Assis dans son bureau, Édouard met le point final à son rapport. Encore un dossier qui ne va rien donner. Et pourtant, il a fait tout ce qu'il a pu pour Nathan Lert. Éplucher les emails, les factures téléphoniques, interroger le voisinage. Rien de concret. Le bonhomme s'est juste évanoui dans la nature. Avait-il une bonne raison de vouloir disparaître ? Se construire une vie ailleurs ? Peut-être, mais certainement pas sans emporter le joli pactole qu'il gardait dissimulé dans son appartement.
— Quel bordel... râle-t-il.
Avec un soupir, il s'apprête à se pencher sur une autre affaire en cours quand il reçoit une notification. Nouvel email. Expéditeur : inconnu. Une adresse bidon, sans doute.
— Qu'est-ce que...
En pièces jointes, plusieurs emails, des échanges entre Nathan Lert et un propriétaire dont le nom lui est familier. Il tend le bras, atteint la liste trouvée chez le disparu. Bingo. Édouard attrape son téléphone pour contacter le service informatique.
— Je viens de recevoir un email anonyme, avec pas mal de contenu. Je n'y comprends pas grand-chose, quelqu'un peut me mettre de l'ordre là-dedans ?
Voilà. Plus qu'à attendre... Pas plus d'une heure, avec un peu de chance, même s'il est déjà bien tard. Pour patienter, Édouard attrape son téléphone. Il doit réussir à joindre Sylvie, qui lui a demandé de remplir une bonne fois pour toutes les papiers du divorce.
— C'est moi, dit-il simplement.
Soupir agacé à l'autre bout du fil.
— J'ai reçu le courrier de ton avocat. Il n'y a plus qu'à signer, c'est ça ? ajoute-t-il.
— Si ça te va.
— Tout ce que tu veux, ça me va.
Sylvie soupire encore.
— Alors, signe. Et joue les victimes si tu veux ensuite.
— Les victimes ?
Édouard sent l'agacement monter.
— J'ai reconnu cent fois mes torts. Je fais amende honorable en te laissant poser les termes du divorce. Il te faut quoi de plus ?
— Que tu comprennes vraiment.
Édouard ne trouve rien à répondre, alors il change de sujet.
— Comment va Thomas ?
Sylvie raccroche. D'accord. Il ne mérite apparemment pas d'avoir quelques nouvelles de son fils.
Édouard n'est pas plus avancé : il s'est à peine écoulé cinq minutes. Il se lève. Autant aller prendre un café ; il a besoin de se dégourdir les jambes.
Un collègue lui amène le dossier demandé une demi-heure plus tard.
— On a tout imprimé. Les différents emails sont classés par date. On a aussi trouvé la localisation de l'expéditeur. Un appartement dans le centre-ville.
— Merci.
Édouard parcourt les échanges. Il tient en effet un bon mobile. Son regard tombe sur l'adresse de l'expéditeur anonyme. C'est celle de Blanche Darmin. Il souffle violemment par le nez pour contrôler sa montée de colère. Tout le monde semble s'être passé le mot pour le contrarier. Un coup d'œil à l'horloge. Il est un peu tard pour aller lui passer un savon chez elle ; il décide de lui laisser une nuit de tranquillité. Il la cueillera le lendemain sur son lieu de travail. Elle n'a pas retenu la leçon la première fois, alors, cette fois-ci, il veillera à ce qu'elle fasse bien sa garde à vue de vingt-quatre heures... Ou plus.
***
— On est sûr que ça ne craint rien ? insiste Blanche.
Même si c'est elle qui a demandé à Guillaume d'envoyer les informations à l'inspecteur, elle ne peut s'empêcher d'angoisser.
— J'ai fait au mieux. Mais y a rien de complètement anonyme, sur internet.
— Comment ça ? C'est pas ce que tu disais hier soir !
Blanche pince les lèvres, contrariée. Albin a le contrôle du corps, il est occupé à classer des archives. Elle essaie de se rassurer. Si Édouard David avait dû la contacter ou l'interpeller, il l'aurait déjà fait. Il n'a sans doute pas réussi à déterminer la provenance de l'email.
— Au pire, joue la folle, déclare Guillaume. Ça a l'air de bien marcher avec lui. L'obsessionnelle, la désaxée, c'que tu veux.
Blanche le fusille du regard.
— Hors de question.
Quelqu'un rentre dans la salle d'archives. C'est Mireille, leur collègue. Albin l'apprécie, il peut se débrouiller. Blanche se concentre sur son problème.
— Et si ça ne donne rien ?
— Il faudra p'têt laisser tomber, répond Guillaume en haussant les épaules. Admettre que Nathan a disparu pour de bon. Que ça peut nous arriver.
— Parce que ça t'irait, de vivre avec cette idée ?
— J'en sais rien. Si ça s'trouve, Nathan est dans un coin, bienheureux, sans personne pour lui prendre la tête. Si c'est ça, j'veux bien le rejoindre.
Blanche a bien envie de le gifler, mais elle s'abstient.
— Tu sais très bien que j'préférerais être n'importe où ailleurs, poursuit-il.
Blanche ne l'écoute plus : elle vient de sentir la détresse d'Albin. Elle reprend le contrôle du corps en urgence, et son regard croise celui d'Édouard David.
— Bon, j'en ai assez, je vous embarque. Encore.
— Non ! Pas sur mon lieu de travail, le supplie aussitôt Blanche en chuchotant.
Elle le voit hésiter. Elle s'engouffre dans la faille.
— Ils ne savent pas... C'est difficile de garder un emploi, après. S'il vous plaît.
Elle s'en veut de recourir exactement à la tactique proposée par Guillaume, mais tout fonctionne comme prévu. L'inspecteur se radoucit.
— Qu'est-ce qui n'était pas clair dans mes avertissements ?
— Je m'inquiète pour Nathan. Mes informations vous ont été utiles, non ? Vous avez interrogé le propriétaire ?
Édouard souffle par le nez.
— Pas encore.
— Mais vous allez le faire, comprend-elle. Je peux venir ?
Il fronce les sourcils.
— C'est absolument hors de question.
Blanche a envie de pleurer d'impuissance. Elle laisse ses yeux s'embuer.
— S'il vous plaît...
Édouard regarde ailleurs, gêné.
— Je vous tiendrai informée. C'est tout. Restez tranquille en attendant.
— Promis.
— Bon... À bientôt, conclut-il maladroitement, avant de s'éloigner.
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Multiple
Misterio / Suspenso« Je m'appelle Blanche, j'ai 26 ans et j'ai une particularité. Mes psychiatres appellent cela un trouble dissociatif de l'identité. Personnellement, je préfère dire que je suis... multiple. D'autres personnes habitent mon corps. Vous ne pouvez pas l...