I just watch the days pass
Hoping to die
Lonely - Palaye Royale~
Ses doigts caressèrent nonchalamment le sol rugueux et froid. De son autre main, il retira la cigarette d'entre ses lèvres afin d'expirer la fumée. Le ciel était aussi gris que ces derniers jours, à croire que les nuages avaient élu résidence au-dessus de sa tête. Il était assis dans un coin de la cour, à même le sol, le dos posé contre le mur du lycée. Ses écouteurs filaires couraient de son téléphone à ses oreilles, transportant les paroles de Panic Room de Au/Ra jusqu'à ses tympans.
Ses yeux se posèrent sur le ciel où virevoltaient quelques oiseaux solitaires, petites taches noires dans cet océan de gris. Il avait souvent rêvé être l'un des leurs. Posséder la capacité de voler, c'était pouvoir être libre, c'était vivre pour soi à travers les nuages ; et la liberté, Léonard ne cessait de courir après, jusqu'à en perdre le souffle. Lorsque son regard redescendit sur terre pour se poser sur les élèves et les étudiants qui l'entouraient, ce sentiment agréable d'une liberté certaine disparut instantanément. Les barrières de cette prison que représentait le lycée semblaient se refermer sur lui, et il se retrouvait impuissant au milieu de cette cour, à la manière d'un chaton pris au piège d'une cage.
Mais finalement, il parvenait à apprécier cette solitude au milieu de ce lieu bondé. Le contraste de sa pâleur extrême n'était que le reflet de la différence de sa personnalité noyée parmi la foule de lycéens. Il ferma doucement les paupières, recouvrant ses iris nuageuses, et se mit à imaginer la Terre vue d'en haut. Il fallait prendre du recul – beaucoup de recul – afin de prendre conscience de l'insignifiance de l'existence. C'est souvent qu'il se laissait aller à cette activité, pour dédramatiser la vie, pour la rendre plus supportable, plus vivable. Et cela, il fallait le faire fréquemment dans le but de se préserver de la folie.
Il avait beau détester les cours, parfois, dans des instants semblables à celui-là, il se mettait à rêver de grandeur. Il se projetait dans l'une des plus grandes universités du monde : Oxford, Yale ou encore UChicago. Travailler n'était certainement plus un poids dans ces conditions, et la solitude ne devait probablement pas déranger puisque les immenses villes dans lesquelles se trouvaient ces écoles étaient prometteuses d'un futur large et glorieux. Un léger rictus sincère se glissait alors sur ses lèvres, si un lieu pouvait être aussi gigantesque, il devait plausiblement contenir des espoirs et des ambitions à n'en plus finir.
Puis il ouvrait les yeux, l'ombre de son sourire déjà effacée, il revenait à la réalité de ces murs gris. Il aurait beau se démener à l'école afin d'obtenir les meilleures notes, l'argent serait toujours un obstacle. Qui donc pouvait bien se payer une année à vingt mille euros ? Mis à part les hommes blindés jusqu'au cou. Et quand bien même il possédait l'argent, sa moyenne générale ne dépassait jamais le quatorze sur vingt. Trop peu. Pas assez suffisant pour entrer dans ces établissements qui couvaient l'élite, l'avenir du monde. Dans tous les cas, il ne s'y sentirait probablement pas à sa place.
Le problème étant qu'il ne parvenait pas à la trouver sa place. Il se sentait sans cesse de trop. Trop mature puis trop fermé, trop froid, quelques fois trop bavard et finalement trop silencieux. Il trimbalait cette sensation partout derrière lui, dans les rues de Caen, du lycée à chez lui, jusqu'à Paris auprès des garçons. Et maintenant, il se sentait seul, et les larmes lui montèrent aux yeux. Il déglutit douloureusement, il ne se voyait pas pleurer au milieu de cet énorme lycée rempli d'inconnus.
La sonnerie se fit retentir, le rappelant à l'ordre. Il se mit maladroitement sur ses pieds et se traina jusque devant la salle d'enseignement scientifique mathématiques. Célya, Judith et Kilian l'y attendaient déjà. Enfin « l'attendre » était un assemblage de mots plutôt inapproprié à la situation, ils ne patientaient pas pour lui mais pour leur professeur qui tardait à venir.
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ÉCLIPSE
RomanceLéonard est dans sa dernière année de lycée avec un an d'avance. Sur ce chemin sans destination, il s'est perdu. Les adultes le pressent de choisir un métier, des études ; mais de quel avenir parlent-ils ? Submergé dans ce trou noir, il ne voit plus...