Chapitre 4

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Depuis plus d'un an, Adèle venait tous les matin à la boulangerie, elle y restait près d'une heure et demie, prenait son déjeuner seule, puis repartait. De très rares fois, l'étudiante venait aussi l'après-midi, elle s'installait à la même table, demandait un jus, puis travaillait. Une fois, elle était venue accompagnée d'une autre jeune fille, mais Bastien n'avait plus jamais revu la grande blonde. Quant à Adèle, Bastien avait toujours été heureux de la voir, il se sentait immédiatement de bonne humeur lorsqu'elle était dans la boulangerie. Le matin, il devait bien le reconnaître, il l'attendait avec impatience.

Alors pourquoi, pourquoi aujourd'hui n'était-ce pas le cas ?

Il était près de 17h30, et si Bastien a eu un sourire instantané en la voyant, son sourire est bien vite retombé, et à vrai dire son humeur tout entière s'est dégradée. Était-ce à cause du jeune homme qui, assis à la table avec Adèle, dévorait sans discrétion la jeune fille des yeux ? Bien sûr, ce n'était pas sa simple présence qui dérangeait le jeune boulanger mais... Quelque chose n'allait pas. L'étranger avait les cheveux trop blonds, le sourire trop tombeur, le corps trop musclé. Quelque chose clochait, Bastien en était sur. Et il n'aimait pas la façon dont le blond regardait la jeune étudiante. Comme un prédateur regarde sa proie. Comme un collectionneur regarde son plus précieux bijou. Mais pas avec amour, avec avidité. Elle n'est pas à toi, avait envie de hurler Bastien. Elle n'est pas à moi non plus, pensa-t-il aussitôt.

- Bastien ? demanda quelqu'un en lui touchant l'épaule.

Le jeune boulanger sursauta, et remarqua alors Malik, la main encore sur son épaule, les yeux soucieux derrière ses lunettes rondes. Bastien tourna la tête, et remarqua que plusieurs personnes attendaient d'être servis. Depuis combien de temps était-il à ce point perdu dans ses pensées pour ne pas remarquer les clients ?

- Va prendre une pause, lui intima Malik, je m'occupe du service.

Bastien fut surpris du ton autoritaire du jeune magrébin, qui habituellement bégayait avant de pouvoir prononcer une phrase correcte et n'osait lever les yeux sur personne. Il hocha cependant la tête, et sortit prendre l'air.

Dans la cour arrière de la boulangerie, Bastien se trouva stupide, voire vraiment idiot, de sa réaction. Qui était-il pour Adèle ? Absolument personne. Il n'était que le boulanger, qui depuis un an lui servait son chocolat chaud et son croissant du matin. Personne donc. Bastien soupira, et s'adossa contre le mur de pierre. Il ne pouvait pas se permettre d'avoir ce comportement. Professionnel, reste professionnel, s'ordonna-t-il mentalement. Mais, sans arrêt, le visage souriant de Adèle apparaissait dans son esprit. Ses cheveux bruns qui encadraient son sourire si parfait, ses discrètes tâche de rousseur, son teint clair, et ses yeux, ses si beaux yeux couleur chocolat. Il savait qu'elle était étudiante en journalisme, qu'elle n'étais pas originaire de la ville, mais il y avait tellement de choses qu'il ne savait pas. Et surtout, tellement de chose qu'il aurait aimé lui demander. Comme, pour commencer, qui était ce fichu gosse blond, habillé en marque des pieds à la tête avec son sourire faux ?

- Bastien ? demanda soudain Malik en passant sa tête par l'embrasure de la porte.

- Oui ? répondis le jeune boulanger.

- Tout va bien ?

- Bien sûr, pourquoi est-ce que ça irait pas ?

- On dirait que tu vas tuer quelqu'un, fit remarquer l'apprenti.

Ah. C'est raté pour le professionnalisme.


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