1er décembre - Poils et pédiluve

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Ça doit bien faire 10 ans que je n'ai plus mis les pieds dans une piscine. En même temps, quand j'étais minot, j'avais de l'eczéma et l'interdiction formelle de mettre ma peau en contact avec de l'eau chlorée. Pas que j'en avais follement envie, on va pas se mentir. À la piscine, l'eau est toujours trop froide, l'air trop chaud, les gens te matent, parfois pas discrètement du tout, la moitié du liquide, que tu finiras pas ingérer, est composé de pisse et l'autre de mycose plantaire.

Non, c'est vrai, je ne suis pas le plus grand fan de barbotage que vous pourrez trouver aujourd'hui. C'est pas grave, j'assume. Enfin, d'habitude, j'assume. Là, disons que si je m'y trouve, c'est que j'ai pas hyper assumé. Parce que je suis con. Enfin, non, c'est Max qui est con. À quel moment on se donne rendez-vous le 1er décembre dans une piscine municipale, bordel ?

Max, c'est mon meilleur pote. Enfin, même si là tout de suite, il est passe de devenir mon ex-meilleur pote. Parce que s'il ramène pas son p'tit cul blanc dans les quinze secondes, je crois que je lui parlerai plus jamais. Il est censé venir avec sa cousine, Deb. Il parait que je lui plais. Soit disant, on se serait déjà rencontré dans une soirée, il y a trois mois. Aucun souvenir. Mais Max dit qu'elle est cool, alors pourquoi pas.

Avec les pieds qui pataugent dans l'eau froide ramenée par les précédents nageurs, je commence à m'impatienter, et pas pour rigoler. Sans déconner, il m'a envoyé un message prétendant qu'il était devant le bâtiment alors que j'enfilais mon short. C'était il y a un quart d'heure. Qu'est-ce qu'il branle ? S'il met autant de temps à enfiler une capote que le bonnet qui lui donnera une tête de gland, il risque de rester puceau jusqu'à la fin de ses jours.

Je soupire, sans même essayer de le cacher, et je jette un œil au couloir qui mène aux bassins. Ça fait au moins cinq minutes que j'ai vu personne y entrer ou en sortir. L'heure de fermeture est quand même pas passée ? Et mon téléphone qui est dans mon sac, au fond d'un casier à la con. Bon, le seul moyen de savoir, c'est de m'y rendre. Il doit forcément y avoir un cadran quelque part et je pourrais aussi bien les attendre assis au bord de l'eau.

En vrai, j'ai repoussé le moment jusqu'ici pour une raison simple. Et valide.
Je suis pas sûr de savoir nager.
Oui, ben, je vous rappelle que j'ai jamais appris, moi. Les cours de natation, je les passais dans la cabine des maîtres nageurs. Qu'est-ce que j'ai pu m'y faire chier, d'ailleurs. Sauf la fois où, avec Lou, ma copine, on a appelé des numéros au hasard avant de raccrocher en rigolant. Ce qu'on était cons.

Enfin, c'était il y a longtemps, au moins quatre ans. Je suis plus la même personne, aujourd'hui. Je fais plus de canulars téléphoniques. Et je me mets même en maillot dans le but d'aller nager et pas juste de bronzer mes pecs inexistants sur la plage. Sans déconner, qu'est devenue ma vie ?

La douche, le pédiluve, check. C'est bizarre quand même, c'est super calme derrière les rideaux en plastique épais. Je fais encore deux pas, puis trois. Ça y est, j'y suis. Et... Merde, y a vraiment pas un chat, en fait. Est-ce que ces cons m'auraient enfermé ? Mais il y a avait encore de l'eau par terre dans les vestiaires, il y a a pas une femme de ménage qu'est censée s'occuper de ça avant de fermer ?

Je vais rebrousser chemin, quand j'entends des clapotis en provenance du grand bassin. Je me serais trompé ? Il resterait une poignée de connards dans l'eau ? Je m'approche, mes pieds faisant flitch flotch dans l'eau trop froide. J'aime pas mes pieds, ils ont une forme bizarre, des orteils trop longs, des ongles quasi-absents, et dans ce silence, j'ai l'impression que le bruit qu'ils font va attirer l'attention de tout le monde dessus. En même temps, y a personne, vous me direz.

Quand je laisse mon regard balayer le bassin, je ne le vois tout d'abord pas. Je crois mon cerveau à préféré l'occulter pour éviter d'avoir à y repenser un jour. Sauf qu'en passant les yeux sur l'étendue bleue une seconde fois, je ne peux faire autrement que de le remarquer.

Mécomptes de Noël - Le calendrier de l'Avent de l'AbsurdeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant