Quelques heures plus tôt...
— Trente-deux, trente-trois, trente-quatre.
Blanche s'arrête devant le kiosque du marchand de journaux. D'une voix douce et polie, elle demande son quotidien habituel. Dans son dos, Albin s'arrête de compter les pas. Elle se retourne pour l'observer.
Aujourd'hui, Albin a décidé de porter sa chemise rouge préférée, ses bretelles bleues et son nœud papillon jaune. Elle lève discrètement le pouce pour approuver ce choix. Il lui adresse un sourire ravi.
— Complètement maboule, la rouquine, marmonne le commerçant.
Le visage d'Albin s'assombrit. Blessé par la remarque, il rajuste ses lunettes et recule, la tête basse. Blanche s'en veut : elle déteste que ses Alters se sentent humiliés parce qu'elle a manqué de discrétion.
D'habitude, Nathan les accompagne sur le chemin du travail, mais il ne s'est pas montré du week-end. Lui, aurait su trouver une réplique percutante pour moucher le vendeur, même si celui-ci n'aurait rien entendu. Mais si sa joie communicative lui manque, c'est surtout son absence qui l'inquiète.
— Bonne journée quand même, souffle Blanche avant de s'éloigner.
Le marchand de journaux ne répond même pas.
— Cinquante-six, cinquante-sept...
Blanche se mord la lèvre. Elle n'aime pas interrompre Albin dans ses routines, mais elle ne parvient pas à calmer son appréhension.
— Toujours aucune nouvelle de Nathan ?
— Soixante-deux, soixante-trois.
Albin s'arrête de marcher.
— Toujours rien. Pouvons-nous y aller ?
— Et ça n'inquiète que moi ? demande-t-elle, agacée.
Albin hausse les épaules.
— Nous allons arriver en retard au travail, se contente-t-il de dire. Je n'ai pas envie que nous nous fassions renvoyer.
— C'est la première fois que Nathan reste absent aussi longtemps sans prévenir !
— Non, tu ne te souviens pas, c'est tout. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter, lâche Albin alors qu'ils arrivent enfin aux archives.
Blanche ne répond pas. Il y a déjà trop de monde à cette heure-ci, elle ne doit pas se trahir.
— L'incroyablement drôle Nathan Lert doit juste être en train de préparer son prochain sale tour, ironise Albin.
Même si Albin n'est pas du genre rancunier, il en veut encore à Nathan pour sa dernière blague. Blanche ne le lui reproche pas, mais elle aurait aimé se sentir plus soutenue.
— Quinze minutes pour feuilleter le journal, annonce Albin.
Blanche s'assoit à une table et se plonge dans sa lecture, lorsqu'un titre accroche son regard :
« Disparition inquiétante de Nathan Lert. »
Son cœur bondit dans sa poitrine. Elle déchiffre l'article une fois, puis deux. Suffoque. Tourne la page, y revient. La panique la gagne et, alors que sa respiration s'affole, elle perd le contrôle de son corps. Black-out.
Quand Blanche reprend connaissance, elle est assise dans son salon. Elle promène son regard autour d'elle. Dehors, la nuit commence à tomber. Il y a une assiette vide sur la table basse. Quelqu'un a fini le reste de lasagnes de la veille ; elle sent l'arrière-goût dans sa bouche. Elle respire profondément, avant de se lever.
— Julie ?
Sa voix n'est qu'un murmure. Elle se racle la gorge.
— Julie ! lance-t-elle, plus fermement.
La jeune femme apparaît dans le salon. Blanche se précipite vers elle.
— Vous avez trouvé Nathan ?
— Toujours pas.
Julie la prend dans ses bras. Blanche accueille ce réconfort avec soulagement.
— Il faut le retrouver.
— On le cherche, gémit-elle. On ne fait que ça !
— Alors il faut faire plus !
Blanche pince les lèvres, hésitante. Finalement, elle se décide :
— Je vais appeler le psychiatre.
Julie recule et la dévisage longuement, sans rien dire.
— Tu penses que c'est une mauvaise idée ? s'inquiète Blanche. Je sais que ça nous angoisse tous toujours un peu, mais...
— Patiente encore un peu, Neige, dit finalement Julie en lui caressant les cheveux. On va trouver une meilleure idée.
— Moi, j'en ai une, de meilleure idée, lance une voix depuis l'autre côté du salon.
Blanche et Julie se retournent. Assise sur le dossier d'un fauteuil, Emma les observe, les coudes posés sur les genoux. Son sourire innocent ne présage rien de bon.
— Vas-y, je t'écoute, répond Blanche.
Le sourire d'Emma s'élargit.
— On enquête sur le Nathan Lert du journal. Il a le même nom que le nôtre, il y a forcément un lien.
— N'importe quoi, se moque Julie. C'est... perturbant, d'accord. Mais c'est juste une coïncidence.
Blanche prend une profonde inspiration. Une coïncidence, sérieusement ? Elle repense au titre de presse : « Disparition inquiétante de Nathan Lert ». Julie a l'air sûre d'elle, mais... et si Emma avait raison ?
— Vraiment, Neige ! C'est une idée encore pire que le psychiatre ! s'écrie Julie.
Blanche dévisage Emma, qui attend en silence. Si la voix de la raison lui souffle d'en rester là, elle ne peut s'empêcher de retourner le problème dans sa tête. S'il n'y a qu'une chance, même infime, que cela l'aide à retrouver son Nathan, elle se doit de la saisir. Elle en a même l'obligation... même si ça paraît un peu dingue.
— On va enquêter, décide-t-elle. Et je sais par où on va commencer.
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Multiple
Mystère / Thriller« Je m'appelle Blanche, j'ai 26 ans et j'ai une particularité. Mes psychiatres appellent cela un trouble dissociatif de l'identité. Personnellement, je préfère dire que je suis... multiple. D'autres personnes habitent mon corps. Vous ne pouvez pas l...