14 le protecteur

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À peine le conseil des ministres s'achevait-il que Minoas s'était levé avec précipitation. Phôtios le Premier Ministre et Grand Conseillé contempla son Roi en parvenant à cacher son étonnement. Quelle lubie lui prenait-il?

─ Il faut que j'aille voir Ioústos pour lui confier mon émeraude à tailler! S'exclama le Monarque

D'expérience, Photios savait que son Roi avait des toquades de temps en temps, jamais rien de vraiment important. Une envie de gâteau ou de musique, une envie d'un nouveau chiton brodé à la dernière mode, ou d'un bijou précieux, il adorait les pierres précieuses. En général, ses serviteurs en étaient amusés et se pliaient en quatre pour lui. Si son caprice s'avérait irréalisable, il passait à autre chose en bougonnant, mais il n'en faisait jamais de drame.

Minoas traitait toujours son entourage avec beaucoup trop de bienveillance, il leur accordaient bien trop facilement sa confiance, même à ses esclaves ! Le Roi savait faire preuve d'autorité, mais il y avait peu recours. Il aimait son peuple avec une sincérité visible, il aimait son entourage. Il n'était jamais autant satisfait que lorsque les personnes autour de lui semblaient heureuses.
Phôtios y voyait une dangereuse faiblesse. Il n'était pas encore parvenu à lui faire comprendre qu'il n'avait pas besoin de se faire aimer : ses sujets lui devaient respect et obéissance. Ainsi était son Roi, alors il était vigilant pour deux. Tel était son rôle de Grand conseillé.

Ce caprice-là, surgi de nulle part sans aucun signe avant-coureur, était différent de tous les autres, Phôtios n'aurait pas su dire en quoi. Cela éveilla sa méfiance.

À son retour, Minoas fit amener une femme au palais, avec la très nette intention de la prendre pour épouse, malgré les avertissements répétés de Phôtios sur la dangerosité de ces êtres vils. En mettre une dans son lit ne prêtait pas à conséquence, en choisir une comme épouse ne se faisait pas sur un coup de tête!
Mais cette fois-ci, Minoas avait balayé d'un revers main agacé toutes les recommandations de son conseillé : cette femme avait tout d'un ange, elle ne pouvait pas être mauvaise! Pire, il avait refusé de la lui présenter.

Il était rare que la volonté du Roi échappât à son contrôle. En fait, c'était la seconde fois.
La première fois avait été lorsqu'il avait choisi Pasipháê pour épouse. Minoas l'avait rencontrée lors d'un banquet donné en l'honneur de son anniversaire Royal. Elle avait à peu près le même âge que lui. Minaos avait été attiré par sa beauté, puis fasciné par son éloquence et sa vive intelligence. Le coup de foudre avait été immédiat et mutuel. Illes avaient passé la soirée à parler encore et encore. Moins d'une semaine après, celle-ci acceptait de devenir son épouse, au grand damne de Phôtios.
Minoas nageait dans le bonheur sans savoir combien cette jeune femme était doublement dangereuse : tout comme sa sœur Kirkê, elle était instruite. (fort heureusement, elle ne détenait aucun pouvoir magique). Des parents sensés ne donnaient aux petites filles la même éducation qu'aux petits garçons! Le rôle des femmes était d'obéir, d'être de bonnes épouses soumises aux hommes et de leur donner des fils, pas de réfléchir.

Mais Minoas était profondément amoureux de cette toute jeune femme, passionnément amoureux de son épouse. Il écouta niaisement toutes les sornettes qu'elle lui raconta sur la liberté et l'égalité des hommes et des femmes, elle l'incita même à accorder plus de droits et de liberté aux esclaves! Kirkê venait souvent visiter sa sœur et elle tenait exactement les mêmes propos aussi inconsidérés qu'absurdes.
Sacrilège ! Elles bouleversaient l'ordre naturel de leur société ! Elles allaient les mener tous à leur perte !

Le sort que Phôtios était parvenu à jeter à Pasipháê avait été compliqué, mais il avait réussi.
L'héritier était né monstrueux et Minoas s'était sentit trahi. Sa douleur avait été inqualifiable. Il avait fait mettre à mort le grand taureau blanc. Il avait interdit à Kirkê de reparaître devant lui. Étonnement, malgré l'insistance de son conseillé, le roi avait rigoureusement refusé de faire aussi tuer la mère-infidèle, la tante-sorcière et l'enfant-bâtard.

BÉNÉVOLENTS - Partie 1 ÉmissairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant