t h r e e

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"Je n'ai pas bougé du foyer, aujourd'hui. Il pleut et les autres sont allés à un concert avec l'éducateur. Je n'arrêtes pas d'y penser.. Cette image de toi, dos à moi, prête à t'en aller ne me sors pas de la tête.. J'ai foiré. Tout ça était de ma faute. J'aurais dû voir, faire attention. C'était mon rôle. Et je suis tellement désolé, putain. Je suis tellement désolé que je me dégoûte. Je devrais pas avoir à m'excuser, mais j'ai foiré. J'ai rien vu. Et comme pour me faire d'autant plus mal, je revois tout dans ma tête. Le jour où tout a basculé, ce jour où on est tombés dans une chute sans fin. Ce jour, il paraissait pourtant banale. Mais il a marqué le début de la fin."

~

"Tu es prête ?"


Elle sourit faiblement, portant son sac sur une seule épaule.


"Oui."


Je la pris doucement dans mes bras et lui caressa la tête pour la réconforter un peu. Je sais qu'elle a peur.


"T'inquiètes, ça va bien se passer."

"J'ai peur qu'ils ne m'acceptent pas.."

"Tu es parfaite, je vois pas pourquoi ils ne t'accepteraient pas."

"Aliyah ?"


Monsieur Carraway entra dans la chambre et elle se tourna vers lui.


"On y va."


Elle me fit face une dernière fois, un sourire triste accroché aux lèvres.


"Tu m'appelles si tu as du mal à dormir, okay ?"

"Merci, Aiden."


Puis elle s'en alla. Le soir même, j'ai attendu que mon téléphone sonne mais rien. Dans un sens, ça me rassurait. Elle se sentait assez bien là bas pour ne pas avoir besoin de m'appeler.

La nuit vers 5 heures, mon téléphone vibra sous mon oreiller et je décrochai directement.


"Liyah ?"

"Je suis désolée, Aiden.."


Puis elle s'effondra. Et mon coeur me fit atrocement mal. Je sais qu'elle s'en voulait de me réveiller toutes les nuits, mais ça ne me dérangeait pas.


"Shh, eh, Liyah, ça va, tu me déranges pas, promis." dis-je d'un ton légèrement paniqué en me redressant sur mon lit.

"Je n'arrêtes pas de trembler, je suis épuisée, Aiden, mais j'y arrive pas."

"Calmes toi, ça va passer."


Ses sanglots semblaient se calmer peu à peu et se respiration redevenait normale.


"Ca va aller, Liyah."


"Vous me manquez."


Un léger sourire fit sur chemin sur mes lèvres et je fermai les yeux un instant.


"Déjà ?"

"Oui.."

"Comment est la famille ?"

"Ils sont sympas. Je me suis sentie bien directement, enfin pour l'instant."

"Je suis sûre qu'ils sont adorables. Ne soit pas trop intimidée, okay ?"

"Je vais essayer."


Même si je ne la voyais pas, je savais qu'elle était en train de sourire. Je le sentais.


"Aiden, racontes moi l'histoire."

"Quelle histoire ?"

"Tu sais l'histoire du premier jour."


J'acquiesçai en m'adossant à la tête de lit et prit une grande inspiration.


"C'était le 17 juin. On était un mardi et il pleuvait. Mr Carraway était avec nous, ce jour-là. On jouait aux jeux de société dans la grande salle et j'ai eu soif. Je crois qu'il était vers 16h. Alors je me suis levé et je me suis dirigé vers la cuisine et là, j'ai entendu un gros bruit."

"La vitre." dit-elle en rigolant.

"C'est ça. Quand je suis entré dans la pièce, la porte vitrée était grande ouverte et son verre était cassé. J'ai alors refermé la porte et je me suis baissé pour ramasser les morceaux de verres au sol quand j'ai remarqué des traces de pas. De la boue formant parfaitement des petites chaussures qui entraient dans la cuisine. Quand j'ai terminé de ramasser ces bouts de verre, je me suis relevé, et là, je l'ai vue. Une fille, petite, au teint pâle et aux cheveux bruns. Elle était trempée et haletante. Puis elle a tendu sa main vers moi alors qu'elle ne me connaissait même pas et elle m'a demandé de faire un pacte."

"Qu'est ce que c'était ?"

" « Ne dit à personne que j'ai cassé la vitre et je ne dirais à personne que tu as pleuré de peur comme une fille en me voyant. » "


Aliyah éclata de rire au téléphone et moi, je souriais bêtement à mon histoire absurde.


"J'ai rigolé, et j'ai accepté le pacte. Puis elle m'a souri et m'a dit qu'elle ne savait pas où aller, qu'elle n'avait pas de maison. Alors je lui ai dit que je n'en avais pas non plus et qu'on m'avait accueilli ici le temps que j'en trouve une. Et à partir de ce moment là, elle ne me lâcha plus d'une semelle. Elle me suivait partout, elle m'envahissait, mais j'aimais bien sa présence. "

"Comment est ce qu'elle s'appelait ?"


Je pris une longue inspiration et leva les yeux au plafond.


"Je crois qu'elle s'appelait Aliyah Griffin."


"Je sais que ce jour n'était que le début. Et je sais que me rappeler tout ces foutus souvenirs ne fait que me détruire, mais je vais le faire. Je vais tout me remémorer, cette nuit. Parce que j'en ai besoin. J'ai besoin de me rendre compte que la douleur est réelle, que tu as bien existé, que tout ça n'était pas qu'un putain de rêve. Une nuit. Une seule nuit pour me rappeler tout les moments à partir de ce jour maudit. Tous."


°


"Parler de ses peines, c'est déjà se consoler." - Albert Camus.

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