CHAPITRE 19

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Le soir qui suit est mouvementé. Je n'arrive plus à m'ôter de l'esprit cette sensation qui m' habite. Il y avait bien quelque chose avec moi dans les vestiaires, du même genre de ce qu'il y avait eu dans la bibliothèque. Après le cours de sport, je n'attends personne et je me dirige directement dans mes classes. Je passe même l'étape du self et décide d'aller manger à l'extérieur. Je ne revois donc pas Peter. Je ne sais pas trop comment je vais lui parler, désormais, étant donné comment je l'ai ignoré.

Une fois rentrée, j'attends que Clara revienne du travail. Puis, je lui raconte tout. Le cours de sport, les ricanements, le fait que je m'étais fait entourer, ma chute, ma confrontation... Tout du long, elle m'écoute, sans jamais me couper. Ensuite, elle me dit de faire attention à moi. Elle prend aussi soin de panser mes blessures afin que je ne sois pas gênée pour dormir.

— Je m'en occupe, assure-t-elle avant de quitter la pièce.

Au final, mon sommeil a quand même été perturbé. Je ne fais que me réveiller aux moindres sons que j'entends.

Je fini même par cacher ma tête sous la couverture, ayant peur des formes obscures dans les coins de la pièce.

Tu délires.

Oui, c'est ça, je délire. Et je prends ma décision. J'irai voir le psy. Au moins une fois. Le lendemain, je me lève plus tôt, afin d'attraper mon oncle avant le travail. Je lui explique ma décision et il acquiesce.

— Je l'appelle dans la journée, m'affirme-t-il.

Puis, il pose une main chaleureuse sur mon épaule et je remonte me préparer. Même si, au fond, je n'ai aucune envie d'aller au lycée. Mes cernes sont béants. Je n'ai presque pas dormi de la nuit, mon teint est gris.

Ce vendredi s'annonce long... mais, au moins, le week-end arrive. De plus, je devrais revoir Peter pour notre dernière heure de devoir, avant la présentation la semaine d'après. Épuisée, je me prépare sans vraiment faire attention à ce qui m'entoure.

Plus tard, j'arrive avec Cidna au lycée. Dans la voiture, nous discutons de l'incident de la veille, bien que j'élude la partie vestiaire. Elle me répéte de faire attention à moi. Que puis-je faire d'autre de toute façon ? La matinée se passe heureusement sans encombre. À midi, je range mes affaires dans mon sac à dos sans grande envie. Je n'ai pas envie de manger au self. Surtout pas si c'est pour que Jay fasse son cinéma.

Et puis quoi ? Tu vas passer ton année à fuir cet enfoiré ?

C'est alors que je reçois un message sur mon téléphone. J'attends d'avoir quitté ma classe avant de regarder. C'est Bill. Il a pu appeler son ami et a obtenu un rendez-vous le soir. Il rajoute que je peux facilement m'y rendre à pied, avec ça, il m'envoie l'adresse par sms. Je le remercie avant de me diriger vers le self. Je n'ai qu'à faire vite.

Oh et puis, peut-être qu'il te laissera tranquille...

C'est du moins ce que j'espére. J'attends, fatiguée, mon tour au self. Je remplis mon plateau mécaniquement et me choisis une table, cachée derrière une sorte de paravent. Je veux qu'on me laisse tranquille.

— Salut.

Je relève lentement la tête. Mon ami se tiens droit devant moi, son sac débordant d'affaires sur le dos, son plateau dans les mains. Le visage inquiet. Le regard bouleversé.

— Peter...

Ma voix sort maussade, exténuée. Je suis contente de le voir mais, en même temps, je suis gênée par le comportement que j'ai eu à son encontre.

— Excuse-moi, pour hier, lui dis-je alors qu'il s'installe à côté de moi.

— C'est rien. Ce n'est pas à toi d'être désolée dans tout ça. J'ai bien vu le manège de Jay. Ce connard me sort par les yeux, révèle-t-il, anxieux.

— Et moi donc...

Nous nous fixons dans les yeux quelques secondes. Sa main effleure la mienne, me faisant frissonner sur tout le bras. C'est... agréable.

— Tu as mal ? demande-t-il en désignant du doigt ma plaie, qui cicatrise.

— Non, ça me gratte un peu mais rien de plus.

Il s'éloigne ensuite de moi pour commencer à manger. La gorge nouée, je décide de m'attacher les cheveux, afin que ces derniers ne me gênent pas. Peter se retourne vers moi lorsque je termine, il allait dire quelque chose, mais sa voix reste en suspens.

— Qu'est-ce que..., fait-il finalement, les sourcils froncés.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Son expression faciale se fige, m'inquiétant fortement. Je n'aime pas cette lueur d'inquiétude que je lis dans son regard.

— Est-ce que tu peux... tourner la tête ?

Perplexe, je m'exécute. Ensuite, sa main se pose sur ma nuque, exactement au même endroit où cette chose m'a touché dans le vestiaire. Ça ne peut pas être une coïncidence. Je le regarde ensuite, attendant qu'il me donne des réponses.

— Désolé, c'est rien, me dit-il ensuite, visiblement troublé. Tu as du attraper un coup de soleil hier.

— Vraiment, Peter ? Laisse-moi te dire que tu es un mauvais menteur. Qu'est-ce que tu as vu, pourquoi tu sembles inquiet ?

Je ne suis pas née de la dernière pluie et je veux qu'il le comprenne. De plus, je suis fatiguée, sur les nerfs et mes règles sont arrivées ce matin, pour couronner le tout. Je ne suis définitivement pas prête à jouer aux devinettes avec lui.

— C'est rien, tu as une marque rouge qui va jusqu'à ta clavicule, mais c'est un coup de soleil, tout simplement, rien de plus, insiste-t-il.

Mais cette inquiétude ne le quitte pas. J'en ai simplement assez. Je me redresse, j'ai de nouveau trop chaud. Il me faut de l'air.

— Un coup de soleil, hein ? Et tout ce cinéma pour un coup de soleil ? De là à me demander de me retourner ? Il est écrit idiote, sur mon front ? sifflé-je avec hargne.

— Abelle, où tu vas ?

Peter se relève à son tour et me bloque le passage. Je ne peux désormais plus passer. En effet, il pose ses deux mains à plat sur mes épaules. J'avance pour tenter de me défaire de sa prise, mais ça n'a pour effet que de me rapprocher de lui davantage. En relevant la tête, je remarque que je suis si proche que je ressens son souffle chaud contre ma peau. J'en ai le vertige. Il adopte une attitude protectrice mais, loin de me rassurer, je veux juste savoir ce qui le rend inquiet.

— Pourquoi tu me mens ?

Il se mord la lèvre, juste devant moi. Qu'est-ce qu'il ne veut pas me dire ? J'aperçois quelques détails supplémentaires sur sa peau : comme une cicatrice presque invisible, cachée sous ses mâchoires.

— Je pense que tu devrais t'asseoir, me conseille-t-il.

— Non mais...

— Assieds-toi. Je vais prendre une photo et te montrer.

Son ton se résigne, ferme. Et son regard me touche. Il semble à la fois... triste et chamboulé. Ses yeux brillent étrangement. Ainsi, je me réinstalle à contre cœur, pas vraiment sûre de voir ce qu'il a à me montrer. Je dégage ma queue de cheval de mon dos, il prend la photo puis me la montre.

S'en est trop. Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer.

— Mais... mais qu'est-ce que....

Ma peau est nettement plus rouge et la tâche prend l'apparence d'une main. D'une longue main, bien trop longue pour être humaine. Le pouce posé sur ma nuque, la paume sur mon épaule et des doigts bien trop longs, allant jusqu'à ma clavicule. Je me sens blêmir, prise d'un malaise. Je ferme les yeux, tentant de reprendre mes esprits. Cette chose qui m'a touché dans les vestiaires... je n'ai pas rêvé. Elle m'a même marqué.

Lorsque je rouvre les paupières, je croise le regard de Peter. Ce regard qui dit, qu'il en sait bien plus que ce qu'il veut me faire croire. Et, un jour ou l'autre, il va bien falloir qu'il crache le morceau.

L'éveil des âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant