Le rosé et son ami marchent côte à côte. Dans le silence. Un silence habituel. Ce n'est pas un silence qui exprime quoi que ce soit. Rien de bien beau. On pourrait comparer cette absence de paroles à un silence rituel. Ne pas trop parler, pour ne pas rendre la journée ennuyante ou pesante.
- Fushiguro, tu as apporté ton bento ? Questionne le rosé.
Ils continuent de marcher. Aujourd'hui représente une rare journée, sûrement la seule où les deux sont arrivés en retard sur des mois. Non, Megumi n'a pas apporté son bento.
- ... oui, ment-il après de longues secondes.
Yuji tourne la tête vers lui. Ses mains sont profondément enfoncées dans ses poches, comme à leur habitude.
- Tu l'as pas apporté, pas vrai ? Demande-t-il d'un ton sans appel.
Fushiguro fixe le sol tout en avançant. C'est à peine s'il regarde ses pieds. Il ne répond pas à Yuji parce que ça ne sert à rien. Itadori sait tout, après tout. Il sait quand le brun lui ment, parce qu'il le connaît trop bien.
Itadori pose sa large main dans les cheveux de Fushiguro. Si d'autres étaient présents à ce moment-là, Megumi aurait repoussé la main du rosé en crachant une insulte auquel le il ne croît pas, ce qui aurait sans doute fait rire le plus âgé. Sauf que Fushiguro n'a aujourd'hui la force de quoi que ce soit. Alors il continue d'avancer, tête basse, attendant le sermon.
- Je sais pas pourquoi tu t'obstines à te priver de repas, mais moi, ça me rassure pas, soupire Yuji, sans avoir feigner l'inquiétude.
Megumi ne répond pas. À vrai dire, il ne sait pas quoi répondre. Que peut-il bien lui dire ? « Je n'ai pas faim ». C'est le cas, Fushiguro n'a pas faim. Il se nourrit seulement quand il sent qu'il commence à avoir sérieusement mal au ventre. Avant c'était pire, mais maintenant qu'Itadori est là, il se nourrit plus fréquemment. Ce qu'il cuisine est toujours divin, comparé au petits gâteaux que Fushiguro prépare souvent pour le rosé.
- Je n'ai pas faim, se contente-t-il de rétorquer.
Yuji s'arrête.
- Tu sais que chez certaines personnes, c'est une maladie ? Assure-t-il.
Megumi continue son chemin sans s'arrêter, mais Itadori ne tarde pas à le rattraper, lui lançant un regard insistant. Il attend une réponse. Alors Fushiguro la lui donne.
- Ouais, va p't'être falloir que j'vous un psy ou un truc du genre, argue le noiraud.
Son ami fronce les sourcils. Il retire sa main des cheveux de son ami. Il a l'horrible impression d'être pris au second degré, si ce n'est pas le cas. Il n'aime pas que Fushiguro ne prenne pas ses avertissements au sérieux. Il acceptait encore que celui-ci lui crache dessus d'arrêter de s'inquiéter pour lui, à l'époque où ils n'étaient pas aussi proches. Il s'en foutrait bien que le noiraud lui sorte un « j'suis pas malade, du con » typique — et encore, il serait prêt à lui faire une morale — mais que son ami se moque de lui l'énervait profondément. Il s'inquiétait pour lui.
- Te fous pas d'ma gueule, Fushiguro, lance-t-il d'un ton sérieux.
Megumi tressaille à l'intonation qu'Itadori a pris, il se fige même. Il se mord la lèvre. Il a l'impression d'avoir dépassé les bornes. Yuji s'est inquiété pour lui, et lui, il s'en est moqué. Quel con. Quelle erreur.
Fushiguro s'arrête.
- Pardon.
Il baisse la tête. Il s'en veut, horriblement. Pour si peu. Ce « si peu » aux proportions aberrantes.
- Excuse-moi, c'était con. Désolé, j'suis- j'm'en veux, pardon d'être con, je-
Il se coupe tout seul. Il s'emmêle, il raconte n'importe quoi, des choses pour lesquelles Yuji n'a que faire, et, Yuji en a-t-il vraiment rien à foutre de toutes les conneries que Megumi sort ? Il n'en a pas marre ? N'est-il pas fatigué de Megumi qui est de plus en plus chiant, insupportable, toujours à se plaindre, toujours à faire le « je m'en foutiste » tout le temps ? C'est vrai, Megumi n'y a peut-être bien jamais pensé, du fait qu'un jour Itadori se fatiguerait de lui, qu'il soit bon ou pas. Il n'en pourrait plus, à donner trop pour un mec qui n'en vaut pas la peine.
- Hé, Fushiguro...
Fushiguro relève la tête, sur laquelle le plus âgé a reposé sa main. Il le regarde avec un air doux, une expression à la Itadori comme il sait si bien les faire.
- J'ai jamais dit ça.
Cette phrase a eut l'effet d'une baffe sur le plus jeune. Pas qu'il l'ait mal pris. C'est juste qu'en quelques instants, il a réalisé qu'en fin de compte, Yuji ne lui en voulait pas. Qu'en fin de compte, il a douté de la personne la plus incroyable qu'il ait rencontré. Que c'était horrible de sa part.
- Soit plus confiant.
Itadori ébouriffe les cheveux du noiraud puis lui attrape la main et le tire doucement, le remettant en marche. Yuji touche Megumi comme s'il était précieux. Il s'occupe de lui comme s'il le méritait, comme si Fushiguro lui rendait toutes ses petites attentions. Comme si Fushiguro était quelqu'un de bien. Le noiraud est toujours si indifférent, inexpressif, si détestable, alors pourquoi le rose s'acharne à être si présent avec lui ? Pourquoi s'efforce-t-il de chérir et de protéger Megumi, alors que celui-ci ne sera jamais en mesure de lui rendre la pareille ?
Pourquoi continue-t-il d'enfoncer la tête de Megumi dans cette mer de belles pensées, de rêves et de contes pour enfants auxquelles le noiraud ne peut croire ? Pourquoi continue-t-il d'embellir la vie de quelqu'un qui ne le mérite pas, quelqu'un qui n'est pas voué à être heureux, quelqu'un qui n'est pas capable de pouvoir offrir de telles merveilles en retour ?
Au fond, la vrai question est : pourquoi Itadori est-il si obstiné ?
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DROWNIN' • Megumi Fushiguro
FanfictionMegumi est fatigué. Fatigué de son esprit qui fuse sans interruptions, son intelligence grandissante et large, sa sensibilité à l'inutilité et sa constante raison qui le noit sous les préjugés. Ce n'est pas vraiment de la dépression, parce que c'est...