En fuite | chapter 12

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Shelley était allongée sur son lit, muette. Ses doigts étaient crispés autour d'un coussin, son visage sans expression -elle était si pâle que cela m'effrayait. Tout dans sa chambre excessivement colorée semblait sans vie. Je m'assis fébrilement à ses cotés, et elle ne bougea pas d'un cil.
-Ce n'est pas possible, lâcha t-elle enfin, dans un pauvre souffle.
-C'est ce que je me suis dis aussi.
Je venais juste de lui raconter mon histoire, avec Nate, et cela l'avait encore plus tétanisé. J'étais venue à la hâte, et de nuit, chez elle -un joli duplex aux fenêtres fleuries, près du Queens- et lui avais tout dit, de A à Z. Soudainement, elle se redressa très légèrement et décréta :
-Il faut que j'y ailles, Slo'.
-Où ça ? Demandai-je, sourcils froncés d'inquiétude.
Elle déglutit et ferma les yeux, comme en proie d'une terrible migraine:
-Je ne sais pas. Il faut juste que je bouge.
Elle se déplaça jusqu'à des portants, au dos de la porte, encombrés par de nombreux manteaux de couleurs sombres. Elle en attrapa un -une parka bordeau-, et je restais aphone.
-Lesli organise une soirée, je n'ai pas été invitée. Suis moi quand même.
-Ce n'est pas la bonne solution ! Criais-je brutalement, bizaremment hors de moi.
J'étais à présent plus en rage qu'apeurée.
-Faire la fête ne résoudra rien du tout, Shelley.
Je m'étais reprise et avais parlé plus calmement, cette fois. Néanmoins, mon amie paraissait excessivement choquée. Sa bouche étaient grande ouverte, mais aucun son n'en sortait. Je continuais, profitant de son absence:
-Tu agis avec trop de lâcheté, franchement. J'ai l'impression que tu ne réalises pas ce qui nous arrive.
Je n'avais pas eu raison, en pensant que Shelley réagissait en tant qu'adulte. Elle réagissait en tant que gamine.
-Vas-y si tu veux. Après tout, c'est ta vie, gromellais-je, poings serrés.
Je perçus de la violence, dans ses yeux, et décidais qu'il était grand temps de m'en aller. Lorsque je franchis la porte de sa chambre, elle tenta de me bousculer -en vain, j'avais été plus rapide. Je partis ensuite d'un pas décidé, de ce foutu appartement.
Dehors, la nuit était plus noire et silencieuse que jamais. Quelques lampes étaient allumées, derrière les fenêtres des très hauts appartements, mais très peu.
Je ne m'étais que rarement retrouvée dans le Queens, et, comme il faisait sombre, cela me parut subitement effrayant. Je me sentais plus seule que jamais.
Je parcourus les rues, arrivais au tram quasiment vide, comparé à la journée où j'avais croisé Nate. Les lumières étaient jaunes, aveuglantes et sinistres. J'avais envie de vomir.
Je m'assis aisément à une place inconfortable, le nez collé à la vitre salle. Tout semblait calme, au dehors. New York endormie était vraiment belle.
Le bruit du tramway qui circulait était incroyablement relaxant.
Je manquais de tomber dans le sommeil maintes et maintes fois; après tout, il devait être deux heures passées. Mais, je savais que, si je m'endormais, je ferais d'horribles cauchemars. Non, pas des cauchemars ; des souvenirs.
Je me mis donc à observer les passagers, à mes cotés. La plupart étaient en uniformes de travail -ils venaient sûrement de finir une journée longue et fatigante. Une jeune femme lisait un livre olé-olé (je n'aurais su dire si il s'agissait de 50 nuances de Grey), juste devant moi. Elle était très jolie, un petit peu enrobée, et coquette. Ses joues étaient roses -sûrement à cause du contenu de son roman.
Je sentais un regard, posé sur ma nuque, et tournais avec lenteur la tête. Un jeune homme magnifique me regardait, de loin -Gabriel. Je me sentis moi aussi rougir. Il me sourit, et me fit signe de venir le rejoindre. Je m'éxecutais donc, sans me faire prier.
Il portait un bonnet très hipster, possédait une barbe de quelques jours, et un sweat négligé. Il était différent de l'autre soir, mais tellement plus séduisant... Il me demanda, de sa belle voix suave, qui me fit frémir :
-Une aussi jolie fille que toi ne devrait pas trainer dans les rues à cette heure. Ça se trouve, il y'a des délinquants, dans le coin.
-Qu'est ce qui te fait dire que je ne suis pas moi même une délinquante ?
Il me sourit, ce qui dévoila ses belles dents blanches, parfaitement alignées.
-Plus sérieusement, que fais-tu là ? Fis-je.
-Je rentre de chez Maddie.
Je sentis mes joues devenir cramoisies, et baissais machinalement les yeux. J'avais oublié ce fait là, et préférais tout simplement ne rien ajouter. Nous nous mîmes à discuter tout à fait normalement, et, plus nous parlions, plus je le trouvais génial. Plus je pensais, aussi, qu'il n'avait strictement rien à faire avec Maddie. Il valait mieux qu'elle.
Je mourrais d'envie de sortir avec lui. Il me plaisait incontestablement.
-Où est-ce que tu habites ? Dis-je en adoptant un air charmeur.
Il me déclara habiter non loin de l'Upper East Side (un quartier très aisé de notre ville), et j'en fus plutôt surprise. Nous approchions de son appart, et il descendit bien vite. Avant que les portes ne se ferment, il me lança:
-On s'appelle demain, Slo. Fais attention à toi.

[ARRETÉE] Normal LifeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant