Eleanor :
L'éternité est une notion surfaite.
J'arpente le monde depuis plus de 500 ans, j'ai arrêté de compter les années depuis bien longtemps et pourtant, l'éternité me semble exagérée. Derrière ce mot, les humains y voient le bonheur, le temps, l'argent accumulé, les rencontres, la nouveauté, les connaissances... Je n'y vois que la répétition et la solitude. L'échéance de la mort apporte une limite à la vie, un but à atteindre. Pour certains, c'est gagner suffisamment d'argent, pour d'autres, c'est de fonder une famille. Dans mon monde, l'argent ne sert à rien et il m'est impossible de fonder une famille, ceux que je rencontre deviendront, un jour, vieux et mourront, me laissant seule. La solitude est devenue mon enfer personnel.
La mort ne viendra jamais à moi et ce n'est pas faute d'avoir tenté. Je me suis faite écraser par un train, j'ai sauté d'un avion, j'ai essayé de me faire brûler et de me faire couler au fond d'un lac. La corde et les médicaments n'ont eu aucun effet non plus. J'ai même essayé de me faire guillotiner à la Révolution Française, mais la lame s'est brisée en deux sur mon cou. Elle ne m'a même pas tailladé d'un millimètre. En soi, je vis déjà un enfer sur la Terre, ça me parait normal que le vrai Enfer ne veuille pas de mon âme. Mon objectif de suicide évaporé, j'erre dans les rues sans réel but précis et je regarde la vie défiler devant moi.
L'éternité n'est qu'un spectacle dont je suis spectatrice.
Les rues de New York étaient animées comme tous les jours. Je regardais les gens défiler depuis mon appartement. L'appartement n'était qu'une cachette, une façade pour tromper les humains. Je n'en avais pas besoin. Je ne mangeais pas, je ne dormais pas, rien n'est inconfortable pour des créatures de mon espèce. Il me servait juste à ramener des humains sans encombre. Mais la vue du dernier étage était plutôt jolie. Je sorti mon téléphone avant même de recevoir un message.
Robert : Salut ma poule, on va au bar ? J'ai soif.
Moi : Alcools ou humains ?
Robert : Les deux.
Moi : Ok je suis à La Rosa dans 10 min.
Je sortis de mon lit et enfilai une chemise blanche et un pantalon. La seule chose de bien avec cette époque, c'est que les femmes pouvaient porter des pantalons sans être jugées. Porter des robes pendant 500 ans m'avait fatiguée à l'idée même d'en porter une de plus. C'est la seule chose de bien que l'éternité m'ait apporté. Avec cette époque, je pouvais faire ce que je voulais de mon apparence, de mon corps et de mes pensées. J'avais tenté plusieurs styles au cours des époques, mais le rock était mon préféré. Arrivé avec Elvis Presley, il n'avait fait que se réinventer et aujourd'hui, en 2021, il était toujours présent. Imbattable, comme moi.
Robert n'était pas encore là quand je suis arrivée au bar. Je pris mes aises dans le quartier VIP. Il n'était pas difficile de se procurer un accès pour des êtres comme nous. Il suffisait d'utiliser un peu de son charme sur le patron, un des nombreux dons qui était venu avec l'éternité. C'était un bar assez prisé par les jeunes humains et c'était aussi mon terrain de chasse préféré. Alcool, drogue, danseuses érotiques, bonne musique, un cocktail qui rendait notre partie de chasse presque trop facile. Je me plaisais à les regarder danser. La danse est une des rares choses qui a traversé les époques. Les mouvements ne sont plus les mêmes, mais l'intention est restée inchangée.
- Salut Robert.
Robert venait de s'installer dans le canapé avec deux jeunes femmes dans les bras. Sexy et trop vulgaire à mon goût. Pas du tout mon type. Leurs sangs étaient déjà bien empoissonné par l'alcool.
J'avais connu Robert en Europe lors de la Seconde Guerre mondiale. Il servait l'armée américaine et avait accosté avec son équipe sur les plages de la Normandie. La Guerre était son terrain de chasse à l'époque et il s'abreuvait du sang de ses ennemis. Il fut promu général, mais n'en tira aucun parti. Tous ses compagnons d'armes sont mort devant ses yeux.
- Eleanor, me salua-t-il.
- Tu as été rapide aujourd'hui.
- Elles m'ont sauté au cou que veux tu ? Il rigolait de son allusion à peine dévoilée. Plus sérieusement, j'ai entendu que tu cherchais aussi des femmes. C'est vrai ?
- Exclusivement des femmes. Cette époque me le permet, dis-je en souriant à mon tour. Serais-tu homophobe ?
- Pas du tout. Simplement étonné. Mais je te comprends. Les femmes sont autant un plaisir pour les yeux que pour la bouche.
- Surtout maintenant. Regarde les danser sur la piste.
Au cours des 500 dernières années, j'ai vu pas mal de style de danse. La valse, le jazz, le rock. Je les avais toutes dansées. Mais celle-ci est de loin ma préférée, peu importe comment ils l'appellent à présent. La proximité des corps, les vibrations du sol, la chaleur de la pièce, je me délectais à la vue de ces corps bougeant en rythme.
- Robert, tu m'accompagnes ?
- Et fausser compagnie à ses dames ? Nous allons bientôt rentrer, n'est-ce pas?
Les deux rigolaient, bien trop saoule que pour protester. Robert choisissait toujours des proies trop faciles. Je préférais chasser de réelles proies et danser avec elles un peu avant.
- Bon appé...
Je ne pu terminer ma phrase, un ange avait pris ma parole.
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D'ailes et de flammes
ParanormalSes bras s'ouvrirent comme les ailes d'un ange, me sortant des ténèbres et me gardant près de son corps. A jamais.