CHAPITRE 20

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Abelle reste silencieuse tout le reste du repas. Moi aussi, cela-dit. Mais la peur qui l'habite et que je ressens moi-même très clairement, montre qu'elle en a assez vu. Qu'il est sans doute déjà trop tard. Je ne peux cependant pas laisser le passé se répéter.

Je ne peux tout simplement pas rester sans rien faire. Pas pour elle. Pas Elle. Ainsi, après le repas, je l'accompagne en cours. Nous planifions aussi de nous voir ce week-end, chez-elle, pour terminer notre devoir et voir les derniers détails ensemble.

Sinon, nous n'échangeons aucune parole supplémentaire. Aussitôt après avoir mangé, elle se lâche à nouveau les cheveux et remet sa veste. Je remarque bien assez tôt que mon regard ne peut se détacher d'elle. Gêné, je détourne les yeux. Mais, lorsqu'elle n'apparaît pas dans mon champ de vision, tout me paraît si fade. Je me rassure du fait qu'elle ne peut pas m'entendre penser. Qui aurait été le plus psychopathe sinon : moi ou l'odieux capitaine ?

Ne pouvant résister à la tentation de la voir au moins dans ma vision périphérique, je tourne légèrement la tête. Elle semble profondément chamboulée et ne cherche même pas à me le cacher. Qu'a-elle pu voir ? Jusqu'où est-il allé ? Encore une fois... arrivés devant sa salle de classe, Jay est déjà là. Et il la dévisage. Un sourire fier barre ses lèvres. Il devine sûrement lui aussi qu'elle ne se sent pas bien et ça le rend heureux. Comme pour toutes les autres.

— Tu ne vas pas en cours ? m'interroge-t-elle.

— Si, j'ai juste quelque chose à régler d'abord.

Elle acquiesce, sans chercher à en savoir plus, ce qui m'arrange. Je fixe Jay sans décrocher de son faciès. Brun, la mâchoire carrée, j'ai vu ce visage si souvent que j'ai fini par le connaître par cœur. Pour mon plus grand malheur. Il finit par être intrigué par mon comportement. Il me sonde à son tour, avant de reculer et de se rendre dans l'un des couloirs. Le cours d'Abelle commence, elle y rentre après m'avoir salué. Pour ma part, je me mets à suivre Jay.

J'emprunte le même couloir que lui auparavant, qui est presque désert, si sa silhouette ne tranche pas à travers le vide. Sans se retourner, il ouvre la porte des toilettes des garçons et y entre. J'inspire un bon coup avant d'accélérer le pas et de m'y rendre. Je referme lentement la porte derrière-moi, cherchant de quoi la bloquer, sans rien trouver. L'odieux capitaine se trouve là, appuyé contre le mur, me scrutant avec nonchalance.

— Tu veux peut-être reprendre une douche ?

J'ai soudainement chaud. Mes mains commencent à trembler. Qu'il s'en prenne à moi, il peut faire ce qu'il veut. Mais Abelle.

— Je sais ce que tu lui as fait, tranché-je.

— Qui ça ?

— Tu sais très bien de qui je parle !

Je fais un pas en avant. C'est ridicule. Jay est plus petit que moi. Certes, il est plus musclé, mais physiquement une personne extérieure n'aurait pu déterminer un gagnant si nous nous battions. La vérité est qu'il m'impressionne, que je sens très nettement comme une aura qui l'entoure. Je suis effrayé. Et, en même temps, je ne peux pas rester sans réagir. Il ne doit pas se sentir invincible, ou alors, ce sera la descente aux enfers pour Abelle. Et, quand il aura fini de l'user, il s'en prendra à d'autres. Encore et encore.

— Je n'ai rien fait à Abelle...

— Et cette marque, dans son dos ? Tu pensais que je ne verrais rien !

Un petit rire s'échappe de ses lèvres. Ma tête commence à me faire souffrir, à mesure que je la fixe dans les yeux. Son sourire s'agrandit.

— Je n'ai rien fait, à Abelle, répète-t-il, avec toujours ce même air mesquin.

L'éveil des âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant