e i g h t

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"La culpabilité est un sentiment irrationnel, le sentiment d'être responsable de tout le mal du monde."

。 。 。

"Aiden ?"

Monsieur Carraway entra dans la chambre d'hôpital, silencieusement. Il m'invita à le suivre à l'extérieur.

"Je n'arrivais pas à y croire, mais surtout, je n'arrivais pas à comprendre. Ils le savaient tous depuis très longtemps. Personne ne m'avait dit qu'il ne te restait que quelques années à vivre. Je ne m'en remet pas, Aliyah. Parfois, j'imagine nos vies si tu n'avais pas été dans cette famille. Elle aurait été belle, magnifique. Tu sais, j'ai essayé d'entrer dans ta chambre après ta mort.. Je n'ai pas réussi. Ça me fait du mal. Je repense à ce jour, et je me maudis. Je me maudis d'exister."

Je marchai, lentement, vers chez sa famille d'accueil. La rue était vide, le vacarme de la fête de la ville résonnait du centre ville qui n'était pas loin. Aliyah n'aime pas les fêtes. Peut être était-elle seule ? Je m'approchai de la maison et m'apprêta à toquer, quand un cri parvint de l'intérieur. J'effectuai une légère pression sur la poignée. Dieu merci, c'était ouvert. La maison semblait vide. Les bruits d'objets qui chutent venaient de quelque part, avec des cris étouffés. Et j'avais beau chercher cette pièce, je ne trouvais pas. Non, je me fais des idées.

"S'il vous plaît !"

Ce cri, cette voix. Je la connais. Je commençai à m'affoler, mon cœur battait de plus en plus vite. Aliyah. J'ouvrais à la volée une grande porte marron, près de la cuisine, et ma stupéfaction me gifla de plein fouet. La colère ne montait pas directement, mais elle fut sans égal à la vision que j'avais à ce moment même. Elle était plaquée contre une grand bureau, les vêtements déchirés, le visage en larmes, et je devins fou quand je le vis. Il était sur elle, le regard malsain, plein de vice, de perversité. À ce moment là, ma réaction fut hors de contrôle. Je ne voyais plus rien, et c'est ce qui me fit le plus peur. Des idées malsaines, des envies de meurtre. C'était ce qui me passait par la tête à ce moment là. Je lui fonçai dessus et le jetai au sol. Je me mis à califourchon sur lui, tirant mon poing en arrière, cherchant dans chaque coins de mon être, la force et la haine, les alliants au sein de ce poing fermé refermé sur lui-même et prêt à défigurer le monstre en face de moi. Je ne voyais plus rien. Ma haine m'aveuglait. Je ne me contrôlai plus, je me faisais peur. Mais je n'arrivais plus à m'arrêter. Et dans un soupir, un appel à l'aide qui s'échappa entre mes dents serrées, ces quelques mots qui me firent prendre conscience de la haine que je ressentais à ce moment là.

"Tu vas mourir."

Un seul coup. Un coup, et je devins complètement hors de contrôle. J'enchaînai les coups, essayant en vain de me vider de cet haine. Et dans un élan de dégoût, je poussai un cri puissant. Je le pris par le col, le visage défiguré, et lâcha toute ma colère et mon désespoir dans un cri, parce que c'est ce que j'étais; désespéré. Ma vue était brouillée par mes larmes. Comment pouvait-il faire une chose pareille ? Comment pouvait-il la toucher ? Je lui assena un dernier coup, et tout retomba. Le bruit autour de moi redevint clair, les pleurs, les sirène de pompiers, les policiers, les ordres. Et Aliyah.

"Tu l'as tué."

Je sentis une vive douleur s'emparer de ma poitrine. Elle était terrifiée. Mais par moi. Je la terrifiais. J'étais un monstre.

"Je ne sais pas pourquoi je suis encore là. C'est moi qui aurait du sauter. C'est moi qui aurait dû partir, Aliyah ! C'est moi le monstre, c'est moi qui devait payer, pas toi ! Je suis désolé, pardonnes moi. Je t'en supplie, pardonnes moi. Je suis un monstre. Comment ai-je pu faire une chose pareille ? Il n'avait pas le droit de te faire ça. Il n'avait pas le droit de te toucher ! Tu m'appartenais, Aliyah. Personne ne pouvait te toucher de cette manière. Même pas moi. Alors dis moi pourquoi l'aurais-je laissé faire ? Mais ce souvenir n'est pas le pire. Le pire, c'est le départ. La descente. Ta chute vers le paradis."

Ses larmes me hantaient. Moi qui voulait la protéger, je l'ai fait fuir. Je la revoyais, sanglotante, terrifiée, me regardant comme si j'étais une créature sanguinaire.

"Levez vous."

Je m'exécutais. Ils me mirent les menottes et me firent marcher le long de ce couloir aux murs fades. J'étais là depuis deux jours. Deux jours que je me morfond sur son sort. Où est-elle ? Avec qui ? Comment va-t-elle ? Le jeune policier de tantôt vint à moi et me tendit une feuille.

"Votre procès aura lieu le 19
Juin. Vous êtes ordonné de vous y rendre munis de vos papiers d'identité et de cette fiche."

Je pris la feuille et la fixai un moment. Et alors ? Rien d'autre ? Je viens de tuer un homme, enfermez-moi. Enfermez-moi bordel ! Je suis un monstre, foutez moi sur la chaise électrique ! Tout tant qu'elle n'ai plus à me regarder de cette manière.

Je sortis du bâtiment, ma convocation en main. Comment pourrais-je leur faire face, maintenant ? Ils vont tous me juger. Ils vont me haïr. Je les comprendrais. Assis aux côtés de monsieur Carraway, je réfléchissais pendant qu'il me sermonnait. Sans cesse. "Que t'ai-t-il passé par la tête ?" Je n'en savais rien. Je l'ai vu, et j'ai perdu les pédales. Je sentis mon téléphone vibrer dans ma poche, et décrochai sans même en regarder l'écran.

"Hm."

"Aiden.."

"Ta voix était brisée, tu reniflais en sanglotant. J'entend encore ta voix, me demandant de venir de toute urgence au grand puits. Je me rappelle de tout. De ma réaction, celle de monsieur Carraway. Et de toi."

Elle était debout, au bord du grand puits de la ville. Une falaise donnant sur un puits sans fond. Et j'étais à quelques mètres tremblant. Elle me faisait face, je voyais son visage crispé par la douleur.

"Aliyah, je t'en supplie."

"Ce n'est pas à cause de toi, Aiden.."

"S'il te plaît, réfléchis aux autres, réfléchis à nous."

Je pleurais encore et encore, chaque larme emportant avec elle le peu d'espoir qu'il me restait. Elle ne m'échappait plus, elle s'en allait pour de bon. Je ne pouvais pas la laisser faire.

"Je.. Je peux pas vivre avec ça, Aiden. Tu as vu ce qu'il m'a fait.. Il le faisait tout les soirs. Je peux plus vivre avec ça."

"Je t'en supplie, je suis là pour toi, qu'importe ce qu'il t'a fait."

"Dis à maman que malgré tout je l'aime."

"Aliyah !"

"Aliyah, ne fais pas de bêtises, nous te soutiendrons tous." s'avança mr Carraway, ne sachant plus quoi faire.

"Dis aux autres que je ne les oublierais jamais."

"S'il te plaît.. Tu es tout ce qu'il me reste." soupirais-je dans une voix presque inaudible, à bout de force.

Elle se retourna, faisant face au vide. J'entendais ses pleurs d'ici.

"Je t'aime aussi, Aiden. Ne m'oublis pas, s'il te plaît. "

Elle s'avança vers la jetée. Peut être pourrais-je la rattraper ? Je courrai de toute mes forces, tendant le bras pour l'attraper. Son vêtement effleura le bout de mes doigts, et pendant un instant j'y ai cru. Ma main se referma brutalement sur elle même. Je n'ai pas couru assez vite. Je ne suis pas parti assez tôt. Je l'aurais sauvée. Mais encore une fois, j'ai échoué.

Son corps vacilla et je le vis chuter dans l'obscurité. Un atroce sentiment de désespoir et de vide se prit de moi. Comme si elle venait d'emporter mon âme avec elle. Et je ne pouvais contenir plus. Le cri que je poussais à ce moment était sans égal, rempli de détresse, d'appel à l'aide. Comme si elle allait revenir. Je m'accroupissais contre le muret froide et criait de toute mes forces. Elle n'était plus. Je n'étais plus.

"J'arrive toujours pas à comprendre. C'est égoïste, je sais. Mais j'essaye. Revoir cette scène me tue. C'est de ma faute. Tout ça est de ma faute. C'est moi qui devait payer. Je t'aurais aimé avec ou sans tes souffrances, tes hontes. Pourquoi ne m'as-tu pas laissé cette chance ? Mais je dois accepter. Tu es partie, parce que tu pensais avoir ta place là bas."

。 。 。

"Je te dis au revoir, un souffle d'adieu, sincère, qui vient du fond de mon cœur."

Stars.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant