To try of thinking of nothing

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Le ton que Itadori avait utilisé pour appeler le noiraud était sans appel, ce qui eut le don d'intriguer Fushiguro.

- Oui ?

Son ton à lui aussi était plat et dénué d'émotions, comme s'il ne s'intéressait pas à la réponse qu'il attendait pourtant.

- Arrête de penser.

Megumi jette un coup d'œil curieux à son interlocuteur. Il est d'abord étonné de voir que Yuji ait deviné qu'il pensait puis se pose la question suivante, comment est-il possible d'arrêter de penser ? Il n'y a sûrement aucun moyen, mais le regard insistant du rosé lui donne l'impression que Fushiguro n'a pas envie de le contredire. Cependant, Megumi se fiche bien de cela et, fidèle à lui-même, il lui lance :

- Itadori, ce n'est pas possible d'arrêter de penser.

Arrêter de penser n'est bel et bien pas possible. Car, pour arrêter de penser, il faut donner à son esprit l'ordre d'arrêter de penser, ce qui requiert la pensée d'arrêter de penser, ce qui rend donc impossible le processus. Il faut se forcer à arrêter de penser en pensant qu'on doit arrêter de penser, mais ça engendre qu'on pense toujours.

Le rose n'a pas l'air satisfait de la réplique que le brun lui a proféré. Ses sourcils sont froncés dans une expression autoritaire. Il a envie de faire la morale à Megumi, ça se lit sur son visage qu'il ne s'en priverait pas. Seulement, comment lui expliquer comment arrêter de penser ?

- Juste... repose-toi.

La phrase avait été dans un soupir, tout bas. C'est ainsi que Fushiguro a compris que c'était tout ce que voulait son camarade. Puis il réalise, non pas en retard, à quel point il doit faire peur. Ses yeux doivent être cernés de noir, qu'est-ce qu'il devait être répugnant, avec ses cheveux en bataille, son teint pâle et ses yeux inexpressifs. Il devait avoir l'air fatigué, ce qu'il est d'ailleurs.

Itadori semblait vraiment inquiet. Fushiguro n'apprécie pas du tout lorsque les gens sont inquiets pour lui : bien que ça soit contradictoire avec son envie de changer les choses, rester dans l'ombre est pour lui une routine. Alors il ne veut pas qu'on parle de lui, qu'on pense à lui ou qu'on s'inquiète pour lui. C'est pourquoi il a délicatement posé sa tête sur l'épaule de Yuji qui n'a pour le moins du monde bronché. Il a juste affaissé ses épaules avec douceur, le souffle qu'il avait gardé si longtemps gardé enfermé s'échappant avec facilité de ses poumons.

Megumi sent ses paupières tomber et les battements de son cœur ralentir : ce sont des signes distinctifs qui lui permettent de se douter qu'il va tomber dans le sommeil. Cependant, son esprit le bloque. Fushiguro fait semblant de ne pas comprendre, mais il le sait, au fond de lui. Il n'a pas sommeil. Le sommeil est quelque chose qui lui est devenu étranger depuis quelques mois. Bien qu'il ait toujours eu une tête de déterré, il avait été quelqu'un de bien dans sa peau. Cependant, il ne l'était pas resté depuis les évènements. Ça l'en avait privé de sommeil et d'entrain, de joie de vivre - pour le peu qu'il possédait. Mais, il le savait bien au fond de lui. S'il ne dormait pas, s'il n'était pas heureux, c'était simplement qu'il n'en avait pas envie. Ou bien qu'il n'y voyait plus d'intérêt. Les choses sans intérêt ne méritent pas d'être vécues, ainsi est l'idéologie de Fushiguro. Après tout, à quoi bon être heureux quand personne n'est présent pour en témoigner et que ça n'avance personne ? C'est tout, Megumi détestait toutes les chose sans intérêt. 

Fushiguro n'est pas comme Itadori. Il ne se soucie pas le moins du monde de ces petites choses insignifiantes qui l'entourent, au contraire de son ami. Celui-ci peut proférer des sourires en butant sur un petit détail qu'il décrirait comme appréciable. Il peut les regarder, profiter de leurs contours, leurs formes, leurs couleurs, juste pour le plaisir de regarder, pour le plaisir de la vue. Megumi ne peut supporter ce genre de choses. Il ne peut supporter ce genre de comportements idiots de Yuji. Parce qu'il n'accorde pas la même importance aux alentours que celle que Yuji a. Mais il se montre toujours compréhensif. Il s'arrête, il fixe au début l'objet en question, puis redescend ses yeux sur Yuji, guettant le moment où le rosé se désintéressera de l'objet, se relèvera et reprendra la route. Il attend, patiemment, parce qu'il n'a pas mieux à faire.

- Tu penses encore, hein ? Suppose Itadori. 

Megumi veut lui répondre non. Juste pour avoir raison. Mais il ne le fait pas, parce qu'il n'en a pas la force et que Yuji saura bien que c'est faux. Parce que Megumi pense à longueur de journée. Alors, le noiraud se contente de ne pas répondre, de regarder dans le vide. Il oublie juste quelques instants qu'il est dans le bus, le temps d'un battement de cil. Puis, il ouvre les yeux, laisse son regard vagabonder dans le transport. Sans aucune accroche pour ses yeux désintéressés. Juste la chaleur de Yuji contre son épaule, sa seule accroche dans ce monde de tarés.

DROWNIN' • Megumi FushiguroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant