4. Quand elle ne comprend pas le sarcasme

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Dépitée, Caroleen regarda et admira sa récente victime se fendre un chemin vers la grande salle.

Il s'était éclipsé après coup et la jeune femme eût la sensation que toute sa dignité avait suivi le pas, tellement ses joues lui brûlaient de honte.

Elle n'avait pas daigné ouvrir la bouche mais devant le spectacle qu'il lui offrait de dos, elle se dit que son mea culpa pouvait bien attendre encore un peu. Elle n'avait qu'une envie, celle de lui courir après afin de lui présenter toutes ses excuses pour son idiotie.

Cependant, à la place, elle se surprit à apprécier sa démarche souple. Ses pas semblaient aussi esthétiques que s'il dansait.
Elle pensa qu'il devait sûrement connaître par cœur un de ces petits livres-guides intitulés le charme pour les nuls et qu'à l'intérieur, il aurait particulièrement la maîtrise du chapitre comment intégrer l'art de marcher charismatiquement à ses outils de chasse. Évidemment dans cette version des faits, elle serait la proie, traquée par ce puissant alpha à l'allure envoûtante.

Elle balaya sa silhouette, contemplative. Ces larges épaules, ce dos et ces jolis fessiers bien ronds...

__ Caro, ça va ? Pourquoi tu grince des dents ?

Pour la seconde fois en cette soirée, le teint de la sus-dite vira au rouge. Embarrassée, elle évita d'avouer à son ami que le son qui venait de franchir ses lèvres n'étaient ni plus ni moins qu'un profond grognement félin et appréciateur.

__ Tu passes ta commande ? l'invita Frantz

Elle se reprit puis se concentra dans la lecture du menu. Les choix étaient nombreux et chaque plat la tentait rien que par son nom.

__ Alors pour moi ce sera les boulettes en entrée. Ensuite, je prendrai les côtes de bœufs Wellington... T'as pris quoi, toi ? demanda-t-elle à son voisin de table.

Ce dernier prit une mine blasée. Mais sachant son amie  capable de tout commander sinon, il remit le nez dans la carte afin de lui faciliter le choix.

__ J'ai pris des huîtres Rocfeller et le saumon sauté.

Caroleen lâcha un petit couinnement horrifié. Elle n'aimait pas les huîtres, ni les saumons. Elle ne désirait surtout pas finir avec des traînées de graisse sur sa robe comme toute les fois où elle s'était laissée tentée par les fruits de mer. Tout ce qui provenait des eaux salées avaient la fâcheuse tendance d'empirer sa maladresse.

__ Ou alors, le filet. ajouta Frantz.

En fin de compte, la jeune femme opta de préférence pour le plat du chef pour accompagner ses côtes. Quant à son ami, il choisit le vin.

Le jeune serveur paraissait las, son sourire était faux et automatique mais la gentillesse ne manquait pas à l'appel.
"Une mauvaise journée", pensa Frantz soudain pris d'un élan de pitié face à l'image triste que renvoyait le jeune homme.

Le gringalet s'éclipsa sur une formule de politesse, les invitant à attendre un peu avant qu'on ne vienne leur servir.

Durant ce laps de temps, Caroleen reprit ses réflexion là où elle les avait interrompues. Comment avait-elle pu le prendre pour un serveur ? Elle était désormais inquiéte de ce qu'il pouvait bien penser d'elle. Ce n'était pas tous les jours qu'on voyait une folle accoster un inconnu pour ensuite le traîner littéralement derrière elle parce que madame avait faim mais ne pouvait attendre. Alors sûrement, il devait être ébranlé.

Stupide, stupide, stupide !

Elle se rappella de la différence flagrante entre les deux tenues.
La chemise réglementaire était brodée d'une fine raie de tissus noir aux manches et sur la partie bustière. Cet détail faisait référence au pantalon de toile soutenue par une ceinture de smoking dans les mêmes tons que la décoration en coquillage des tables. La seule similitude entre les deux était ce foutu nœud papillon.

Tombée sous son charme Où les histoires vivent. Découvrez maintenant