CHAPITRE 2

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  Plusieurs choix s'offrent à moi : abandonner ou continuer. Continuer de vivre et respirer dans un monde qui, pourtant, m'a rejeté à moitié. Un chemin m'ouvre ses bras : vivre ou mourir, lequel m'apportera-t-il le plus de paix ?

***

— La rentrée est dans moins d'une semaine, Abelle. Je sais bien que tu n'as pas la tête à sortir mais...

— C'est non, dis-je en me retournant, cherchant une énième chose à ranger dans la chambre que l'on m'avait attribué.

Le délai des trois jours est dépassé. En voilà quatorze que j'ai emménagé chez les Johnson. Depuis, mes parents n'ont jamais cherché à me rappeler. De plus, ils ne répondent pas non plus à mes appels incessants. Mes nuits ici, je les passe à me tourner et me retourner dans mes draps, les couvrant d'une fine pellicule de sueur. Je dois les mettre tous les jours à la machine à laver, afin que leur odeur redevienne convenable.

Bill et sa femme Clara s'inquiétent de mon manque d'appétit. Simplement, je n'arrive à rien avaler sans avoir la nausée. Ma gorge est si nouée que l'idée même d'ingurgiter quelque chose me révulse. Non, je ne me sens pas bien. Et ce n'est sûrement pas Cidna qui va me sortir de ce trou béant qui m'aspire..

— S'il te plaît, Abelle. Ne fais pas ta tête de mule, soupire-t-elle en me faisant à nouveau face. Tu vas arriver dans un nouveau lycée, pour la dernière année en plus. Tout le monde se connaît déjà. C'est dans ton intérêt premier de rencontrer du monde.

— Encore une fois, Cidna, n'insiste pas. Je vais demander à Bill qu'on retourne dans le Kansas. Il faut à tout prix que je retrouve ma mère.

— Mais quand vas-tu enfin comprendre ! s'énerve l'adolescente, en croisant les bras contre sa poitrine volumineuse. Tes parents ne te rappelleront pas, Abelle !

Quelque chose se déchire en moi, suite à ses mots aussi cinglants qu'une armée d'épées affûtées.

— Cidna Johnson ! clame la voix de Clara.

Je fixe Clara, ma tante, du coin de l'œil. Aussi blonde que sa fille, les deux présentent des formes généreuses, à en faire se retourner plus d'un. Clara me rappelle directement ma cousine, en bien plus âgée.

— Maman..., gémit l'adolescente. Abelle ne veut...

— Plus un mot, dehors, oust, chassa-t-elle sa fille prestement.

Cidna pousse un long soupir mais décide tout de même d'obéir. Elle se précipite hors de la chambre, prenant soin de claquer la porte au passage, faisant trembler les tableaux de paysages montagneux, accrochés au mur de ma chambre.

— Comment ça va ?

La voix douce de ma tante me ramène à la réalité. Je la regarde cette fois droit dans les yeux, m'attardant sur les ridules autour de ses prunelles couleur chocolat.

Je vais mal. Terriblement mal. Je ne dors plus et ta peste de fille me sort de mes gonds.

— Je vais bien, réponds-je de manière platonique.

— Tu es une mauvaise menteuse, commente-t-elle en m'invitant à m'asseoir sur le lit.

Je soupire longuement en me laissant faire, appréciant cette chambre dans laquelle ils m'ont placé. Dehors, le vent fait légèrement battre une branche contre le carreau de ma porte fenêtre. Cette dernière laisse agréablement entrer une luminosité morose. J'apprécie grandement ce grand tapis couleur crème, si doux au toucher. Ce parquet de chêne me rappelle la maison de mes grands-parents, dans le Wyoming. La pièce est grande, chaleureuse. J'ai un énorme dressing pour moi toute seule et même ma propre salle de bain.

L'éveil des âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant