flamme qu'il posait tout contre. Il aspira, et la fumée toxique enveloppa sa bouche pour descendre jusque dans ses poumons innocents, puis il expira, et il se détendit un peu.

Sohenn continuait de bavasser, les courses à la main, le cerveau dans les nuages. Léonard ne l'avait jamais vu parler autant à quelqu'un qu'il connaissait aussi peu. Ses cheveux gris se confondaient avec le ciel comme s'il avait réussi à en décrocher un bout pour le poser sur sa tête. Lui, il ne voyait que cela, du gris partout, alors jamais il ne s'embêterait à décolorer ses cheveux en une couleur qui n'en était même pas une. Et voilà qu'à peine se fut-il cette remarque que la fumée qu'il souffla après avoir tiré une taffe lui confirma ses dires. Il détourna le regard de son ami, ne souhaitant pas s'abandonner plus encore à ses réflexions.

Arrivés devant l'immeuble, Nolan laissa Léonard passer à la suite de Sohenn afin de fermer la marche et de ne pas le laisser seul derrière. Durant la montée, il eut largement le temps d'analyser sa posture ainsi que son attitude, et nota mentalement qu'il semblait légèrement voûté comme si son corps s'excusait constamment d'être présent ou bien qu'il portât un poids trop lourd pour des épaules encore jeunes mais pourtant trop seules. En cet instant, il ne désira qu'une chose : découvrir les mille et une pensées qui devaient grouiller dans tous les sens, cachées sous une touffe blond, et ainsi comprendre ce que ces yeux gris avaient tenté de lui dire dans ce supermarché.

— Merci, les gars ! s'écria Lysandro lorsqu'ils passèrent le pas de la porte. Vous êtes mes héros.

— Rien que ça, marmonna Léonard.

Nolan se débarrassa de son manteau et se permit de s'installer à nouveau dans le salon, à l'écart. Il ne se sentait pas complètement à l'aise face à ce groupe d'amis qu'il connaissait, pour ainsi dire, très peu.

— C'est quoi ce bourbier ? Pourquoi vous avez pas acheté des vraies bières ? C'est quoi cette daube ? s'offusqua Ylan depuis la cuisine.

— Parce que t'avais qu'à aller faire les courses toi-même.

Cette réponse de Léonard le fit se détendre un peu, il se rassurait par le décor si amical qui l'entourait et l'attitude décomplexée et accueillante des garçons. Ce dernier sortit justement de la cuisine pour rejoindre la salle de vie et s'asseoir dans le canapé auprès de lui, et une bouteille au préalable ouverte lui fut tendue.

— Oh, merci.

Léonard n'ajouta rien, ce n'était pas dans ses habitudes de chaleureusement acquiescer par un « de rien ». Moins il était obligé de parler, mieux il se portait. A la place, il fit semblant de se désintéresser de lui. C'était, en vérité, tout l'inverse. Son corps et son esprit étaient focalisés sur la présence presque inconnue qui se trouvait à ses côtés. Il resserra ses mains moites autour de sa bouteille fraîche et pria intérieurement pour que quelqu'un les rejoigne. Pourquoi diable était-il venu s'asseoir ici ?

— Bon, on fait un jeu ?

Sohenn s'installa dans le fauteuil face à eux en sirotant sa bière, bien loin des pensées de Léonard qui était occupé à remercier mentalement tous les dieux qui avaient mis un tel ange sur son chemin.

ÉCLIPSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant